Fédération des travaux publics de Lorraine : « Il faut absolument revenir au niveau habituel d'appels d’offres »
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Thierry Ledrich président de la Fédération des travaux publics de Lorraine Fédération des travaux publics de Lorraine : « Il faut absolument revenir au niveau habituel d'appels d’offres »

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Pour le président de la fédération des travaux publics de Lorraine, Thierry Ledrich, les milliards du plan de relance sont toujours bons à prendre pour « mettre de l’huile dans les rouages ». Mais l’enjeu est ailleurs : le niveau actuel des appels d’offres passés par les communes, inférieur de 30 à 40 % par rapport à la normale, laisse entrevoir un « drame économique » dans le secteur des TP.

Thierry Ledrich est à la tête de la Fédération des travaux publics de Lorraine depuis le 1er juillet 2020 — Photo : © FTP Lorraine

Quel est l’état de la filière travaux publics ?

La filière construction, c’est 200 milliards d’euros, soit 8 % du PIB. Quand on parle construction, c’est bâtiment et travaux publics, et les travaux publics pèse environ 50 milliards. À cause de la crise sanitaire qui a entraîné une crise de l’offre dans un premier temps, l’activité s’est quasiment arrêtée et, à la fin de l’année, en termes de chiffre d’affaires, elle devrait être réduite d’environ 15 %. C’est l’ordre de grandeur que l’on anticipe pour les travaux publics. Aujourd’hui, l’activité est revenue à son niveau nominal. Malgré la prudence, il n’y a pas de risque immédiat sur l’emploi.

Mais les travaux publics, c’est 70 % de commandes publiques, venant essentiellement des communes. Nous sommes actuellement sur un montant d’appels d’offres lancé qui est inférieur de 30 à 40 % par rapport à la valeur nominale. Depuis le début de cette crise, on a perdu environ 4 mois de carnets de commandes. Si on prend l’exemple d’une entreprise de petite taille, qui a un carnet limité, à six mois elle n’a plus que deux mois d’activité devant elle. Les grands groupes ont plutôt un an. Mais on voit bien que si ce carnet de commandes continue à fondre d’une à deux semaines tous les mois d’ici le printemps, les entreprises vont être en panne sèche et vont s’arrêter. Il est là le drame économique.

« Le plan de relance à lui tout seul n’est qu’une goutte d’eau. »

Le plan de relance annoncé par le gouvernement permettra-t-il aux entreprises de travaux publics de passer le cap de la crise ?

Sur les 100 milliards d’euros du plan de relance, il n’y a déjà que 30 milliards qui sont vraiment dans la transition écologique et donc dirigés vers de la relance. Il n’y avait déjà que 12 milliards pour les travaux publics mais, dans ces 12 milliards, quand on regarde ce qui est réellement de l’investissement, c’est-à-dire ce qui va vraiment donner de l’activité avec des perspectives pour le futur, on est à 2 ou 3 milliards maximum, soit 1 milliard par an. Un chiffre à comparer aux 50 milliards d’euros que pèse le secteur : on se rend compte que c’est donc 2 % d’activité par an… Alors que l'on parle de 30 à 40 % d’activité en moins.

La méthode n’est donc pas la bonne ?

Quand on monte un escalier, toutes les marches sont essentielles. C’est nécessaire pour donner un coup de pouce, mais il faut aussi que les communes, qui sont de très loin le plus gros fournisseur d’appels d’offres pour les TP, puissent revenir à la normale. Entre le moment où l’idée germe et le moment où l’entreprise est choisie, où le chantier va rentrer dans un carnet de commandes, il peut s’écouler un an. Donc c’est bien aujourd’hui qu’il faut agir pour que, demain, ça se transforme en commandes pour les entreprises. Il faut absolument qu’on soit revenu au niveau nominal sur les appels d’offres avant la fin de l’année pour qu’après, compte tenu des délais, on puisse sauver quelque chose. Si ce point-là est vérifié, le petit plus apporté par le plan de relance sera de l’huile dans les rouages qui permettra d’aller encore plus loin. Mais le plan de relance à lui tout seul n’est qu’une goutte d’eau par rapport au besoin.

« On peut parler de révolution verte mais, pour moi, c’est juste du bon sens. »

Pourtant, les grandes agglomérations lorraines et les collectivités ont affiché leur volonté de soutenir l’activité des entreprises…

Les grands donneurs d’ordres, les conseils départementaux, les grandes agglos, métropoles et autres, sont revenus au niveau habituel. Le conseil départemental de Moselle a annoncé sa volonté d’être au-dessus des niveaux habituels, de telle sorte qu’à la fin de l’année, la collectivité ait réussi à investir ce qu’elle n’a pas réussi à investir en mars et en avril. Mais un tiers des communes françaises, soit 12 000 environ, comptent moins de 500 habitants. Et ce sont ces communes qui représentent énormément de commandes.

Votre fédération a salué les engagements pris pour développer des « infrastructures vertes ». Est-ce une bonne piste pour relancer l’activité ?

Parler d’infrastructures vertes, c’est un peu du marketing. Il faut repenser les infrastructures pour que, par leur conception, par leur utilisation, elles permettent de générer beaucoup moins de gaz à effet de serre. Mais parfois, derrière un grand mot se cachent des choses simples. Un exemple : l’adduction d’eau. Aujourd’hui, les réseaux d’eau potable fuient à hauteur de 20 % de tout ce qui passe. Demain, si on répare toutes les fuites, on arrive à économiser 20 % d’eau, donc 20 % de toute la production nécessaire pour rendre cette eau potable, donc 20 % d’énergie économisée et donc 20 % sur les gaz à effet de serre liés à la production d’eau potable. On peut parler de révolution verte mais, pour moi, c’est juste du bon sens. Les travaux publics sont la clé de la transition écologique, ainsi que du redémarrage de l’économie.

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