Les start-up lorraines mettent à profit leur adaptibilité pour traverser la crise
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Les start-up lorraines mettent à profit leur adaptibilité pour traverser la crise

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C’est un écosystème à part. L’univers start-up, résilient par définition, est serti d’acteurs capables d’effectuer des pivots d’activité : globalement ce sont de petites structures, hautement technologiques, jeunes. Autant d’éléments qui expliquent pourquoi les start-up lorraines traversent la crise relativement sereinement.

Grâce à leur adaptabilité, les start-up lorraines ont globalement pu traverser la crise plus sereinement que les entreprises traditionnelles — Photo : © Vivoka

Industriels, acteurs du tourisme, commerces… La crise sanitaire liée à la pandémie de coronavirus n’épargne personne. En Lorraine, comme partout ailleurs, grands groupes, ETI, PME, TPE sont impactés plus ou moins lourdement. En cette période tourmentée, un modèle d'entreprise semble tirer son épingle du jeu : celui de la start-up. « Pour elles, la crise est moins difficile à traverser. Ce sont généralement de plus petites structures, agiles, numériques, plus jeunes, plus enclines à utiliser des outils et des process de fonctionnement tournés vers le numérique », rassure Boris Ouarnier, directeur général du réseau Entreprendre Lorraine et du réseau de business angels du Grand Est Yeast.

Pivoter pour s’adapter

Alors que la notion d’adaptabilité est l’essence même de l’écosystème start-up, certaines jeunes pousses de la région sont effectivement parvenues à pivoter pour s’accommoder de la crise. « Avec la crise sanitaire, les hôtels, qui représentent la majorité de notre activité, ont gelé leurs investissements pour au moins 18 mois », indique William Simonin, dirigeant de la start-up messine Vivoka, qui emploie 28 personnes. Le spécialiste de la voix, qui a perdu son segment de clientèle principal, s’est donc tourné vers le marché de la borne et de la santé et a remporté un appel d’offres lancé par Aéroports de Paris. Le groupe qui gère les aéroports parisiens ainsi que 22 autres dans le monde compte sur la start-up pour faire évoluer les bornes d’informations et d’enregistrement de chaque site.

Sans pour autant délaisser l’hôtellerie, la PME de William Simonin souhaite se rapprocher des constructeurs de bornes européens et américains : « Les bornes sont partout : dans les bus, le métro… Même si la crise ne s’éternise pas, elle va changer les habitudes pour longtemps. Nous cherchons à éviter les contacts, surtout dans les lieux publics. La voix devient la solution ». La start-up est aussi en train d’adapter sa technologie au milieu médical pour faciliter, via des "serious games" vocaux, les liens entre la famille et les seniors, mais aussi pour aider le personnel soignant dans ses missions.

« Les projets qui n’incluront pas des technologies profondes au service du business ne seront plus beaucoup recherchés »

La start-up Aqoona, installée à Thionville, en Moselle, est un autre exemple de pivot d’activité : sa vocation est de mettre en lien les parents et les crèches à qui ils ont confié leurs enfants. Aujourd'hui, la plateforme s'est adaptée aux résidents des Ehpad. « Nos anciens sont coupés du monde et le noyau de notre plateforme reste la communication. Nous permettons aux familles et aux résidents de s’appeler en visioconférence. Mais surtout, le personnel soignant peut envoyer les informations sur le déroulement de la journée de leur proche aux familles, comme les activités, les repas… », explique Razek Akir, fondateur de la start-up créée en 2019, au capital de 70 000 euros.

Un impact sur les financements qui pourrait être limité

Les start-up lorraines ont, pour la plupart, pu basculer vers le télétravail et poursuivre leur développement. Mais pour ce qui est des financements, la crise a aussi apporté son lot de problématiques. « Il est encore difficile de connaître l’impact de la crise. Les opérations du premier trimestre 2020 étaient à la hausse. Puis il y a eu la période de gel avec des investisseurs qui se sont concentrés sur le sauvetage de leur entreprise et de celles dans lesquelles ils avaient déjà investi », poursuit Boris Ouarnier, du réseau de business angels régional Yeast.

En 2019, Yeast a investi un total de 891 000 € répartis entre neuf start-up. Dans la région, le réseau East Angels a investi 1,8 million d’euros en 2019 dans 18 start-up, soit 30 % de plus qu’en 2018. S’il faut attendre encore quelques mois pour retirer le bilan de l’année 2020, l’impact du coronavirus pourrait être limité. « Lors de la crise de 2008, le marché des business angels en France, sur sa partie visible, s’est contracté de 30 %. Et il a fallu deux ans pour revenir aux niveaux de 2007. Mais si la crise de 2008 remettait en cause le modèle start-up, celle du Covid prouve plutôt qu’il faut accélérer sur le numérique et pourrait ainsi se révéler bénéfique pour des start-up », analyse Boris Ouarnier.

La crise pourrait aussi devenir un sujet lors des pitchs : la façon de traverser une crise en dit davantage que de nombreux business plans. Les start-up qui auront réussi à réaliser une transition sur leur marché plutôt que de sombrer dans l’immobilisme pourraient avoir le vent en poupe. « Nous constatons que les banques et l’écosystème start-up ont répondu présent pour soutenir les jeunes pousses. Ces dernières ont aussi pu continuer de croître malgré la crise car la plupart ne compte pas sur le chiffre d’affaires pour fonctionner, mais sur des financements bancaires, d’investisseurs… Les acteurs affichent une volonté d’accompagner et de soutenir, mais sur des technologies fortes. Demain, les projets qui n’incluront pas des technologies profondes au service du business ne seront plus beaucoup recherchés. C’est la fin d’un système. On arrive à un basculement », constate ainsi Michel Onfray, start-up manager au sein de Grand Nancy Innovation, et président de la société qui accompagne les start-up en Lorraine : la Compagnie du diamantaire.

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