Entreprises familiales : 5 conseils pour réussir l'ouverture du capital à un fonds
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Entreprises familiales : 5 conseils pour réussir l'ouverture du capital à un fonds

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Trop souvent encore, les entreprises familiales éprouvent des réticences à accepter un actionnaire financier à leur tour de table. Pourtant, outre un renforcement des fonds propres, cette opération permet de bénéficier d'un accompagnement par des experts. Voici 5 conseils pour ouvrir son capital dans de bonnes conditions.

L'entrée d'un ou plusieurs fonds au capital d'une société se fait soit à travers une augmentation de capital, soit via une cession de titres — Photo : leszekglasner

Les préjugés subsistent. La crainte de perdre le contrôle de l’entreprise, de réduire le patrimoine familial, de diluer la culture de la société, de divulguer des informations jugées confidentielles, d’accroître le niveau d’endettement ou encore les incertitudes liées à la sortie des fonds… constitue autant de freins qui retiennent encore trop les entreprises familiales d’ouvrir leur capital à des actionnaires financiers.

Au regard de ces réticences, les avantages sont pourtant nombreux. "Dans un monde de plus en plus complexe, les dirigeants de sociétés familiales ont besoin d’accompagnement pour apporter des réponses rapides à des problématiques, telles que la digitalisation ou les transitions environnementales. De plus, on voit émerger une nouvelle génération d’entrepreneurs ayant la volonté de positionner leur entreprise à l’international, d’être plus compétitifs, de transformer leur PME en ETI… L’ouverture du capital fournit un moyen d’accélérer ces mutations. Outre un apport financier, les investisseurs fournissent des conseils, des bonnes pratiques, des compétences, de l’expérience, un réseau, de l’accompagnement dans les croissances externes… Tous ces éléments sont des facteurs de croissance pour les entreprises", argumente Claire Chabrier, présidente de France Invest. Pour bénéficier de cette valeur ajoutée, le chef d’entreprise doit cependant s’entourer de quelques précautions.

1. Définir son projet

Le dirigeant doit être au clair avec son projet. Quel est l’objectif de l’ouverture de capital : financer un projet structurant pour l’entreprise, comme une croissance externe, un développement à l’international, le lancement d’une nouvelle activité ? Ou alors s'agit-il de transmettre l’entreprise à la génération suivante en se faisant accompagner par un fonds pour réorganiser le capital ? Cherche-t-on un fonds minoritaire ou majoritaire ? Pascal Piriou, président du groupe de construction navale Piriou, témoigne : "Nous sommes allés chercher le soutien d’actionnaires professionnels et financiers pour faire de l’internationalisation. Il n’est pas sûr qu’en famille, l’entreprise seule aurait osé passer ce cap." Pour Romain Lacroix, directeur général du fabricant de fournitures scolaires Maped, il s’agissait de réussir la transmission à la troisième génération, ce qui passait par la digitalisation de l’entreprise pour faire de la vente en ligne. "Le nouveau fonds nous a aidés avec la nomination d’un chief digital officer qui a ouvert la réflexion et les contacts", rapporte-t-il.

2. Identifier le bon investisseur

Aujourd’hui, le marché du capital-investissement est mature. Il existe donc une palette de fonds très large pour accompagner les entreprises en fonction de leur maturité et de leurs besoins. Plusieurs critères sont à prendre en compte au moment de faire son choix. " Un chef d’entreprise ne cherchera pas les mêmes partenaires, selon le stade de développement de sa société, selon qu’il ouvre son capital pour la première fois ou qu’il s’agit de sa deuxième ou troisième opération, selon qu’il a des ambitions à l’international et a besoin d’être accompagné sur tel ou tel marché à l’export, etc. ", détaille Claire Chabrier. Autre élément clé dans le choix de l’investisseur : la taille du fonds doit être adaptée à celle de l’entreprise et au montant en capital recherché. Les fonds et sociétés d’investissement interviennent pour des "tickets" déterminés. Inutile donc de solliciter un fonds investissant à partir de 5 millions d’euros, si le besoin est estimé à un million d’euros. "La recherche d’un actionnaire financier exige que l’entreprise connaisse sa valorisation. Si le chef d’entreprise souhaite lever 20 % de sa valorisation, par exemple, il pourra s’adresser à des fonds intervenant dans cette gamme, en sachant, par ailleurs, qu’un fonds n’investit pas plus de 10 % environ dans une même opération. Cela permet de cibler les recherches. Je recommanderais également à une entreprise familiale souhaitant ouvrir jusqu’à 30 % de son capital de prendre deux fonds. Cela limite l’influence du fonds, cela permet d’enrichir les apports extérieurs en termes de conseil et cela démultiplie les moyens si jamais il y a besoin de faire une seconde opération quelques années plus tard. Ce n’est pas un problème. Les fonds savent s’entendre", indique Pierre Tiers, conseil en transmission et gouvernance auprès des entreprises familiales, après une longue carrière dans le capital-investissement. "Si une entreprise de belle taille fait appel à un trop petit fonds, la performance de celui-ci va dépendre excessivement des résultats de l’entreprise et la pression sera trop grande", prévient, pour sa part, Chiheb Mahjoub, directeur général du cabinet Inuo Strategic Impact.

3. Préparer l’entreprise

Accueillir un actionnaire financier au capital se prépare. Pour une entreprise familiale, cela passe parfois par un effort d’organisation et de structuration. "Cela signifie avoir une structure managériale complète, une organisation financière robuste, un directeur financier de qualité. Sinon, il y a un risque d’incompréhension", avertit Chiheb Mahjoub. Même si l’investisseur est minoritaire au capital, la famille doit être prête à partager la gouvernance et les informations. "La relation entre le chef d’entreprise et l’actionnaire ne s’inscrit pas dans un rapport client fournisseur, mais plutôt dans une relation de partenariat. C’est la condition pour maximiser les apports d’un fonds en dehors des seuls aspects financier. C’est pourquoi la dimension humaine est à prendre en considération au moment de choisir le fonds. C’est aussi une histoire d’hommes. Il faut que le courant passe pour partager des projets très confidentiels", insiste Pierre Tiers. "Nous ne voulons pas simplement apporter des fonds, mais un accompagnement. C’est ce qui fait notre valeur ajoutée. Si un porteur de projets n’accepte pas d’être accompagné, nous n’investissons pas", confirme Pierre-Jérôme d’Audiffret, président de la société d’investissement Bamboo.

4. Anticiper la sortie

L’entrée d’un ou plusieurs fonds au capital d’une société se fait soit à travers une augmentation de capital, soit via une cession de titres. L’opération nécessite une modification des statuts de l’entreprise et passe par la rédaction d’un pacte d’actionnaires. "Il faut bien border le contrat avec des clauses claires et précises, notamment sur la gouvernance - qui prend les décisions ? - et sur la sortie. À quel moment le partenaire peut-il vendre ses parts, à qui peut-il les céder : à un industriel, aux managers, à un membre de la famille ?", recommande Chiheb Mahjoub. Les clauses liées à la sortie des actionnaires financiers méritent, en effet, une attention particulière. De nombreux scenarii sont possibles et il est nécessaire de les anticiper. Le dirigeant ou un membre de la famille peut avoir intérêt à être prioritaire pour racheter la participation du fonds à l’horizon de cinq à sept ans, qui est la durée moyenne d’investissement. Pour sa part, le fonds va essayer d’optimiser le débouclage de son investissement. "Dans 90 % des cas, la sortie se passe bien. L’objectif de la famille est de trouver une méthode pas trop violente qui valorise la croissance réalisée. Mais l’hypothèse selon laquelle la croissance n’est pas au rendez-vous ou l’entreprise perd de la valeur doit être envisagée et traitée dans le pacte d’actionnaires pour protéger les intérêts des uns et des autres", souligne Pierre Tiers.

5. Se faire accompagner

Pour préserver leurs intérêts, les familles doivent pouvoir s’appuyer sur des conseils compétents face à des fonds très avertis : avocats, experts-comptables, conseils spécialisés… Outre ces compétences techniques, ces conseils contribuent à dépassionner les débats en jouant les intermédiaires.

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