Coronavirus : l’activité des ports normands touchée mais pas coulée
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Coronavirus : l’activité des ports normands touchée mais pas coulée

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Touché par les grèves contre la réforme des retraites en janvier, le complexe portuaire Haropa (Le Havre, Rouen et Paris) a vu son trafic total baisser de 8 % au cours du premier trimestre 2020. Une période marquée par les premiers signes du ralentissement global de l’économie mondiale induit par la pandémie de coronavirus.

Au port du Havre, le trafic conteneurs a enregistré une baisse importante liée à la crise du coronavirus. — Photo : © DR

Malgré la paralysie économique entraînée par le confinement, les ports de l’axe Seine sont restés 100 % opérationnels « pour alimenter le pays et répondre aux besoins d’exportation », plaide la direction du groupement d’intérêt économique Haropa, qui fédère les ports du Havre, de Rouen et de Paris. Moyennant des dispositions spécifiques pour assurer la sécurité sanitaire des personnels, tous les acteurs de la chaîne logistique portuaire (services aux navires, manutentionnaires, logisticiens, transporteurs) ont participé à la continuité du service.

Baromètre particulièrement sensible aux à-coups de la conjoncture économique mondiale, le port du Havre, qui traite l’essentiel du trafic conteneurs d’Haropa, a enregistré « seulement 156 escales de porte-conteneurs en mars, soit 16 de moins qu’en 2019 », soulignent les dirigeants du premier port français de la spécialité. Ce flux n’a pas dépassé 530 000 équivalents vingt pieds (EVP), soit une baisse de 23 %, pour 5,2 millions de tonnes (-21 %). Un véritable trou d’air pour la communauté portuaire locale au moment où elle entamait un processus de reconquête auprès des chargeurs internationaux. Le redémarrage des usines et des ports chinois est intervenu très progressivement vers la fin mars, et les lignes régulières entre l’Asie et l’Europe du Nord, qui effectuent le trajet en un mois environ, ont repris leurs rotations.

Un trafic soutenu à Rouen

Chargement de céréales sur une barge au port de Rouen — Photo : © DR

À Rouen en revanche, le trafic trimestriel a progressé sensiblement. Au 15 avril, l’établissement, qui avait déjà accueilli près de 1 600 navires, flirtait avec les 8 millions de tonnes. « L’utilisation du Terminal conteneurs et marchandises diverses (TCMD) de Rouen-Moulineaux pour le stockage des conteneurs des grands armements de lignes régulières touchant Le Havre explique la hausse du trafic conteneurisé sur cette période », indique un acteur local.

Mais l’activité a été portée par un flux d’exportations céréalières (blé et orges) cumulant déjà 4,26 millions de tonnes (+ 18 %) à fin mars. Les silos des intervenants locaux (Senalia, Soufflet, BZ, NatUp…) ont tourné à un rythme soutenu. La campagne en cours (du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020) affichait déjà 7,2 millions de tonnes (+ 24 %) fin mars. Elle pourrait franchir la barre des 9 millions de tonnes et établir un nouveau record.

« Nous devrions toucher les 5,2 millions de tonnes, voire plus », estime Gilles Kindelberger, directeur général de Sénalia, premier exportateur céréalier français, dont les installations ont chargé 650 000 tonnes en mars et 550 000 tonnes en avril. « Les apports terrestres hebdomadaires atteignent 50 000 tonnes par voie fluviale, 1 000 camions, et nous recevons aussi quelques trains », ajoute-t-il, en insistant sur l’effort porté aux conditions d’accueil des conducteurs routiers dans les silos.

Une chose est certaine, la qualité et la quantité de la récolte française 2019 permettent de répondre à la demande supplémentaire d’achats de précaution émanant des clients traditionnels de Rouen (Maghreb et Afrique de l’Ouest) soucieux de ne pas voir la pénurie alimentaire s’ajouter aux risques Covid-19. D’autant que la Russie, premier exportateur mondial de blé, a ralenti ses expéditions.

Les services portuaires sur le pont

Au cours du mois d’avril, le trafic maritime des deux grands ports normands a vécu au rythme du ralentissement économique lié au confinement. Les services portuaires, et plus généralement les entreprises, ont continué de fonctionner en permanence en sécurisant et en adaptant leurs effectifs. Reste à connaître la traduction en termes de tonnage de cette pérennité. « Le nombre de nos interventions a été relativement stable à Rouen », indique Laurent Letty, le président du Pilotage de la Seine. La poursuite à un rythme soutenu des sorties céréalières a été l’élément moteur de l’activité locale. Les pilotes notent cependant une réduction du nombre de navires nécessaires à sa réalisation du fait de l’accroissement de leur taille et des quantités unitaires chargées. On a aussi assisté à une bonne tenue des échanges d’engrais en vrac, l’un des points forts de la place rouennaise. »

Baisse de l’activité pétrolière

Même constat du côté de la Coopérative de lamanage, dont le président Noël Castel pointe tout de même un fléchissement de l’ordre de 20 % dans le secteur de Port-Jérôme, entre Rouen et Le Havre. Une situation liée à la crise du pétrole caractérisée par la chute de cours et à une consommation en berne qui sature les capacités de stockage du raffinage comme des entreprises de stockage telles Rubis Terminal ou Bolloré à Rouen.

Au Havre, les premières indications émanant des mêmes acteurs font état d’une baisse de l’ordre de 35 % de l’activité nautique globale. Les grands porte-conteneurs des lignes avec l’Asie ont certes repris leurs escales régulières à Port 2000. Du côté pétrolier, le port d’Antifer a reçu récemment 600 000 tonnes de brut dont la moitié sur un pétrolier VLCC de 300 000 TPL (tonnage de port en lourd) traité au terminal d’Antifer de la Compagnie industrielle maritime. L’entreprise dispose au Havre de 3 millions de tonnes de capacité de stockage de brut et de 1,7 millions de mètres cubespour les produits raffinés. Celle-ci participe largement à l’approvisionnement en kérosène des aéroports parisiens dont l’activité est au point mort. Autre conséquence de l’atonie industrielle, les escales de navires rouliers ont diminué.

L’activité croisière en berne

Les paquebots de croisières se sont évaporés du paysage portuaire à Rouen et Honfleur comme au Havre alors que près de 200 escales étaient programmées en 2020, dont une transatlantique Le Havre-New York avec le Queen Mary 2. Plus de passagers ferries non plus au Havre où la quasi-totalité de la flotte Brittany Ferries est à l’arrêt, les services exclusivement fret étant réduits à la portion congrue.

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