Comment limiter le malus sur les contrats courts
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Comment limiter le malus sur les contrats courts

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Suspendu pendant la crise sanitaire, le dispositif du bonus-malus sur les contrats courts fait son retour. La mesure va se traduire par un renchérissement du coût du travail pour les entreprises concernées, sauf à mettre en place des parades. Quelles sont-elles ? Comment limiter le malus ? Explications.

Mise en place d’heures supplémentaires, aménagement du temps de travail, recours à un groupement d’employeurs ou au CDI à temps partiel permettent de limiter les contrats courts, et donc le malus — Photo : Industrieblick

En 20 ans, le taux d’embauche en CDD dans les entreprises d’au moins dix salariés a bondi de 30 à 90 % révélait une étude de l’Insee, en juillet 2019. Parallèlement, la durée de ces contrats n’a cessé de se raccourcir. Entre 2001 et 2017, leur durée moyenne a été divisée par plus de deux.

Pour remédier à la croissance exponentielle de ces contrats courts, coûteux pour l’assurance chômage et source de précarité pour une partie des salariés, le gouvernement a tranché. Décrié par le patronat, réclamé par les syndicats, suspendu pendant la crise sanitaire comme l’ensemble de la réforme de l’assurance-chômage, le dispositif du bonus-malus sur les contrats courts sera finalement appliqué. Le taux de cotisation patronale d’assurance chômage de 4,05 %, applicable à l’ensemble de la masse salariale, sera désormais modulé de façon à inciter les entreprises à embaucher en CDI et à rallonger la durée des CDD. Il sera calculé en fonction du taux de séparation de l’entreprise, qui tient compte de toutes les ruptures de contrat ayant donné lieu à une inscription à Pôle Emploi (à l’exception des contrats d’apprentissage et des contrats d’insertion).

Malus allant jusqu’à 5,05 %

Si ce taux est supérieur au taux de référence du secteur, l’entreprise paiera un malus pouvant aller jusqu’à 5,05 %. S’il est inférieur, elle bénéficiera d’un bonus pouvant atteindre un minimum de 3 %. Toutes les entreprises ne sont pas concernées par la mesure. Le dispositif s’applique aux entreprises de plus de 11 salariés, issues de sept secteurs particulièrement consommateurs de contrats précaires : agroalimentaire, activités scientifiques et techniques, hébergement-restauration, assainissement des eaux et gestion des déchets, transport et entreposage, fabrication de caoutchouc et plastique, enfin travail du bois, industrie du papier et imprimerie.

Dans une première phase, les entreprises les plus affectées par la crise sanitaire, notamment celles des secteurs S1, seront exemptées. Le bonus-malus s’appliquera aux cotisations dues au titre des périodes d’emploi accomplies à partir du 1er septembre 2022. Mais le taux de séparation des entreprises sera calculé en fonction des fins de contrats constatés à partir du 1er juillet 2021. La proximité de l’échéance doit inciter les entreprises concernées à s’emparer au plus vite du sujet pour réfléchir à des modes de recrutement et de gestion de leurs effectifs, alternatifs aux contrats courts et éviter ainsi d’être trop pénalisées.

Des choix de gestion à faire

"Les analyses sectorielles ont démontré des disparités de taux de séparation attestant du fait que, si une part des contrats courts est inhérente à l’activité des entreprises, ces taux résultent également des choix de gestion des chefs d’entreprise. Aussi, il existe des marges de manœuvre à disposition des employeurs pour contenir au mieux le taux de séparation et a fortiori le surcoût qui pourrait être induit", analysent Élodie Tabel-Diffaza et Méryl Ulmann, respectivement directrice nationale Marché conseil social et paie et juriste en droit social chez In Extenso. Le premier bon réflexe consiste à dresser un état des lieux des pratiques d’embauche, en passant au crible les circonstances dans lesquelles des contrats courts sont mis en place. À la lumière de ce diagnostic, le chef d’entreprise pourra explorer les solutions alternatives aux contrats courts, dont le panel est finalement plus vaste et varié que ce l’on imagine.

Il est d’abord possible de recourir, avec l’accord du salarié, à des modalités individuelles, comme l’accomplissement d’heures supplémentaires ou complémentaires, dans le respect des limites autorisées, ou la conclusion d’avenants "compléments d’heures" au contrat de travail de salariés en temps partiel, dès lors qu’un accord de branche étendu l’autorise. Il est également possible de passer par des solutions collectives, comme l’aménagement du temps de travail annuel afin d’adapter le rythme de travail des salariés à celui de l’activité de l’entreprise qui peut être soumise à une forte saisonnalité. Cette solution nécessite toutefois, soit un accord de branche, soit la négociation d’un accord d’entreprise ou, en l’absence de CSE, l’accord d’une majorité des deux tiers des salariés. "La négociation de tels accords prend du temps et impose de respecter des contraintes et un cadre formel importants. C’est pourquoi, il est conseillé de se faire accompagner par un avocat spécialisé dans le droit du travail pour entreprendre de telles démarches", recommande Laetitia Chaffain, manager expertise sociale chez Baker Tilly Strego.

CDI à temps partiel, groupe d’employeurs

Dans certains cas, plutôt que d’enchaîner les contrats courts, il peut être préférable de mettre en place des CDI à temps partiel. "Il faut certes respecter la clause d’une durée minimale de 24 h de travail hebdomadaire, mais certaines conventions collectives permettent d’y déroger", précise Laetitia Chaffain. Certaines catégories de salariés, comme les étudiants, peuvent toutefois se montrer réfractaires à s’engager dans un CDI.

La mise à disposition de salariés, via un groupement d’employeurs, est également intéressante, car elle n’a pas d’impact sur le taux de séparation. Enfin, le recours à des alternants, dont l’emploi du temps est souvent aménagé en fonction des spécificités du métier, offre une autre alternative.

Ces modalités, qu’elles soient individuelles ou collectives, passent par une bonne communication auprès des salariés pour être bien comprises et susciter leur engagement. "Toutes ces mesures ne sont pas exclusives les unes des autres. L’enjeu peut être de les combiner pour, non seulement, limiter le malus, mais bénéficier du bonus", relève Laetitia Chaffain.

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