Quand il a pris la présidence de l’industriel Compobaie Solutions (158 salariés, CA 2018 : 22,80 M€), en janvier 2019, Patrice Schmitt savait que sa mission serait complexe : la PME basée à Marssac-sur-Tarn (81) faisait face à de graves difficultés de financement, aggravées par une incursion sur des marchés du logement collectif moins maîtrisés que son activité historique de fourniture de blocs-baies pour la maison individuelle. « L’année 2019 a été consacrée aux déblocages de financements pour poursuivre l’activité puis à la recherche de repreneurs. En décembre dernier, quand nous avons identifié des candidats sérieux à la reprise, une procédure de sauvegarde a été mise en œuvre, pour bénéficier de la protection du tribunal de commerce. »
Les travaux du tribunal de commerce suspendus
Le choix de la procédure de sauvegarde présentait plusieurs avantages : le maintien de la direction en place, le blocage des créances (avec possibilité pour le repreneur d’en négocier le rééchelonnement ou l’annulation partielle), et la possibilité de casser les contrats les plus pénalisants pour l’entreprise. Début février, un des investisseurs obtient l’exclusivité du dossier jusqu’au 15 mars, juste après une audience prévue au tribunal de commerce d’Albi. « Nous avions choisi une cession in bonis qui peut se faire sans caution judiciaire, précise Patrice Schmitt. Mais nous voulions l’appui du tribunal de commerce pour rassurer les collectivités qui avaient accepté de nous soutenir : les régions Occitanie et Auvergne Rhône-Alpes, et le Grand Albigeois. »
Exclusion des aides publiques
Quelques jours avant l’audience, l’épidémie de coronavirus s’amplifie et, avec elle, les menaces d’un blocage des instructions non urgentes. Les travaux du tribunal de commerce sont finalement suspendus, et de fait, la finalisation du rachat. L’arrêt brutal de l’activité inquiète le repreneur d’autant que la procédure de sauvegarde devient, du jour au lendemain, un handicap pour obtenir les aides annoncées par le gouvernement. Et notamment le prêt garanti par l’État, dont sont exclues toutes les entreprises faisant l’objet d’une procédure collective (sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation). Si après un premier refus, la Direccte finit par accepter la demande de chômage partiel, la direction de Compobaie Solutions doit encore faire l’avance des salaires de mars. Une seule solution pour sortir de l’ornière : relancer les cinq sites de production.
Reprendre l’activité pour payer les salaires
« Nous avions arrêté la production dès le 17 mars, le temps d’identifier les fournisseurs et les partenaires qui travaillaient encore, et de définir les procédures respectueuses des règles de sécurité sanitaire, raconte Patrice Schmitt. Tous les salariés et nos partenaires se sont mobilisés, ce qui a permis de reprendre l’activité le 24 mars avec un seul objectif : pouvoir facturer pour générer de la trésorerie. »
En quelques jours, 150 blocs-baies sont donc livrés aux clients situés à moins d’une journée de transport aller-retour, faute d’hôtels et de restaurants disponibles. Les chauffeurs sont seuls dans leurs camions, tandis qu’à l’usine les salariés sont dotés de masques et de gel hydroalcoolique, avec l’espacement nécessaire.
« Pas facile de racheter une boîte en ce moment »
Si la reprise du travail a évité le pire, il a fallu l’arrivée d’un ultime investisseur - une banque spécialisée dans les entreprises en difficulté - pour débloquer la situation. Ce mardi 31 mars, Compobaie Solutions a été rachetée par Jacques Anglade, qui n’est autre que l’ancien propriétaire du groupe entre 1989 et 2009, année où les difficultés du BTP l’avaient contraint à vendre. « La mobilisation des salariés et des élus locaux a payé, mais dans ce contexte juridique, on a frôlé la liquidation : ce n’est pas facile de racheter une boîte en ce moment », conclut Patrice Schmitt.
