Comment éviter les impayés avant l’avalanche de faillites annoncées
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Comment éviter les impayés avant l’avalanche de faillites annoncées

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Conséquence des ravages de la crise sanitaire, une envolée des défaillances d’entreprises est attendue en 2021. Pour être payée à temps et se prémunir des impayés, l’entreprise doit s’organiser.

— Photo : ©Blue Planet Studio - stock.adobe.com

« Juste avant la vague du tsunami, la mer est plate. » Ainsi pourrait-on décrire la situation actuelle, en cet automne 2020. L’image est signée Stéphane Fauré, directeur général d’Euler Hermes - SFAC Direct, qui s’attend à une explosion prochaine des défaillances d’entreprises françaises, évaluée à « +32% en 2021 » d’après les estimations de l’assureur-crédit.

Jusqu’ici plusieurs dispositifs exceptionnels ont maintenu les entreprises à flots : prêts garantis par l'État (PGE), reports de charges fiscales et sociales ou encore la suspension de l’obligation de demander l’ouverture d’une procédure collective au tribunal dans les 45 jours suivant la cessation de paiements. Mais, peu à peu, ces dispositifs finiront bien par arriver à terme. Et il faudra payer l’addition. La clémence du tribunal de commerce a d’ailleurs déjà pris fin, le 23 août 2020.

Face à la vague qui arrive, comment éviter de boire la tasse ? L’une des clefs reste la gestion du poste client, en particulier d’éviter les impayés. « Il faut être encore plus vigilant. C’est maintenant qu’il faut agir », estime Thierry Gingembre, président de l’ANCR, le syndicat des cabinets de recouvrement et de renseignements commerciaux.

Se renseigner sur ses clients

Comment s’assurer que ses clients et ses prospects ont les reins solides ? Pour le savoir, le b.a.-ba consiste à consulter les informations légales et financières disponibles le concernant : bilans, comptes de résultat, ancienneté, procédures collectives éventuelles, cessions, acquisitions.… Tout ou partie de ces données sont compilées sur des sites comme Infogreffe, Bodacc, Societe.com ou encore sur celui de l’inpi. Autre réflexe : regarder s’il y a eu l’inscription de « privilèges » au greffe du tribunal de commerce, autrement dit, savoir si les créanciers prioritaires - comme les organismes sociaux - ont subi des retards de paiement. Bémol, la mention n’est obligatoire qu’au-delà de 200 000 euros et intervient parfois plus de six mois après.

En déplacement chez le client ou au téléphone pour un devis, les commerciaux peuvent aussi glaner de précieuses infos sur la santé financière des entreprises : le client appartient-il à un groupe ? À qui livre-t-il ? Son magasin est-il achalandé et fréquenté ? Bien ou mal situé ? Il est possible de sous-traiter cette phase d’enquête en contactant des spécialistes des renseignements commerciaux (Creditsafe, Altares, Infolegale.fr…) ou des assureurs-crédit. Ces experts bâtissent des notes évaluant la solvabilité et le risque de défaillance d’une société. Une plus-value. Pour un entrepreneur, difficile en effet de mettre en perspective toutes les données disponibles, afin de brosser un portrait précis de ses clients.

De nouveaux critères à prendre en compte avec le Covid

« C’est là que nous intervenons, commente Stéphane Fauré. Euler Hermes évalue la solvabilité des entreprises au travers d’une note qui prend en compte les éléments financiers passés, mais aussi les problématiques actuelles et les perspectives d'une société. Tel fabricant de vêtements livre-t-il uniquement des boutiques physiques ou a-t-il par ailleurs une présence en ligne ? Si oui, l’activité e-commerce progresse-elle pour l’aider à traverser la crise sanitaire ? Il s’agit de se projeter vers l’avenir quant à la santé financière de l’entreprise. » Dans le cas d’Euler Hermes, les notes de 1 à 10, qui reflètent la probabilité de défaut de paiement, servent à définir les niveaux de garantie accordés aux assurés. Les spécificités de cette période de Covid ne sont pas oubliées. « Assureurs et sociétés de renseignement commerciaux intègrent de nouveaux critères : le client a-t-il obtenu un PGE ou pas ? Si oui, pour quel montant, etc. », indique Eric Scherer, président de l’AFDCC, l’association française des credit managers et conseils.

Soigner facturation et organiser la relance

Si l’information reste le nerf de la guerre, le processus de vente l’est presque autant. Devis, contrats et bons de commandes doivent être clairs. À la livraison, un cachet du client prouvera que la marchandise a bien été reçue. « Juridiquement, un accord téléphonique et une facture ne suffisent pas pour obtenir le paiement d’un impayé en cas de litige », rappelle Thierry Gingembre. « Assurez-vous que les délais de paiement sont notifiés sur le contrat. Il faut ensuite facturer rapidement et surtout garder des éléments prouvant l’envoi de cette facture, par exemple via un courriel avec accusé de réception », conseille par ailleurs Stéphane Fauré.

Une fois ces précautions prises, rien de pire que d’attendre son dû les bras croisés. Pour un paiement en temps et en heure, le DG d’Euler Hermes - SFAC Direct suggère une piqûre de rappel avant l’échéance. « Une semaine ou quinze jours avant, recommande-t-il. Cela permet de capter les signaux faibles à temps. Car l’acheteur peut aussi bien répondre 'pas de soucis’ que ‘on risque d’avoir des difficultés à payer’. Des solutions sont alors possibles, notamment étaler le paiement. »

A minima, la relance doit être organisée dès l’échéance dépassée. Par écrit, puis téléphone si nécessaire. « Plus le délai a été dépassé, plus il est difficile d’être payé. Un impayé transmis à une société de recouvrement dans le mois qui suit a 95% de chance d’être récupéré. 25% un an plus tard », chiffre Thierry Gingembre. Si vous intervenez tôt, il y a aussi plus de chance que le client ne s’habitue pas à prendre des largesses avec le calendrier les fois suivantes.

Assurance-crédit et négociations

En en cas d’impayés malgré tout, des assurances permettent de récupérer des revenus manquants. Une vraie sécurité. « Les assureurs-crédit ont toutefois tendance à baisser leur niveau de couverture en général, car la période est incertaine et ils anticipent l’augmentation des défaillances à venir », note cependant Eric Scherer.

Enfin, assurance ou non, pourquoi ne pas négocier avec vos clients ? « Si j’apprends qu’un partenaire éprouve des difficultés parce qu’il attend le paiement d’une créance que lui doit une mairie, je peux lui demander une cession amiable de cette créance », cite en exemple Thierry Gingembre. Négocier peut consister à demander diverses garanties directement à son client « telles qu’une caution bancaire ou une garantie personnelle du dirigeant », liste Eric Scherer. « Sans oublier la possibilité d’exiger un paiement comptant. Ou demander de payer la moitié comptant et l’autre moitié d’ici la fin d’année. Il existe plusieurs stratégies », ajoute-t-il.

Attention toutefois à ne pas froisser les susceptibilités. « Gardiens du cash », les credit managers le savent bien. Comme le souligne le président de l’AFDCC : « Toute la difficulté consiste à sécuriser le chiffre d’affaires et les délais de paiements… sans nuire aux relations commerciales avec ses clients. »

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