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Avec Tissus papi, Jean-Charles Huvelle tisse sa toile à Roubaix
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Avec Tissus papi, Jean-Charles Huvelle tisse sa toile à Roubaix

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De la toile de Jouy à la toile de Roubaix, il n'y avait qu'un pas. Et le dirigeant de Tissuspapi.com l'a franchi. Après avoir rejoint à l'âge de 25 ans la mercerie familiale, pour la digitaliser, Jean-Charles Huvelle a lancé en 2020 sa propre marque de tissus, La Maison Roubaisienne. Son ambition ? Contribuer au retour d'usines textiles à Roubaix (Nord).

Jean-Charles Huvelle, fondateur et dirigeant de Tissuspapi.com, le pendant numérique de la mercerie familiale Tissus papi, installée à Roubaix (Nord) — Photo : Tissus papi

Passionné de longue date par le sport et l’automobile, Jean-Charles Huvelle dirige depuis 2012 une mercerie en ligne. Loin d’être le fruit d’un aiguillage hasardeux, Tissuspapi.com est, pour cet entrepreneur, une aventure à la croisée de deux chemins : l’un lié à l’héritage familial et l’autre, à une passion découverte sur le tard.

Tissuspapi.com emploie trois salariés et reste discret sur son chiffre d’affaires. Cette mercerie est le pendant numérique du magasin roubaisien Tissus papi. Si les deux entités constituent bel et bien deux entreprises distinctes, elles appartiennent aux membres d’une seule et même famille. Depuis les années quatre-vingt, le magasin physique est géré par la mère et des oncles de Jean-Charles Huvelle. Et aucune holding ne régit l’ensemble : "C’est un micmac familial, commente le dirigeant d’un ton amusé. Tous les membres de la famille passent à un moment donné par le magasin, ou ont des activités qui gravitent autour. C’est comme ça. Tous ensemble nous sommes plus forts, mais nous restons indépendants."

À l’origine de cette aventure : Gaetano Ferrante, le grand-père de Jean-Charles Huvelle. Ce Sicilien est arrivé en France en 1957, pour y trouver du travail et c’est l’industrie textile nordiste qui lui a ouvert ses portes. "Mon grand-père a commencé comme ouvrier dans une usine textile, à Roubaix. Il a eu l’idée de racheter les tissus qui présentaient des défauts, pour les retravailler et les revendre à la coupe, à bons prix, raconte le dirigeant. Il a d’abord fait du porte-à-porte à Lille et dans les corons, avant d’écumer les marchés, puis d’ouvrir sa propre boutique". À l’époque, les cheveux grisonnants de Gaetano Ferrante lui valent le surnom de "papi". Le nom de l’enseigne était né.

L’ère de la digitalisation

Depuis sa création en 1981, Tissus papi est toujours installé à Roubaix, entre les mêmes murs. De son côté, Jean-Charles Huvelle a rejoint l’aventure en 2012, après un passage dans la logistique et la photographie. Il a alors 25 ans et veut apporter sa pierre à l’édifice. "Je suis allé voir ma mère et mes oncles, en leur expliquant ma volonté de digitaliser Tissus papi", se souvient-il. Ses proches acceptent, à une condition : "Que je crée ma propre boîte et que je sois mon propre patron". Une manière, en cas d’échec, de ne pas faire prendre de risques à la mercerie familiale.

La première commande en ligne a été passée le 24 février 2013 ; Jean-Charles Huvelle s’en souvient encore. Il faut dire que l’entrepreneur n’a pas ménagé ses efforts. "J’ai bossé durant un an et demi sur ce projet. Il a fallu recréer la marque, car rien n’avait été fait depuis 30 ans, mais aussi une identité graphique et enfin, la présence sur les réseaux sociaux : il y a dix ans, tout le monde n’y était pas". Jean-Charles Huvelle capitalise sur ce que sa famille a construit, tout en cherchant le positionnement adéquat. "On s’est demandé s’il fallait dupliquer le contenu du magasin, ou opter pour des collections différentes". Rapidement, la deuxième option s’impose. La boutique déploie une stratégie nationale, avec des gammes récurrentes et des collections permanentes, sur des produits comme la toile de Jouy, la toile de jute ou des tissus japonais. "Au magasin, l’ambiance est différente : plus axée braderie, déstockage. On peut y trouver une bonne affaire qui ne sera pas en ligne".

L’articulation entre les deux concepts se fait via le click and collect, pour les clients les plus proches sur le plan géographique. Si la première commande sur Tissuspapi.com a été passée par une cliente du magasin physique, "nous avons rapidement rayonné au-delà de Lille et des Hauts-de-France", constate Jean-Charles Huvelle. À présent, la boutique vend partout en France et dans certains pays européens francophones.

L’effet crise sanitaire

En tant que mercerie, l’enseigne Tissus papi a été relativement épargnée par la crise sanitaire. Mais cette période a tout de même fait bouger les lignes. "C’était très chargé : nous avons travaillé 7 jours sur 7. Il y avait des commandes tous les jours et le téléphone du service client sonnait sans cesse. Nous avons dû trouver des astuces pour accélérer la cadence, rapporte-t-il. Notre métier est de vendre des tissus pour servir les projets de nos clients : coudre une robe de printemps, une tenue pour un mariage, un baptême… Et soudain, nous nous sommes retrouvés à vendre des tissus destinés à réaliser des masques, pour éviter de tomber malade… Ce n’était plus la même approche".

Puis les choses ont repris leur cours, pour la mercerie en tout cas. Jean-Charles Huvelle se réjouit déjà de lancer la collection d’hiver : "Croiser les couleurs et les matières, pour satisfaire les clients, c’est une chose que j’apprécie particulièrement. Une passion née sur le tard". La clientèle a d’ailleurs un peu évolué avec cette crise : "Il s’agit à 95 % de femmes, âgées de 35 à 40 ans. Mais nous voyons arriver des clientes de 16/17 ans : la crise sanitaire a fait sortir des greniers la machine à coudre de Mamie".

Un entrepreneur engagé

Malgré la crise, Tissuspapi.com poursuit donc son développement. S’il reste discret sur ses chiffres, l’entrepreneur confirme "être en croissance. La crise nous a fait passer un cap, mais je ne veux pas griller les étapes". L’année dernière, la mercerie a lancé sa propre marque de tissus, La Maison Roubaisienne : les motifs sont conçus à Roubaix, avant une fabrication en Europe. "L’objectif, c’est de pouvoir fabriquer ces tissus à Roubaix. Nous sommes en discussion avec un partenaire, mais cela prend du temps, c’est un autre métier que l’achat-vente".

Entrepreneur passionné, Jean-Charles Huvelle est également engagé : "C’est une tentative pour ramener la production textile à Roubaix. Il y a trop de gamins dans les rues, sans emploi". Le volet environnemental n’est pas en reste : "Pour limiter les déchets, tout est trié afin d’être réutilisé par nous, ou par des partenaires, comme pour les palettes et les mandrins". La mercerie a également délaissé la camionnette au profit d’une logistique à vélo, pour acheminer les colis depuis ses locaux jusqu’au site de Mondial Relay, situé 5 kilomètres plus loin. Quant à l’évolution globale de l’entreprise depuis 1981, Jean-Charles Huvelle conclut en riant : "Mon grand-père nous prendrait un peu pour des fous".

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