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Emanuel Lang veut recréer une filière du lin en France
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Emanuel Lang veut recréer une filière du lin en France

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Le fabricant de tissus haut-rhinois Emanuel Lang a racheté des machines à filer le lin à une filature hongroise. Il compte relancer la production et, à terme, recréer la filière en France.

Thierry Guth (au second plan), le responsable de l'atelier de filature de lin prépare et règle les continus à filer sous l'oeil de Christian Didier (au premier plan), le directeur d'Emanuel Lang — Photo : ©Charlotte Stiévenard

Le fabricant de tissus Emanuel Lang à Hirsingue (Haut-Rhin) n’était pas loin de fermer, en avril 2013, avant d'être repris par l’industriel alsacien Pierre Schmitt, aujourd’hui actionnaire majoritaire. Six ans plus tard, l’entreprise veut désormais renouer avec le patrimoine textile alsacien en relançant la première filature de lin française. Elle a ainsi investi un million d’euros dans des continus à filer - autre nom des métiers à filer le lin - rachetés à une entreprise hongroise qui fermait.

Deux personnes ont spécifiquement été embauchées pour ce projet, faisant monter le nombre de collaborateurs à 24 alors qu’ils n’étaient que neuf il y a six ans. Le chiffre d’affaires actuel est de 1,8 million d’euros. « Avec cet investissement, nous espérons le faire passer à trois millions d’euros d’ici 2021 », précise Christian Didier, le directeur du site, qui espère produire entre 120 et 150 tonnes de fil de lin par an.

De la plante au consommateur

Pour le site, c’est une nouvelle étape. Il va produire du fil, alors qu’il ne confectionnait jusqu’ici que du tissu, vendu à des clients proposant du moyen ou du haut de gamme, notamment aux autres entreprises de Pierre Schmitt comme Velcorex ou Philea, mais aussi à des marques comme Le Slip français, Agnès B ou encore Claudie Pierlot.

Jusqu’alors, 60 % de la production de tissu de l’entreprise Emanuel Lang était issue de fil de coton bio acheté dans le monde entier, notamment en Asie ou en Afrique et 40 % était à base de fil de lin acheté à des fournisseurs basés en Europe ou en Chine, mais travaillant souvent avec des fibres produites en France. Selon la Confédération Européenne du Lin et du Chanvre (CELC), à l’heure actuelle, si la majorité du lin mondial provient de France, il ne reste qu’une dizaine de filatures en Europe et aucune dans l’hexagone.

Mais Christian Didier et Pierre Schmitt, l’actionnaire principal d’Emanuel Lang, voient plus loin que la simple relance d’une filature alsacienne. « À terme, nous comptons relancer une filière française du lin, de la plante au consommateur », affirme ainsi Christian Didier qui voit le territoire sud-alsacien comme « un environnement propice pour relancer une filière, avec des formations comme celle proposée par l’Institut Supérieur Textile d’Alsace et un certain nombre d’entreprises qui assurent toutes les étapes de la production. »

L’installation de machines rachetées en Hongrie démontre également l’importance de cet héritage. Elles ont été produites il y a une trentaine d’années à Guebwiller dans le Haut-Rhin, par le spécialiste des équipements industriels pour le textile N. Schlumberger (CA : 45 M€, 230 collaborateurs). C’est lui qui s’occupe du réglage des continus à filer d'Emanuel Lang. Il a même développé des machines de préparation des fibres spécifiques pour ce projet. Ils alimenteront ces continus à filer qui ne traitent que les fibres longues comme celles du lin, du chanvre ou des orties et non les fibres courtes comme celles du coton.

L’ensemble de la filière sera donc en France. Emanuel Lang a créé un partenariat avec la coopérative Terre de lin en Normandie qui doit l’approvisionner en lin français. Ces fibres seront ensuite filées, puis transformées en tissu à Hirsingue, tandis que l’usine Velcorex à Saint-Amarin, également propriété de Pierre Schmitt, l’actionnaire principal d’Emanuel Lang, se chargera de l’ennoblissement, c’est-à-dire des finitions comme la teinture. Il ne leur reste qu’à trouver des partenaires pour la confection. Les produits finis seront des « poids lourds », c’est-à-dire des vestes, des pantalons ou des robes, ainsi nommés car les fils utilisés sont relativement épais par rapport à la fibre de coton, notamment.

Par ailleurs, Pierre Schmitt a aussi ouvert une boutique laboratoire à Colmar appelée Matières françaises en 2016. Elle vient de lancer sa plateforme de vente en ligne.

Circuits courts et produit écologique

Selon le directeur d’Emanuel Lang, « le made in France, ce n’est pas compliqué. On pense tout le temps que la masse salariale est rédhibitoire. Ce n’est pas complètement faux, mais le véritable problème, ce sont les marges de distribution. » En éliminant les intermédiaires, les entreprises de Pierre Schmitt pourront ainsi récupérer ces marges. Avec des produits à haute valeur ajoutée, Christian Didier, le directeur du site d’Hirsingue, entend éviter les erreurs de la filature hongroise qui a fermé « écrasée par l’augmentation du coût des matières premières et de la concurrence chinoise. »

Les deux entrepreneurs privilégient donc les circuits courts, mais ils misent aussi sur l’image plus écologique du lin. « Cette plante consomme moins d’eau et moins de pesticides que le coton. Même si nous utilisons du coton bio, le lin reste toujours beaucoup plus écologique », souligne le directeur d’Emanuel Lang. Par ailleurs, les continus à filer rapatriés de Hongrie sont des machines de filature au sec, moins consommatrices d’eau que d’autres méthodes. À Hirsingue, la production doit débuter en mars.

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