Alpes-Maritimes
"Pour les start-up, c’est la fin de l’euphorie de l’argent facile"
Interview Alpes-Maritimes # Innovation

Sylvain Theveniaud directeur de l’Allianz Accelerator situé à Nice "Pour les start-up, c’est la fin de l’euphorie de l’argent facile"

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Le financement des start-up est à la baisse et plus difficile depuis 2022. Sylvain Theveniaud, directeur de l’Allianz Accelerator, Marie Nghiem, responsable du Village by Crédit Agricole Provence Côte d’Azur, et Laurent Masson, directeur de l’incubateur Provence Côte d’Azur livrent leur avis au cours d’Azur Tech Summer, rendez-vous de l’écosystème numérique organisé par Telecom Valley à Sophia Antipolis.

Sylvain Theveniaud (à gauche), directeur de l’Allianz Accelerator, Marie Nghiem, responsable du Village by Crédit Agricole Provence Côte d’Azur, et Laurent Masson, directeur de l’incubateur Provence Côte d’Azur — Photo : Olivia Oreggia

Quelles sont les tendances dans la création de start-up ?

Sylvain Theveniaud : La tendance est à la start-up à impact, qu’il soit social, sociétal ou environnemental. Je classerais là par exemple Bodyguard, qui lutte contre la haine en ligne, ou Rogervoice, qui permet aux sourds et malentendants de téléphoner, deux entreprises que nous avons accompagnées au sein de l’Accélérateur d’Allianz. Les tendances sont très cycliques. L’an dernier, il était beaucoup question du Web3, cette année, on nous dit que le Web3 est fini. Ce n’est pas vrai du tout. Il y a plutôt une consolidation. Tous les grands groupes lancent des projets mais ceux-ci sont pragmatiques. On n’est plus sur une mode. De même, concernant l’intelligence artificielle. On en a beaucoup parlé avec Chat GPT. Cette tendance fonctionnera vraiment s’il y a de vrais cas d’usages derrière.

Laurent Masson : On voit à l’incubateur Provence Côte d’Azur, une hausse du nombre de projets de créations de bon niveau, dont une part importante vise de l’impact. On constate aussi une hausse des projets ayant une vraie dimension industrielle, avec des gens qui viennent de l’industrie, forts de leur culture, c’est frappant. L’autre tendance, c’est l’apparition des projets biotech et pharmaceutiques qui réussissent à lever des premiers fonds d’amorçage.

Sylvain Theveniaud : Pas mal de start-up s’intéressent aussi au new space. Le déclencheur aura été Elon Musk et ses lanceurs qui ont montré que l’on pouvait envoyer des satellites pour pas cher dans l’espace. C’était absolument inconcevable avant. C’est comme pour les biotechs, avec la volonté du gouvernement de produire des médicaments en France et les efforts faits sur les transferts de technologies. Il y a des financements qui arrivent et tout cela fait un mélange qui rend le tout possible alors que peu de gens voulaient investir jusqu’à présent dans ces domaines-là.

Marie Nghiem : La grande tendance, c’est la fin de l’euphorie de l’argent facile. Il faut à un moment que la start-up ait un potentiel de croissance.

Les start-up ont aujourd’hui des difficultés à trouver des financements. Qu’en est-il ?

Sylvain Theveniaud : Il y a un vrai recalibrage très fort sur le côté revenu. Il y a un an encore, les investisseurs investissaient à des valorisations incroyables, sans forcément trop regarder les métriques ou les capacités d’une entreprise à générer des revenus, imaginant qu’un jour elle en générerait sur la base d’une traction, c’est-à-dire du nombre d’utilisateurs. Aujourd’hui, c’est beaucoup moins à la mode. Les investisseurs demandent aux entreprises de revenir aux fondamentaux.

Marie Nghiem : Les critères des fonds se sont resserrés. On est en effet sur un retour à l’entreprise rentable, qui vit de ses clients. Le problème que règle la start-up doit être un vrai problème et que celui-ci soit monétisable, que des gens soient prêts à payer pour le régler. La start-up n’est et ne doit pas être un produit financier.

Pensez-vous que cette vision plus exigeante des investisseurs demeurera ou est seulement passagère ?

Marie Nghiem : La tendance des fonds à être un peu plus frileux ou en tout cas à attendre des preuves, va-t-elle perdurer ? Je pense pour ma part qu’il va être difficile de rétropédaler.

Sylvain Theveniaud : Moi, je pense qu’ils vont revenir en arrière, je pense que c’est juste une pause et que ça va revenir très vite. C’est de la finance. Elle a des codes qui seront réutilisés. Et il y a un système de "FOMO", "fear of missing out", la peur de manquer en français. Voilà pourquoi certaines boîtes se crashent complètement avec énormément de financement. Car un investisseur de confiance a investi et que d’autres ont suivi, se disant "si lui y va, alors il faut absolument que nous y soyons aussi".

Laurent Masson : Je pense aussi que les choses vont revenir comme avant mais cela prendra un peu de temps. Cela reste un enjeu financier. La question se jouera en fonction des taux. S’ils restent élevés, ça ne repartira pas tout de suite. Dès qu’ils vont baisser, ça va repartir.

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