Toulon
Jérôme Leleu (Fantaisie Prod) : « Nous avons le sentiment d’être transparents »
Interview Toulon # Événementiel # Conjoncture

Jérôme Leleu dirigeant de Fantaisie Prod Jérôme Leleu (Fantaisie Prod) : « Nous avons le sentiment d’être transparents »

S'abonner

Productrice de spectacles, manager d’artistes, gestionnaire de salles, l’association toulonnaise Fantaisie Prod subit de plein fouet la crise sanitaire du Covid-19. Son dirigeant et fondateur Jérôme Leleu déplore un manque de soutien des institutions publiques, mais veut rester optimiste et entend bien se battre pour ramener le public dans les salles de spectacle.

Jérôme Leleu a créé Fantaisie Prod en 2007. Fantaisie Prod produit toutes sortes de spectacles, de la musique au théâtre en passant par le music-hall. — Photo : Fantaisie prod

Le Journal des entreprises : Chez Fantaisie Prod, comment avez-vous vécu l’annonce du confinement ?

Jérôme Leleu : Ce fut la sidération. Nous avons vécu un événement extraordinaire. Fantaisie Prod, structure de production, promotion, diffusion d’artistes et de spectacles, mais aussi gestionnaire de salles, notamment le Théâtre Daudet à Six-Fours-les-Plages, avait beaucoup de dates programmées. Tout s’est écroulé. Dans notre secteur, nous avions ressenti les premiers signaux d’alarme dès la mi-février avec un arrêt assez net de la billetterie. Puis au mois de mars, nous sommes entrés dans le dur et avons annulé une « grosse date » programmée au Zénith de Toulon, puis des spectacles au Casino d’Hyères, ou au Théâtre Daudet.

Suite à l’annonce du confinement généralisé, nous avons d’abord pallié l’urgence et reporté les dates qui pouvaient l’être en septembre et octobre. Nous avons aussi annulé d’importants spectacles, pour lesquels les enjeux budgétaires étaient tels que nous avons préféré jeter l’éponge, car nous n’avions aucune visibilité sur l’après et encore aujourd’hui, nous n’en avons pas davantage.

L’annonce passée, l’urgence gérée, comme avez-vous vécu le confinement ?

Jérôme Leleu : Chez Fantaisie Prod (4 salariés), nous manageons un certain nombre d’artistes qu’il a fallu occuper. L’un d’entre eux, Benjy Dotti, a par exemple tenu sur Facebook, « son journal » d’artiste confiné et a reçu quelques invités prestigieux.

Nous avons aussi monté une opération solidaire pour les personnels soignants mais aussi tous les salariés de la première ligne (les caissières, les personnels de nettoyage, etc.) en proposant aux personnes qui avaient acheté des billets pour nos spectacles, qui ont pu être reportés, de les offrir à ces personnels. Nous avons aussi commencé à travailler à l’organisation d’une soirée de soutien à une association caritative, qui se déroulerait au Palais Neptune, à Toulon.

Quelle est aujourd’hui la situation de Fantaisie Prod ?

Jérôme Leleu : Fantaisie Prod assure la production d’environ 150 spectacles, de 180 à 3 000 places, par an et vit essentiellement de sa billetterie. Nous avons donc perdu beaucoup d’argent, néanmoins, il était primordial pour nous de maintenir des activités, même bénévoles, pour nous occuper. Le chiffre d’affaires varie de 800 000 euros à 1 million d’euros et nos pertes atteignent d’ores et déjà près de 300 000 euros.

Nous avons sollicité un prêt garanti par l’État, nous avons reçu une aide de 1 500 euros, nous avons été exonérés de charges et nous avons eu aussi des aides du ministère de la Culture… Des aides qui ont toutes été les bienvenues, mais qui restent minimes au regard des pertes enregistrées.

« Les aides restent minimes au regard des pertes enregistrées. »

Nous avons lancé un appel aux collectivités locales, pour nous, mais aussi pour tous nos fournisseurs avec lesquels nous avons l’habitude de travailler (afficheurs, hôtels, restaurants, agence de sécurité, salles privées, agence de communication…) Mais en dehors de la Mairie de Six-Fours-les-plages avec laquelle on travaille autour de la gestion du Théâtre Daudet, nous n’avons pas eu beaucoup de réponses. Comme nous percevons très peu, voire pas du tout de subventions, nous sommes sans doute mal identifiés.

Comment envisagez-vous la reprise ?

Jérôme Leleu : Nous allons rouvrir le Théâtre Daudet du 20 au 26 juillet autour d’un festival d’humour avec des artistes locaux. C’est une première « date-test », mais pour les autres, tout est reporté au mois de septembre. A ce jour, nous attendons toujours les protocoles sanitaires et j’espère que les choses bougeront le 22 juin et que nous pourrons récupérer 100 % de nos jauges. Les mesures actuelles de distanciation nous permettent de récupérer entre 60 et 70 % de nos jauges… C’est insuffisant !

La situation que nous vivons est très compliquée. Nous manquons d’annonces claires et suffisamment anticipées car un spectacle ne s’improvise pas et doit être programmé suffisamment en amont pour nous laisser notamment le temps de communiquer auprès des spectateurs.

Quel est votre sentiment aujourd’hui ?

Jérôme Leleu : Nous nous sentons clairement oubliés par le gouvernement, mais aussi au niveau local. Dans le monde du spectacle, les indépendants, les structures privées ou associatives comme la nôtre… Nous avons le sentiment d’être transparents et je pense aussi à tous nos partenaires, pour qui ce ne doit pas être facile non plus.

« Il faut une prise de conscience politique. »

Il faut une prise de conscience politique, d’autant plus ici en local que nous sommes dans une région, où la culture est intimement liée à l’économie estivale, au tourisme.

Quelles sont vos perspectives pour Fantaisie Prod ?

Jérôme Leleu : Les perspectives sont compliquées, mais je veux rester optimiste. Nous évoluons dans un secteur, des métiers, qui sont difficiles, de tout temps. Nous sommes à la fois des artisans, des chefs d’entreprise et des combattants. Nous sommes des soldats de la culture à l’année et nous allons continuer de nous battre pour ramener le public dans les salles de spectacle.

« Nous sommes des soldats de la culture […] et allons continuer de nous battre. »

Nous allons nous battre pour retrouver le chemin de la relance, nous n’avons pas le choix, mais nous aurions besoin d’un coup de pouce pour refaire notre trésorerie et relancer la machine. Aujourd’hui, j’attends des institutions un soutien financier certes mais aussi un soutien en termes de communication et un accompagnement sur la mise en œuvre des protocoles sanitaires.

Toulon # Événementiel # Conjoncture