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Urbasolar veut jouer les premiers rôles dans le solaire européen
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Urbasolar veut jouer les premiers rôles dans le solaire européen

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Enfant prodige parmi les "pure players" qui sont nés et ont prospéré depuis 20 ans sur le marché français des énergies renouvelables, l’entreprise montpelliéraine Urbasolar se tourne vers l’Europe. Désormais adossée au géant suisse Axpo, elle dispose de moyens considérables pour déployer le solaire photovoltaïque sur le continent.

Le centre de supervision d’Urbasolar, qui pilotera 10 gigawatts de puissance installée en 2030 — Photo : Christophe RUIZ

Les eaux tranquilles de l’ancienne carrière de sable de Peyssies, au sud de Toulouse, reconvertie en lac artificiel depuis la fin de son exploitation, accueillent une nouvelle centrale solaire flottante formée de 14 000 modules photovoltaïques. L’infrastructure, dévoilée le 24 juin 2022 par Urbasolar (440 salariés, 300 M€ de chiffre d'affaires 2021), est la première de ce type construite en Haute-Garonne. Elle démontre la capacité de l’ETI montpelliéraine à déployer des projets d’énergie verte innovants et adaptés aux spécificités de chaque site d’implantation : ex-zones industrielles dégradées, milieu forestier, anciens aérodromes, centres hospitaliers, etc. Elle illustre aussi une nouvelle puissance industrielle acquise depuis son intégration au groupe suisse Axpo, en 2019. En rejoignant cet acteur majeur de l’électricité en Europe (5,8 milliards d’euros de chiffres d’affaires), Urbasolar a changé de dimension.

Le bras armé d’un géant européen

Urbasolar a levé environ un milliard d’euros depuis sa création en 2006, et ce n’est qu’un début. En mai, sa maison mère Axpo a annoncé un programme visant à construire 10 gigawatts (GW) de parcs solaires et 3 GW d’éoliennes à l’horizon 2030 : l’investissement se montera à près d’un milliard d’euros pour les seules phases de développement, et sera capté pour l’essentiel par Urbasolar. Tel est le bond de croissance réalisé par l’entreprise montpelliéraine, devenu le bras armé d’un géant européen dans sa conquête du marché des énergies renouvelables. "Nous sommes la seule plateforme de développement et d’exploitation du groupe pour le solaire photovoltaïque. Ce statut de vecteur de croissance unique était l’une de nos conditions pour signer avec Axpo en 2019. Et le cahier des charges a été suivi à la lettre. Nous disposons de tous les budgets de développement amont pour déployer 10 GW en Europe", commente Arnaud Mine, président d’Urbasolar.

Ce passage à l’échelle européenne passera par l’Espagne (3 GW), l’Italie (2 GW) et d’autres pays (2 GW), sans oublier la France, où 3 GW de plus seront aussi construits d’ici 2030. Le dernier jalon en date a été posé en Allemagne, où Urbasolar vient de créer une filiale et a déjà conclu un accord avec un partenaire pour bâtir plusieurs centrales sur ombrières, pour une puissance totale de 20 mégawatts (MW). "Sur tous ces nouveaux marchés, nous travaillons directement sous la marque Axpo, car le groupe est présent dans 24 pays et nous profitons de l’image d’un industriel européen reconnu. De plus, nous avons les mêmes clients qu’Axpo, ce qui accélère notre propre développement", apprécie la directrice générale d’Urbasolar, Stéphanie Andrieu. Ainsi, l’entreprise montpelliéraine a prévu de recruter 100 salariés dans les dix-huit prochains mois, pour soutenir cette croissance internationale. Elle devrait atteindre le cap des 1 000 salariés d’ici trois ou quatre ans.

La force d’un opérateur spécialisé

Naturellement, le bond accompli par Urbasolar n’est pas sans incidence sur le marché français. Avec un cumul de 1 147,9 MW, le montpelliérain figure à ce jour au deuxième rang des opérateurs retenus dans les différents appels d’offres ouverts par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) depuis 2011. Là encore, l’association avec Axpo devrait lui fournir les moyens de challenger encore plus fortement les poids lourds historiques que sont EDF, Engie ou TotalEnergies. "Par rapport à ces concurrents, nous disposons de plus d’effectifs dédiés au solaire photovoltaïque, alors qu’ils ont des équipes plus hybrides, afin de rester agiles sur tous les créneaux de l’énergie. De plus, ils se contentent souvent de construire des parcs qu’ils revendent assez vite. Ils ne cherchent pas à les exploiter dans la durée comme le fait Urbasolar. Dans dix ans, l’industrie de l’électricité renouvelable reposera sur des milliers de sites, qui devront proposer d’autres services comme l’alimentation des points de recharge pour véhicules électriques ou la fourniture des futures usines de production d’hydrogène. C’est une valeur que nous créons dès aujourd’hui", analyse Arnaud Mine.

Un autre moteur de croissance se situe dans les contrats d’achat d’électricité renouvelable à long terme. Jusqu’en 2016, la loi imposait que l’énergie produite dans les parcs solaires soit revendue à un tarif garanti à EDF. Depuis, des contrats de droit privé (appelés "power purchase agreements" ou PPA) peuvent être rédigés de gré à gré. C’est un marché en forte croissance, sur lequel Urbasolar veut tirer son épingle du jeu. L’entreprise a déjà conclu des PPA avec de grandes foncières immobilières ou des gros consommateurs comme le groupe Aéroports de Paris : le contrat signé en 2021 avec ce dernier se traduira par la construction de trois centrales qui couvriront 10 % de la consommation annuelle des trois aéroports parisiens.

D’autres annonces spectaculaires vont suivre. "Depuis que l’activité n’est plus plafonnée par les mécanismes publics, la demande dépasse l’offre. La croissance est un peu freinée car elle ne concerne que les centrales au sol : le coût de l’électricité est encore trop élevé pour les centrales sur bâtiments ou sur serres dans ce type de contrat. Mais les PPA sont un marché plus que lucratif, et devraient concerner au moins 30 % de notre parc dès 2023", estime Stéphanie Andrieu.

Tensions à venir sur le marché électrique

L’émergence d’un acteur comme Urbasolar semble venir à point nommé alors que les signaux d’alerte se multiplient sur le manque possible d’électricité dans l'Hexagone. Encore faut-il lever les freins administratifs : selon la PME montpelliéraine, au moins deux années de procédures sont encore nécessaires pour faire émerger un parc solaire. "L’automne et l’hiver seront très tendus en termes de prix sur le marché électrique. Ce devrait être une raison suffisante pour inciter les États européens à simplifier la construction des centrales solaires. Face à de tels besoins, nous pouvons apporter une réponse en deux ans, là où un chantier dans le nucléaire réclame 15 ans au minimum", pointe Arnaud Mine.

Une prise de conscience émerge, et les réglementations s’allègent peu à peu en fonction des particularités de chaque marché local. "En Espagne, les goulots d’étranglement concernaient la capacité des opérateurs à se connecter au réseau public d’électricité. Pour fluidifier le marché, le gouvernement a lancé des appels d’offres sur les points de raccordement", décrit Stéphanie Andrieu. Résultat : Urbasolar lancera 200 MW de chantiers en Espagne dès cet automne. Pour toujours mieux préparer l’avenir, l’entreprise continue à investir dans l’innovation, qu’elle concrétise dans des opérations comme la centrale flottante de Peyssies. Elle planche aussi sur un projet de campus de formation à ses divers métiers, proche de ses locaux à Montpellier.

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