Philippe Enxérian (UIMM) : « Nous voulons accueillir une Giga factory »
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Philippe Enxérian (UIMM) : « Nous voulons accueillir une Giga factory »

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Pour conforter le poids de son secteur industriel (21,5 % de son PIB), et notamment ses secteurs clés de l’automobile et de la chimie, la Normandie souhaite attirer rapidement vers l’Axe Seine une ou plusieurs Giga factory destinées à produire des batteries pour les véhicules électriques. Dans ce contexte, Philippe Enxérian, président de l’UIMM Rouen/Dieppe, a lancé, avec Gérard Renoux, président de France Chimie Normandie, la filière normande de batteries pour véhicules électriques.

Pour Phillipe Enxérian, président de l'UIMM Rouen/Dieppe, la création de la filière "batterie" doit "permettre la création d'un écosystème favorable pour profiter des opportunités de business des nouveaux marchés de mobilités durables". — Photo : S.C

Le Journal des Entreprises : Quelle est l’origine du démarrage de cette nouvelle filière batterie ?

Philippe Enxérian : Ce projet est né de la nécessité de rendre notre territoire attractif sur le secteur porteur de l’électromobilité. Il est soutenu par l’UIMM Rouen/Dieppe, France Chimie Normandie mais aussi par les acteurs institutionnels comme la Métropole Rouen Normandie, la Région et l’État. Il doit nous permettre d’être en capacité de créer un environnement propice à l’implantation d’une usine de production de batteries, de plusieurs parcs fournisseurs et sous-traitants le long de l’Axe Seine, ainsi que la filière d’approvisionnement et de recyclage idoine. L’objectif est de pouvoir accueillir une « giga factory » sur le territoire, en pointe sur la fabrication de batteries électriques de 3e génération (lithium ion liquide, NDLR), et susceptible d’évoluer à terme vers la 4e génération (lithium ion solide, NDLR). À l’origine de la création de cette filière, il y a également l’initiative de l’État autour de « Territoires d’Industrie » qui nous a interrogés sur le devenir de notre industrie. Nous avons identifié la mutation du véhicule thermique vers l’électrique comme un enjeu de compétitivité pour le territoire.

Quels sont les atouts de l’Axe Seine pour attirer une giga factory ?

P. E. : La Normandie est un territoire industriel majeur et innovant, au niveau français et européen, et dispose de la capacité à accueillir un projet de cette envergure. L’Axe Seine est au barycentre des constructeurs automobiles du grand nord-ouest de la France, au sein d’un important écosystème d’industries chimiques et automobiles. À l’exception de la giga factory, l’ensemble de la chaîne de valeurs « batterie » est déjà présent sur le territoire, dans les domaines de la construction de moteurs et réducteurs de véhicules et de camions électriques, des biens d’équipement, de l’industrie du câble, de l’électronique embarquée, du packaging batteries, ou encore de la fabrication de bornes de recharge. Nous disposons également d’un bassin d’emplois en capacité de former et de fournir la main-d’œuvre nécessaire à cette activité industrielle, avec le plateau du Madrillet à Rouen et ses 6 000 étudiants formés à l’INSA, l’Esigelec (école d’ingénieurs en génie électrique, NDLR), le CESI, l’Université dont l’école d’ingénieurs intégrée ESITECH, tous tournés vers l’électromobilité, en lien avec les entreprises.

« La filière batterie peut créer, à terme, 10 000 emplois. »

Philippe Enxérian, président de l'UIMM Rouen/Dieppe — Photo : S.C

À quelles conditions peut-on espérer être retenu pour une Giga factory ?

P. E. : D’abord, il faut avoir une démarche proactive. Ensuite, il y a trois conditions à remplir. La première, c’est de disposer du foncier nécessaire à son installation sur le territoire, soit environ 300 hectares pour une giga factory. Et nous avons déjà identifié, le long de l’Axe Seine, 500 hectares de disponibles. Pour ce projet, comme pour d’autres, le foncier est capital pour favoriser l’investissement en France, avec des surfaces « prête à l’emploi », avec autorisations signées, fibre, ou encore électricité. Les compétences constituent le second volet indispensable à l’implantation d’une giga factory, pour lequel il faut anticiper les besoins. Ainsi, pour démarrer une giga factory, il faut des programmateurs en automatisme, par exemple. C’est pourquoi nous allons travailler avec les CFA et les écoles d’ingénieurs pour identifier les besoins et formations à mettre en place, afin d’être capables de répondre rapidement à la demande. On a le bassin d’emploi et les ressources, il faut juste ajuster les formations. Enfin, il faut le bon réseau de partenaires et de fournisseurs pour soutenir le démarrage d’une telle usine. On a de belles entreprises comme Arkema, Eramet, et tout un tissu de PME et ETI. Au total, 200 à 300 entreprises sont potentiellement intéressées par notre démarche en Normandie. Nous voulons fonctionner à la manière d’un cluster pour cette filière batterie. Je lance donc un appel à tous ceux qui souhaiteraient participer à ce nouveau marché. Si vous avez des projets, des besoins de financement, venez vers nous pour en parler !

Quels sont les enjeux industriels et en termes d’emplois ?

P. E. : Les mutations du secteur automobile et les nouvelles mobilités sont autant d’opportunités à saisir pour le territoire de la métropole rouennaise et plus globalement pour l’Axe Seine. L’arrivée des véhicules électriques constitue un événement majeur, avec à horizon 2023 des prévisions qui fixent à 1 million d’unités la production de véhicules toutes technologies confondues (full électrique et hybridation électrique, NDLR) en France. Créer un écosystème favorable à ces nouveaux marchés de mobilités durables est déterminant pour la vitalité économique de l’Axe Seine. La filière batterie, qui vient compléter la chaîne de production déjà présente, va bénéficier aux activités et aux emplois, puisqu’on estime qu’elle pourrait créer plus de 10 000 emplois en Normandie. Et pour le projet de giga factory, nous sommes en discussion avec plusieurs industriels, des Chinois, Coréens et Japonais, et nous attendons une décision dans le courant du mois de janvier.

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