Friches : Que faire de ces chancres industriels concentrés au Nord?

Friches : Que faire de ces chancres industriels concentrés au Nord?

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Le Nord concentre à lui seul un tiers des friches industrielles de France. La reconversion est pourtant possible et en marche. La métropole lilloise s'apprête à voter un vaste plan de reconquête. Ces zones peuvent devenir des opportunités pour les entreprises.
— Photo : Le Journal des Entreprises

Symboles d'un passé glorieux, les friches encombrent le Nord. Avec 12.738sites, le département concentre 76,1% des friches de la région, dont 39,9% dans l'aire urbaine de Lille. Avec une densité de 0,0452sites pollués au km², le Nord - Pas-de-Calais détient la palme française, loin devant l'Ile-de-France et l'Alsace.

«Un coût» Ce constat amer, Michel Pacaux l'a dressé pour Lille Métropole Communauté Urbaine (LCMU). Dans un premier rapport de 180pages, qui a donné lieu à un vote de principe en juin, le vice-président et maire de Frelinghien dépeint un lourd héritage. Il réclame un cadre législatif pour traiter le problème et exhorte les élus à prendre leurs responsabilités. En février, un deuxièmevote doit leur ouvrir la boîte à outils nécessaire. «Les friches ont un coût, c'est à leur propriétaire de payer», lance Michel Pacaux qui dénonce des aberrations. «Au prix d'un terrain pourri, une TVA à 19,6% pour la démolition, non prise en compte dans le prix de vente, c'est incohérent.»

Des outils pour reconvertir La communauté urbaine vient de créer une mission spécifique d'information et d'évaluation des friches industrielles et pollutions historiques. Objectif: recenser et agir. L'action a commencé et s'accélère tous azimuts. L'un des acteurs majeurs de cette reconversion s'appelle Batixia. Pionnier en France, il épaule financièrement les entreprises dans leurs projets immobiliers. Une condition: s'implanter sur une zone en reconquête. «C'est aussi notre rôle social et sociétal de chef d'entreprise. Sans Batixia, je n'aurais jamais pensé m'installer à Roubaix», témoigne Patrick Bougamont, d'Impression directe (lire ci-contre). Il était hors de question pour lui d'aller en zone industrielle, trop connotée alors qu'il vend du service.

Hôtels d'entreprises, sièges... Batixia joue un rôle d'amorçage. «Pour encourager les entreprises à investir sur un territoire, il faut créer l'offre. Nous les emmenons là où elles n'auraient pas imaginé aller, grâce à une qualité de prestations supérieure, confie son DG Jean-Marie Bricogne. Nous amorçons la pompe avec un premier bâtiment, pour que les investisseurs privés prennent le relais. Nous leur disons: venez participer à un réensemencement économique. L'entreprise a beaucoup d'avantages à y trouver.» Batixia vient, entre autres, d'inaugurer un hôtel d'entreprises à Anzin et de lancer le programme Riveo de 20.000m² sur la friche Rhodia à Marquette-lez-Lille.

Des emplacements top Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les derniers investissements majeurs dans le Nord se font sur des friches. Dernier en date: le b'Twin Village sur les 18ha de l'ancienne fabrique de cigarettes Seita où 50M€ ont été réinjectés. «Trouver un bâtiment aussi grand et proche de Lille, c'est mission impossible!, s'exclame Olivier Robinet, directeur de b'Twin. Nous sommes à un noeud autoroutier, dans un espace sans limite qui nous permet de réaliser nos rêves les plus fous.» Le même groupe Oxylane prépare son arrivée à l'ex-brasserie Terken de Roubaix, où il va implanter le pôle mondial de Kipsta (10M€). Hors de Lille, les reconquêtes se multiplient aussi, comme à Crespin. Les anciens Ateliers du Nord de la France (ANF) renaissent sur 50.000m². C'est la deuxièmeopération d'Essor Promotion. «Nous sommes une structure parisienne de rénovation du patrimoine ancien», présente Pierre Braux, associé à d'anciens d'Eiffage. Pour lui, l'intérêt est de «conserver la localisation économique là où elle était prévue, à un emplacement privilégié». L'opération (30M€) est rentable: 10% de marge brute.

Gains d'espace et de temps Sur place, Portakabin implante sa première usine en Europe continentale. «L'avantage, c'est surtout la dimension du site et ce n'est pas forcément beaucoup plus cher», note son directeur Bertrand Boitel, séduit par les travées, les ponts roulants... «En terme de mise en oeuvre, c'est aussi avantageux. En sixmois, l'ensemble de l'installation a été refait. C'est quasiment impossible en neuf. Cela réduit l'investissement et les délais.» Du côté des promoteurs, on joue aussi le jeu face aux réserves foncières qui s'épuisent. «Ces friches sont rattrapées par l'urbanisation. C'est la matière première du développement économique, précise François Dutilleul, DG de Nacarat. Les techniques de dépollution se sont améliorées. Pour nous, c'est un terrain de jeu beaucoup plus agréable pour s'exprimer.» Le BTP s'y retrouve aussi. «C'est une nouvelle carte dans notre panel», indique ce conducteur de travaux de Valères, à Bois-Grenier. Les friches fédèrent.

Géry Bertrande