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Nathalie Hutter-Lardeau (Atlantic Santé) : « Il faut multiplier les exemples féminins de réussite »
Interview Mayenne # Agroalimentaire # Réseaux d'accompagnement

Nathalie Hutter-Lardeau directrice d'Atlantic Santé Nathalie Hutter-Lardeau (Atlantic Santé) : « Il faut multiplier les exemples féminins de réussite »

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A la tête de la PME Atlantic Santé (Laval), Nathalie Hutter-Lardeau est une militante de l'entrepreneuriat au féminin. Pour la dirigeante mayennaise, une femme ne doit pas entreprendre comme un homme. Elle doit assumer ses différences.

Nathalie Hutter-Lardeau a créé en 1998 Atlantic Santé, qui emploie aujourd'hui 16 personnes — Photo : JC Druais

Le Journal des Entreprises : Vous avez développé la société mayennaise d’emballage Europlastiques et lancé la marque de boisson WomUp. Votre première entreprise, Atlantic Santé, vous l'avez créée il y a 20 ans. Était-ce facile à l’époque d'entreprendre pour une femme ?

Nathalie Hutter-Lardeau : Cela a été simple, parce que j’ai créé cette entreprise comme une start-up. J’ai quitté mon poste dans l’agroalimentaire, puis j’ai suivi une formation à la création d’entreprise à la CCI de Mayenne, avant d’être hébergée pendant quelques mois dans un espace de coworking à Laval.

Atlantic Santé réalise l’interface entre l’expertise scientifique et les problématiques de santé des entreprises agroalimentaires. Aujourd’hui, nous sommes 16, sans compter des personnes en freelance et une soixantaine d’experts internationaux qui travaillent pour nous, pour un chiffre d’affaires de plus de 2 M€ et une croissance de 20 % par an.

Est-ce à dire qu’il est facile pour une femme de créer une entreprise ?

N.H-L : C’est facile quand on est dans un bon écosystème. Pour ma part, je l’étais, avec un mari qui ne m’a pas du tout freinée dans ma volonté de créer mon entreprise et un environnement familial et amical qui me donnaient confiance. Mais aussi parce que je n’ai rien demandé à personne.

« Ce n’est pas parce qu’on est dirigeante d’entreprise que l’on n’a pas une vie familiale épanouie. »

Quand une femme cherche des financements, elle a tendance à se restreindre dans sa demande, sera peut-être moins prise au sérieux, et va donc lever moins de fonds qu’un homme. Des études montrent pourtant que les dossiers de femmes sont généralement plus durables et que les emplois qu’elles espèrent proposer ne sont jamais en dessous de ce qu’elles vont créer. Un monde mixte est aussi plus innovant, plus rentable et plus efficace.

Au-delà du financement, y a-t-il d’autres freins ?

N.H-L : Une femme peut avoir l’impression qu’elle ne va pas pouvoir gérer de front sa vie familiale et sa vie entrepreneuriale. Pour ma part, j’ai eu un enfant quand j’avais ma société. Cela n’a pas été simple, mais il y a des moyens de déléguer qui permettent de pallier ce type de problématique. Ce n’est pas parce qu’on est une dirigeante d’entreprise que l’on n’a pas une vie familiale épanouie. Aujourd’hui encore, une femme va souvent créer son petit business à côté de son conjoint pour avoir son propre emploi. Or, elle doit prendre confiance, avoir une ambition plus importante.

Y a-t-il aussi un problème d’éducation ?

N.H-L : En Mayenne, je participe à l’association 100 000 entrepreneurs. Nous allons dans les collèges et les lycées expliquer l’entrepreneuriat aux jeunes. Les garçons comme les filles ont souvent des idées reçues. Il est pourtant nécessaire de donner des exemples positifs, avec plus d’images de femmes qui ont réussi différemment, qui ont créé des entreprises dans leur diversité. Une femme ne doit en effet pas prendre le costume d’un homme pour réussir, elle doit le faire avec sa différence. Ces exemples féminins de réussite, il faut les multiplier pour que des jeunes femmes aient envie d’entreprendre et se disent que c’est possible…

Le monde de l’entrepreneuriat est-il encore très masculin ?

N.H-L : J’ai adhéré pendant plusieurs années à des réseaux aux codes très masculins. Les femmes ne s’y retrouvent pas toujours.

Nathalie Hutter-Lardeau est membre de l'association 100 000 entrepreneurs et très active dans le réseau Bouge ta Boîte en Mayenne — Photo : JC Druais

En Mayenne, nous avons identifié une cinquantaine de femmes dirigeantes et nous avons lancé deux clubs du réseau « Bouge ta boîte » qui rassemblent une trentaine de personnes. C’est un vrai réseau business. On apprend, on se donne des conseils, on partage nos difficultés, on trouve des solutions ensemble. Cela permet de voir plus loin et plus haut : l'une d’entre nous a levé des fonds l’an passé, une autre a embauché, une troisième a acheté ses locaux…

Se montent ainsi des réseaux, pour l’instant féminins, avec d’autres fonctionnements et de nouveaux codes. Ils s’ouvriront sans doute un jour aussi aux hommes. Je suis également vice-présidente du Réseau Entreprendre en Mayenne, où il y a là aussi cette vraie volonté de mixité.

Il y a donc de réels changements ?

N.H-L : Je suis confiante et tout cela bouge très vite. Il y a encore un an et demi, je n’aurais pas dit cela, mais je trouve que la situation évolue rapidement et dans le bon sens.

La société, elle aussi, évolue : on sent de vrais changements avec la révélation de problématiques de harcèlement. On parle beaucoup de parité et de mixité. De plus en plus d’hommes veulent du temps pour s’occuper de leurs enfants et plus de femmes travaillent de manière épanouie en se disant : « Pourquoi je ne créerai pas mon entreprise ? » Il est maintenant naturel, chez les nouvelles générations, qu’un homme soit salarié quand sa conjointe se lance dans l’entrepreneuriat, ce qui était moins le cas auparavant. C’est aussi une forme de reconnaissance statutaire qui fait que les choses avancent.

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