Mayenne
"Les entreprises qui perdureront sont celles qui donneront du sens à leurs actions"
Interview Mayenne # Réseaux d'accompagnement

Bruno Lucas président du Medef Mayenne "Les entreprises qui perdureront sont celles qui donneront du sens à leurs actions"

S'abonner

Eric Hunaut, devenu président de la Chambre de commerce et d’industrie de la Mayenne fin 2021, va céder sa place de président du Medef Mayenne lors de l’assemblée générale du 5 avril 2022. Seul candidat et ancien président, Bruno Lucas s’apprête à prendre la suite. Un homme d’expérience pour faciliter l’émergence de nouveaux cadres au sein de l’organisation patronale.

Bruno Lucas reprend la présidence dans l’idée d’assurer une continuité, et permettre à de plus jeunes responsables de prendre leurs marques au Medef de la Mayenne — Photo : ©Sylvain Malmouche

Vous avez été président du Medef de la Mayenne entre 2001 et 2007. Pourquoi ce retour ?

Eric Hunaut avait été élu pour six ans. Il était parti pour des projets de moyen terme et avait renouvelé son équipe au Medef. Mais au bout de deux ans, les circonstances ont fait qu’il a pris la présidence de la CCI. À partir du moment où on est président de CCI, on ne peut pas présider une organisation professionnelle. On a recherché comment assurer une continuité des missions. Dans la nouvelle équipe, beaucoup étaient d’accord pour s’engager plus, mais trouvaient que c’était trop tôt pour eux. Nous avons donc décidé de relancer avec quelqu’un qui avait déjà assumé le rôle. J’ai accepté de reprendre du service eu égard au passé : j’ai été président départemental pendant six ans, régional pendant six ans, membre du bureau national pendant trois ans. Je connais bien le fonctionnement de cette belle maison. Notre organisation fonctionne très très bien. Il s’agit d’assurer une continuité. Pour autant, on veut être porteur d’avenir, c’est pourquoi je vais travailler avec deux vice-présidents, pour ce mandat de trois ans. Ces vice-présidents ne seront pas là "au cas où", ils auront un rôle opérationnel. Il s’agit de Marielle Deniau, cogérante de Cargomatic (Bonchamp-lès-Laval) ; et d’Antonio Marques da Costa, PDG de MP3 PLV (Martigné-sur-Mayenne).

Avez-vous un programme, des priorités ?

Chez nous, il n’y a jamais de révolution… Mais nous pensons qu’il faut continuer à regrouper et fidéliser les chefs d’entreprise. Marielle et moi allons prendre en charge l’animation, apporter de l’information, briser l’isolement des jeunes chefs d’entreprise. Le volet communication est important. On doit faire connaître et faire aimer l’entreprise. On a peut-être un peu de retard concernant les réseaux sociaux, il faut accroître notre présence.

Un autre dossier sera de préparer l’évolution managériale de demain. Le département compte beaucoup d’entreprises patrimoniales. On vient de lancer Family Success, qui permettra d’intégrer des jeunes, pour qu’ils se rassemblent et travaillent ensemble.

Made in Mayenne est le think tank qui réunit les collectivités, les organisations patronales et le monde de l’enseignement. C’est un lieu d’échanges. C’est par exemple là qu’on a pu rapprocher les points de vue concernant l’offre de formations de l’UCO (Université catholique de l’Ouest). On veut être encore plus un interlocuteur des collectivités.

Qu’est-ce qui a changé dans le monde de l’entreprise depuis votre premier mandat de président ?

Bien sûr, il y a eu des évolutions technologiques, notamment avec les réseaux sociaux. Mais surtout, ce qui a changé, c’est l’approche des chefs d’entreprise et des collaborateurs. Les chefs d’entreprise s’occupent plus de RSE. Ils se préoccupent du sens de leur entreprise. C’est une évolution majeure. Les entreprises qui perdureront sont celles qui donneront du sens à leurs actions. Nous ne sommes plus à l’époque de Friedman où la raison d’être d’une entreprise était seulement de nourrir ses actionnaires. L’entreprise est un lieu d’épanouissement. Le bien-être au travail fait partie de notre rôle, c’est aussi une question d’efficacité.

Si cela semble évident aujourd’hui, pourquoi était-ce différent avant ?

Il y a 10-15 ans, si on évoquait cela, on était pris pour des hurluberlus. Les chefs d’entreprise sont aussi des citoyens, ont des familles. Tous ont pris conscience de la crise énergétique et des enjeux de la décarbonation. Ils voient les évolutions autour d’eux, les accompagnent, les anticipent. C’est comme le pari de Pascal : la plupart le font par conviction, sinon ce sera par nécessité. Et leurs collaborateurs sont plus performants s’ils voient du sens dans ce qu’ils font. Avant, un salarié consacrait sa vie à l’entreprise ; aujourd’hui, l’entreprise est un élément de sa vie globale.

Vous revenez à la présidence dans un contexte économique tendu. Quel message porterez-vous auprès de vos adhérents ?

Pour être chef d’entreprise, il faut être un optimiste réaliste. Ces dernières années, nous avons connu une succession de crises, puis de moments de mieux, puis de crises. Il y a eu les subprimes, les Gilets jaunes, le Covid… Je ne connais pas un chef d’entreprise qui m’ait dit que les dix dernières années ont été un chemin de roses. Oui, il y a un manque de matériaux, un déficit de main-d’œuvre, etc., mais il faut s’adapter. Parce que demain, il y aura une autre crise. Si on ne s’adapte pas, on meurt, et on entraîne tous les collaborateurs avec soi, et ça, on n’en a pas le droit ! Il faut aussi relativiser : ceux qui sont en Ukraine connaissent une crise autrement plus dramatique que ce qu’on vit.

Localement, c’est l’avantage d’être au Medef Mayenne. Nous avons plaisir à nous retrouver, à échanger, pour nous entourer de conseils.

Pouvez-vous présenter l’entreprise que vous dirigez ?

Le groupe Lucas exerce ses activités dans le bâtiment : du gros œuvre à la finition (peintures) en passant par les travaux d’installation d’énergie (plomberie, gaz), et l’isolation thermique par l’extérieur. Il dégage un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros et compte 1 000 collaborateurs, dans vingt sociétés réparties en Bretagne et Pays de la Loire. L’entreprise a 75 ans. Moi, j’en ai 62, et je la dirige depuis 1992. Depuis dix-huit mois, et d’ici le second semestre 2022, trois de mes quatre enfants auront rejoint l’entreprise pour travailler avec moi. L’objectif est qu’ils y grandissent, pour continuer ensuite.

Mayenne # Réseaux d'accompagnement