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Coronavirus - Gamecash et MediaClinic : « Avec la crise, notre stratégie n'est plus la même »
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Philippe Cougé fondateur des enseignes Gamecash et MediaClinic Coronavirus - Gamecash et MediaClinic : « Avec la crise, notre stratégie n'est plus la même »

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Les 55 magasins du réseau de franchise Gamecash, qui commercialisent des jeux vidéo d’occasion, ont tiré le rideau depuis le 17 mars, comme les 5 boutiques MediaClinic, spécialisées dans la réparation, le reconditionnement et la vente en seconde main d’écrans, smartphones et autres objets informatiques connectés. Les deux enseignes créées à Angers par Philippe Cougé sont implantées en France métropolitaine, dans les Dom Tom, en Belgique et au Maroc.

Philippe Cougé, fondateur de Game Cash et MediaClinic, est inquiet : selon lui, l'avenir des commerces indépendants est compromis — Photo : MediaClinic

Le Journal des Entreprises : Comment fonctionnent actuellement les enseignes Gamecash et MediaClinic ?

Philippe Cougé : À l’exception du magasin de Nouvelle-Calédonie qui a rouvert le lundi 20 avril, tous les points de vente des deux réseaux sont toujours physiquement fermés, en Métropole, dans les Dom Tom, en Belgique et au Maroc, ce qui représente 200 salariés, de même que le siège social à Angers, qui emploie 12 personnes. Pour Gamecash, nous avons créé depuis longtemps une place de marché avec un back-office à Angers. Dès le 17 mars, nous avons pu mettre nos produits en ligne, mais les 5 magasins MediaClinic sont à l’arrêt.

Que vous a permis la vente en ligne ?

Philippe Cougé : Nous avons maintenu environ 20 % de l’activité avec internet, qui représente habituellement 8 % seulement sur l’ensemble du réseau. Le confinement a mis à la maison des gens qui veulent des produits de seconde main. Tout est centralisé à Angers mais chaque magasin effectue ses envois, et seuls les gérants ou les franchisés travaillent. Les salariés ont donc été mis au chômage partiel. Avec mon épouse, nous avons assuré nous-mêmes la gestion du back-office et toutes les livraisons pour le magasin d’Angers, où nous avons aussi mis en place un système de « clic and collect » : les gens peuvent venir chercher un produit sur rendez-vous. Depuis le début du mois d’avril, nous envisageons et préparons la réouverture des magasins, prévue pour le 11 mai, suivant la législation.

Comment organisez-vous cette réouverture ?

Philippe Cougé : À Saint-Jean-de-Luz, la boutique MediaClinic devrait rouvrir cette semaine, uniquement sur rendez-vous pour des réparations d’urgence.

Les magasins Gamecash ont été équipés avec des règles sanitaires pour recevoir les clients dès la levée du confiinement — Photo : Gamecash

Ailleurs, dans tous les autres magasins des deux enseignes, nous avons mis en place des procédures de protection sanitaire. Pour protéger les équipes, nous avons installé des plexiglas sur les caisses et acheté des produits désinfectants, des gants, des lingettes et des visières pour les postes sensibles. Chaque collaborateur disposera de quatre masques en tissu lavables. Dans les enseignes MediaClinic, les appareils en réparation seront passés dans un four à 65° ce qui élimine les bactéries pour protéger les techniciens. Nous préparons aussi un affichage spécifique et un marquage au sol. Le redémarrage sera progressif, avec des horaires réduits, car nous ne pouvons pas nous permettre de reprendre avec tous les salariés et nous aurons encore du chômage partiel.

Dans quel état d’esprit êtes-vous ?

Philippe Cougé : Il y a trois semaines, je me disais qu’on ne s’en sortirait pas ! J’ai obtenu un prêt garanti par l’État avec ma banque et Bpifrance. On respire et j’entrevois une petite lueur au bout du tunnel. Avec ce PGE, on a de quoi essayer de redémarrer, mais l’avenir est très complexe. Avec la crise, notre stratégie n'est plus la même. Dans notre métier, les mois de juillet et août sont habituellement bons. Septembre reste faible, mais d’octobre à décembre l’activité est forte. Pour mai et juin, je n’ai aucune visibilité et je sais que ces mois vont être difficiles.

Quelle est actuellement votre activité ?
Philippe Cougé : Depuis le début de la crise, j’effectue un plein-temps comme jamais, en travaillant du lundi au dimanche. Avec mon épouse Véronique, nous sommes deux dirigeants multicasquettes : la gestion du e-commerce et du back-market prend 3 heures 30 à 4 heures par jour. Il a fallu aussi effectuer toutes les démarches administratives, trouver le gel désinfectant, les masques, préparer la réouverture, le reste du temps étant consacré à l’organisation de la reprise. Il faut également réfléchir à demain et il n’y a pas vraiment de temps pour l’introspection. Tout cela est stressant car on reste une petite structure.

Que craignez-vous pour Game Cash et MediaClinic ?

Philippe Cougé : Nous risquons d’être fragilisés : le chiffre d’affaires de la tête de réseau est de 1,2 million d’euros et nous avons fait le choix de ne pas percevoir deux mois de franchise des magasins en mars et avril. Je suis inquiet de ne pas pouvoir éventuellement garder tout le monde, pour nos boutiques récentes et celles qui sont encore fragiles. Dans le réseau, les plus importantes ne font que 100 000 euros de chiffre d’affaires par an. Les acteurs du marché de seconde main sont fragiles et nous allons avoir de la dette sur une faible rentabilité. Il va donc falloir accepter de se resurendetter sur du long terme, être en surperformance et considérer comme jamais chaque euro d’investissement.

Au-delà des aides obtenues, réfléchissez-vous à des solutions alternatives ?

Philippe Cougé : Dans le réseau Gamecash, nous avons plusieurs milliers de commandes par mois et environ 1,2 million de clients en France et en Belgique. Rien que pour le magasin d’Angers, ils sont 45 000. Nous allons peut-être essayer de fédérer la tribu des clients Gamecash en leur disant : « On a besoin de vous ! Si vous voulez qu’on se maintienne, il faut nous aider. » On peut envisager arrondir les prix à l’euro supérieur et conserver ces arrondis pour soutenir les magasins fragilisés. On peut imaginer aussi un crowdfunding pour la tête de réseau. Je ne voulais pas le faire mais nous avons reçu énormément de mails de soutien depuis le début de la crise qui peuvent nous y encourager, même si nous savons que nous ne serons pas les seuls à le faire.

Comment envisagez-vous l’avenir ?

Philippe Cougé : Dans l’immédiat, pour redémarrer dans le secteur du commerce indépendant, il va falloir être fort psychologiquement. Sur cet aspect psychologique, beaucoup auront besoin d’aide. Il va aussi falloir être créatif et agile, dans l’organisation, les horaires d’ouverture, trouver beaucoup de souplesse. Il y a certes des aides d’urgence, mais cela ne suffira pas. J’ai peur que les commerces indépendants soient les premières victimes de cette crise. Économiquement, cela va être très compliqué pour les commerces de produits culturels de proximité comme nous, comme les libraires ou les disquaires. Les effets ne se feront pas sentir dès le 11 mai mais dans quelques mois ou à la fin de l’année. Le comportement des consommateurs va être important aussi : sont-ils prêts à perdre ce tissu local de magasins indépendants ?

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