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Avec Paper Mill Industries, l’ex-papeterie Arjowiggins prépare son avenir
Enquête Sarthe # Industrie

Avec Paper Mill Industries, l’ex-papeterie Arjowiggins prépare son avenir

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Liquidée il y a 18 mois, l’ancienne papeterie sarthoise Arjowiggins de Bessé-sur-Braye a été reprise cet été par le groupe canadien Dottori via sa filiale Paper Mill Industries. Le nouveau propriétaire y injecte 25 millions d’euros sur cinq ans et annonce la création de plus de 200 emplois. La diversification des activités est en marche.

Liquidé en mars 2019, le site Arjowiggins de Bessé-sur-Braye a été repris en juin dernier par le groupe canadien Dottori, à travers sa filiale française Paper Mill Industries — Photo : Cédric Menuet - Le Journal des entreprises

L’annonce est tombée fin juin et figure sans aucun doute parmi les meilleures nouvelles de l’année 2020 en Sarthe. L’ancienne papeterie sarthoise Arjowiggins a en effet trouvé un repreneur et celui-ci est disposé à revitaliser ce site industriel implanté sur 45 hectares à Bessé-sur-Braye.

Cet homme providentiel, c’est le canadien James Dottori. À travers sa filiale Paper Mill Industries, son groupe va investir 25 millions d’euros sur place au cours des cinq prochaines années. « Notre maison mère n’a plus d’activité en Europe depuis 2017 et était en recherche d’opportunités sur place. Son président James Dottori souhaitait également se rapprocher de la France pour des raisons personnelles. Nous nous sommes donc intéressés à ce site de Bessé-sur-Braye qui, à l’exception de ses accès, présente beaucoup d’avantages. Il est grand, 45 hectares, d’un seul tenant et dédié à l’activité papetière, qui est l’un des métiers du groupe Dottori avec l’industrie forestière. Nous avons monté un dossier et créé Paper Mill Industries (PMI) pour présenter une offre de reprise aux liquidateurs », explique Pierre Petit, président de PMI.

Prononcée en mars 2019, la liquidation judiciaire des activités papetières d’Arjowiggins en Sarthe avait laissé 566 personnes sans emploi à Bessé-sur-Braye, alors que la seconde papeterie sarthoise du groupe, à Saint-Marc-la-Brière, était reprise par CGMP, une PME locale. Désormais propriétaire du site, PMI se propose de créer sous cinq ans entre 200 et 250 emplois à Bessé-sur-Braye, en donnant la priorité aux anciens salariés de l’entreprise. Avec un tel projet, les attentes sont fortes.

Des maisons en bois et le retour du papier

Paper Mill Industries compte en effet réindustrialiser l’ancien site Arjowiggins en y développant plusieurs activités distinctes. « Il y a plein de choses à faire sur place. Nous voulons tirer profit de son étendue pour créer plusieurs pôles et ne plus être mono activité afin de sécuriser les emplois et redynamiser le territoire », appuie Pierre Petit.

Le projet de PMI suit ainsi deux axes forts que son président entend concrétiser dès 2021. Tout d’abord, l’ancienne papeterie accueillera dans les prochains mois un atelier de préfabrication de maisons en bois. Des contacts sont en cours avec des constructeurs spécialisés pour une installation à court terme de cette activité qui devrait générer 120 emplois sous trois ans. L’ex-site Arjowiggins va également renouer avec la production papetière en intégrant dans les six prochains mois une unité de fabrication de pâte à papier, à base de textiles usagés. « Nous sommes en discussion très avancées avec de grandes maisons de luxe pour valoriser leurs invendus. Au 1er janvier 2021, elles auront en effet l’interdiction de les incinérer ou de les enfouir, et auront l’obligation de communiquer sur le destin de ces vêtements. » La pâte issue de cette fibre textile servira ainsi à la production d’un papier de luxe pour ces mêmes acteurs. Quant au surplus, il sera revendu afin de confectionner du papier de sécurité, dédié à la réalisation de passeports, cartes grises ou encore de titres de séjour. PMI compte également développer un atelier de fabrication de papier d’art sous des procédés artisanaux, en petites séries. Au total, ces activités de papeterie haut de gamme vont amener la création d’une centaine de postes au cours des trois prochaines années. « Ce sont des projets que l’on a lancés le plus rapidement possible compte tenu du contexte sanitaire actuel. Surtout, il s’agit d’activités sur lesquelles nous pouvions travailler seuls », souligne le président de PMI.

Projets de centres de formation

Car le repreneur ne manque pas d’idées pour revitaliser les anciens ateliers de Bessé-sur-Braye. L’entreprise porte en effet un projet de centre de formation à la conduite et à l’entretien d’engins de manutention. Celui-ci s’appuierait sur le matériel de l’usine et sur le lycée professionnel de Saint-Calais pour la dimension pédagogique. « Pour l’instant, la démarche est au point mort. Bien que les entreprises soient en recherche de personnels compétents, nous ne trouvons malheureusement pas de candidats à former. » Toujours dans le domaine de la formation, Pierre Petit réfléchit également à la valorisation des anciens laboratoires d’Arjowiggins et de leur matériel. « On peut tout à fait imaginer la création d’un campus sur place, d’autant que le site compte plusieurs maisons individuelles que l’on pourrait convertir en logements étudiants. Ce sont des réflexions à long terme. »

Fin de l’activité historique

Avec la création de ces différents pôles, PMI envoie donc à la corbeille la fabrication de papier couché destiné à l’impression, l’activité historique de l’usine. « C’est un marché en régression. Nous ne venons pas investir à Bessé-sur-Braye pour faire la même chose ! Nous voulons créer 250 emplois, sans pour autant être de bons samaritains. Pour remplir notre mission, nous avons choisi de nous positionner sur des fabrications de niche à haute valeur ajoutée », appuie le président de PMI.

Néanmoins, un autre projet existe, et milite pour relancer les deux anciennes lignes de production de papier du site. Portée par le collectif Action citoyenne pour l’intérêt général, cette alternative vise à fabriquer sur place du papier recyclé. Ces militants, menés par Nadia Mattia, attendent ainsi l’appui de l’État et des collectivités locales pour financer les 120 000 euros de l’étude de faisabilité de leur projet, condition sine qua non pour se voir ouvrir le portail de l’ancienne usine Arjowiggins.

Photo : Cédric Menuet - Le Journal des entreprises

« Je suis disposé à accueillir le projet de Nadia Mattia, à condition qu’il soit rentable et soutenu par des investisseurs. Il ne faut pas perdre de vue que le marché du papier recyclé est très concurrentiel au niveau international et demande d’importantes capacités de production », s’agace Pierre Petit. Pour les deux parties, tout l’enjeu repose sur le devenir des deux lignes de fabrication de papier. Des machines essentielles au projet porté par le collectif que préside Nadia Mattia, mais qui sont la propriété du fonds d’investissement irlandais Berivo. Bien que l’entreprise n’en ait pas l’usage, PMI devrait en faire l’acquisition courant 2021, en vue de leur revente. Néanmoins, leur démontage reste conditionné par le nettoyage et la dépollution du site. Quatre millions d’euros ont déjà été investis par le repreneur dans cette étape essentielle du projet de reprise, ce qui a permis d’évacuer du site 350 tonnes de déchets dangereux. « Nous devons achever cette phase avant tout lancement d’activité. Nous nous donnons encore six mois, l’objectif étant d’être prêts pour juin 2021. » En attendant, déjà une quinzaine de personnes s’affairent entre les murs de l’ancienne papeterie de Bessé-sur-Braye. Ingénieurs en charge de phosphorer sur les projets de PMI et personnels de maintenance pour maintenir le site en fonctionnement, la plupart sont d’anciens salariés d’Arjowiggins. Ils attendent à présent d’être rejoint dans un futur proche par leurs anciens collègues.

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