Stéphane Heit (CPME Grand Est) : « Il faut aider toutes les entreprises en leur permettant de travailler »
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Stéphane Heit président de la CPME Grand Est Stéphane Heit (CPME Grand Est) : « Il faut aider toutes les entreprises en leur permettant de travailler »

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Élu président de la CPME Grand Est en décembre, Stéphane Heit a déjà commencé à dérouler sa feuille de route. Engagé depuis plus de 20 ans à la CPME, l’avocat basé à Messein, en Meurthe-et-Moselle, sait que la crise sanitaire va imposer le rythme de l’urgence à son mandat.

Stéphane Heit est le nouveau président de la CPME Grand Est — Photo : © Jean-François Michel

Après la démission d’Étienne Malher, qu’est-ce qui vous a décidé à prendre la présidence de la CPME Grand Est ?

Stéphane Heit : Lorsque les dix présidents départementaux de la CPME dans le Grand Est sont venus me trouver pour assurer le mandat après Étienne Malher, j’ai dit « oui » à deux conditions. La première, c’était d’avoir l’unanimité des dix présidents. Car s’il n’y avait pas unanimité, je n’étais pas candidat. Je ne fais pas un enjeu personnel de ce poste, un autre candidat aurait pu assurer le travail. Deuxième condition, je voulais une équipe engagée, solide, prête à travailler, parce que pour être président d’une CPME dans une région de la taille du Grand Est, il faut pouvoir répartir les rôles et les compétences. C’est une des conditions de l’efficacité et je souhaite être efficace à mon poste.

Comment concevez-vous l’articulation entre le niveau départemental et la région ?

Stéphane Heit : Pour moi, la CPME Grand Est doit agir autour de deux axes. Il y a un axe politique, le deuxième étant l’accompagnement et le soutien aux départements. En ce qui concerne l’axe politique, il faut que la CPME soit plus visible et fasse entendre ses idées et ses positions. L’habitude consistant à interroger le Medef pour toutes les problématiques liées à l’entreprise existe toujours, mais la CPME doit faire entendre sa voix.

« Je regrette que nous ne soyons pas suffisamment consultés »

Nous avons chacun nos spécificités et je dois dire que j’ai toujours eu, même à l’époque où j’étais président de la CPME 54, comme objectif que l’entente soit cordiale avec le Medef. Sur le sujet du couvre-feu ramené à 18 heures par exemple, nous avons déjà pu faire entendre notre position dans les médias au niveau national. Les TPE-PME, c’est 99 % des entreprises françaises, et même si nous n’avons pas de volonté hégémonique, la CPME a vocation à rassembler, représenter et à défendre les TPE et les PME. Ce n’est pas une critique du travail du Medef, nous nous entendons très bien, mais nous avons chacun à représenter et à défendre des entreprises qui parfois peuvent être différentes.

Quelle est la place de l’échelon départemental dans votre schéma ?

Stéphane Heit : Le Grand Est, c’est la politique, la défense des positions, le relais entre la CPME nationale et les départements. Mais le président départemental est évidemment complètement libre de porter la voix de l’organisation. Il y a des positions nationales, des positions régionales mais aussi des positions départementales. Il n’est pas question que la CPME Grand Est remplace les départements, mais doit venir en appui. La CPME Grand Est doit être forte, lisible, visible, active, au profit des départements, pour qu’ils soient eux aussi plus forts, plus lisibles, plus visibles et plus actifs.

Le contact avec les élus locaux est-il important pour devenir plus visible ?

Stéphane Heit : Cela fait intégralement partie de notre axe politique. À tel point que, dans le bureau, j’ai fait nommer un vice-président qui est en charge des relations avec les institutionnels politiques et les administrations. Comme la plupart des institutions politiques et des administrations sont en Alsace, ce vice-président est alsacien. Il avait la compétence et la volonté de s’engager, il s’agit du vice-président de la CPME 68, Jean-Michel Haget. C’est essentiel : je ne peux pas être en permanence sur tous les fronts. Ce que je regrette, c’est que nous ne soyons pas suffisamment consultés. Les pouvoirs publics décident de ramener le couvre-feu de 20 heures à 18 heures, mais nous n’avons jamais été consultés sur le sujet. Il faut que les élus puissent prendre leurs décisions après concertation, après avoir un retour des conséquences de telle ou telle décision.

Il y a des enjeux électoraux cette année dans le réseau consulaire. Quelle est votre position ?

Stéphane Heit : Le renouvellement des élus de la CCI et de la Chambre de métiers fait évidemment partie de notre feuille de route. Au niveau de la CCI 54, des discussions ont déjà eu lieu pour l’élaboration d’une liste qui sera en partenariat avec le Medef. L’objectif est de maintenir la présidence CPME au niveau de la CCI Grand Est. Et pour ce faire, dans certains départements, comme en Meurthe-et-Moselle, il y aura des listes d’union. Dans d’autres départements, certains peuvent souhaiter avoir une liste CPME et une liste Medef. Chaque département est donc libre d’adopter la meilleure stratégie mais je souhaite que tout ceci se fasse avec l’échelon Grand Est pour que la stratégie puisse être menée de façon efficace. Dans le cas de liste d’union, il faudra que la liste soit équilibrée : nous estimons que nous avons autant de poids dans les départements que le Medef.

Voyez-vous arriver le gros des difficultés liées à la crise sanitaire ?

Stéphane Heit : Ça commence. Dans le secteur de la restauration, chez les petits commerçants, le ras-le-bol est là. Et au-delà des difficultés économiques, nous entendons de graves difficultés psychologiques. Certains dirigeants sont à bout : il y a déjà eu en France des suicides et il y en aura d’autres malheureusement. En Meurthe-et-Moselle, la CPME a mis en place une cellule d’écoute pour les entrepreneurs en difficulté. Il s’agit de groupes de parole, qui servent d’abord à échanger car il y a des situations de détresse psychologique de plus en plus importantes.

« Il faut maintenant envisager la création d’un prêt de restructuration »

Après le premier confinement, le déconfinement puis le reconfinement on a maintenant un couvre-feu à 18 heures et un potentiel, encore du niveau de la rumeur, troisième confinement qui fait peur à tout le monde… À un moment donné, il faut arrêter : nous sommes bien d’accord pour protéger les populations les plus fragiles, mais il faut trouver les bons moyens plutôt que de confiner toute la population.

Donc il faut notamment accélérer la vaccination ?

Stéphane Heit : Toutes les errances retardent la reprise. Notre président national, François Asselin, est monté au créneau en disant que dans les entreprises, nous étions prêts à faire le relais, comme, par exemple dans le cadre de ce qui est organisé pour le don du sang. Évidemment, nous n’allons pas obliger les salariés à se faire vacciner, ce sera sur la base du volontariat. Mais il y a des moyens, il y a des relais possibles dans les entreprises. Jean Rottner, le président de la Région Grand Est est le premier à dire que les élus régionaux ne sont pas consultés. Si les élus locaux ne sont pas consultés par le pouvoir central, vous imaginez bien que les représentants économiques le sont encore moins. Mais dans une crise sanitaire de cette ampleur, il faut aussi traiter la question économique. On ne va tout de même pas mettre à terre toute une économie : les corps intermédiaires ont leur rôle à jouer et s’ils sont aujourd’hui un peu plus consultés qu’ils ne l’étaient au début du mandat Macron, il y a encore du chemin à parcourir.

Le « quoiqu’il en coûte » commence à montrer ces limites. Craignez-vous que l’État finisse par choisir quelles entreprises pourront survivre ?

Stéphane Heit : Le choix ne doit pas être entre des entreprises qu’on aide et des entreprises qu’on n’aide pas. Je pense qu’il faut aider toutes les entreprises en leur permettant de travailler. Il faut arrêter avec le confinement, il y a d’autres façons de protéger les populations les plus fragiles. Il n’est pas question de dire qu’il faut les sacrifier, bien au contraire, mais il y a d’autres solutions que de confiner toute la population. Donc le premier objectif pour nous c’est de dire : « Nous voulons travailler ». Deuxième objectif : ceux que l’on va empêcher de travailler, il faut les aider. Et là, tout comme il est compliqué pour un soignant de choisir quel patient sauver, dire qu’il est possible d’aider certaines entreprises et pas d’autres, c’est un non-sens. Un outil comme le PGE par exemple, il va falloir le rembourser. La CPME demande que les échéances de remboursement soit décalées d’un à deux ans et pour les entreprises en difficultés, il faut maintenant envisager la création d’un prêt de restructuration dans lequel on pourrait mettre le PGE, les retards de paiement Urssaf, etc. C’est-à-dire restructurer la dette de l’entreprise dans le cadre d’un emprunt global qui pourrait être échelonné dans le cadre du remboursement jusqu’à 6, voire 10 ans.

La CPME a-t-elle prévu de mettre en place des outils anti-crise au niveau du Grand Est ?

Stéphane Heit : La CPME va s’associer au Groupement de prévention agréé (GPA) dans le Grand Est. Nous avons décidé de rentrer dans cette démarche puisque le GPA est prévu par la loi du 1er mars 1984 mais est toujours resté en sommeil. L’objectif est d’avoir des bénévoles, professionnels ou anciens professionnels, qui vont venir en appui aux entreprises en difficultés pour éviter des dépôts de bilan. L’outil fonctionne quel que soit le sujet concerné : finance, stratégie commerciale ou encore management. Le GPA Grand Est a été créé en 2017, le siège est en Alsace, mais le développement s’est accéléré avec le début de la crise sanitaire. Aujourd’hui, le président du GPA Grand Est souhaite que la CPME devienne acteur du dispositif pour ouvrir, dans chaque département du Grand Est, une délégation du GPA. C’est accompagné, favorisé par les pouvoirs publics puisque dans chaque département, les préfets soutiennent le dispositif.

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