Loire-Atlantique
Vincent Roux : «Le marché ne va pas accepter les mêmes produits qu’hier»
Interview Loire-Atlantique # Réseaux d'accompagnement

Vincent Roux : «Le marché ne va pas accepter les mêmes produits qu’hier»

S'abonner

Vincent Roux est dirigeant de la start-up de La Roche-sur-Yon O°code, qui est spécialisée dans la blockchain et cofondateur de l’agence digitale nantaise Intuiti. Il est aussi président de Réseau Entreprendre Atlantique. Il estime que la période instable actuelle pourrait être un accélérateur pour la vie économique en précipitant la chute d'entreprises déjà fragilisées sur des marchés en fin de vie et en accélérant le développement de celles qui apportent de l’innovation et des choses essentielles.

— Photo : Studio Garnier

Comment avez-vous vécu la période de confinement ?

Vincent Roux : Les 15 premiers jours ont été costauds. Avec le discours d’Emmanuel Macron, j’ai été comme abasourdi, assommé. Il a fallu rassurer les collaborateurs de O°Code (start-up de 11 salariés de La-Roche-sur-Yon spécialisée dans la blockchain) et de l'agence digitale Intuiti (41 salariés) dont je suis associé pour que la panique ne nous détourne pas de nos objectifs, ce qui n’est pas évident quand on est soi-même dans l’émotion. Il a fallu être attentif à garder le lien humain avec les collaborateurs, garantir leur intégrité physique et morale, puis multiplier les contacts réguliers aussi avec les clients, voir comment on pouvait les aider. Cela a été extrêmement dense, des journées très longues avec énormément de coups de fil, de visioconférences, de mails. J’étais collé au téléphone en permanence. On imaginait quelque chose et le soir même c’était remis en question par une annonce du gouvernement. On devait se réadapter tous les deux jours.

Quel impact cela eu sur les deux sociétés que vous pilotez ?

Vincent Roux : Au bout de 15 jours, on y voyait plus clair. Tous les salariés ont été placés en télétravail. Ce n’était pas un problème, on a de la chance d’être dans le numérique, les mails, les visioconférences, c’était déjà dans nos gênes. Chez l’agence digitale Intuiti ou chez la start-up O° code , notre activité a subi un impact mesuré. Au départ, nous avons voulu mettre tous les salariés de O° code en chômage partiel par précaution, notre activité étant coupée dans son élan. Mais nous avons limité la demande à la deuxième quinzaine de mars pour travailler sur nos produits. Finalement, O° code a gagné un beau projet ( NDLR : elle sécurise l’affectation des aides dans le cadre du Plan Vélo du Gouvernement) et on fera mieux que prévu. Il a même fallu donner des primes pour le temps de travail supplémentaire.

En tant que président de Réseau Entreprendre Atlantique, vous avez été témoin de la réaction des jeunes entreprises. Comment leurs dirigeants ont vécu cette période instable ?

Vincent Roux : Les équipes de Réseau Entreprendre ont rappelé chacun des lauréats pour voir s’ils avaient besoin d’aide. On a suspendu les remboursements de prêts pendant 3 mois. Tous les dirigeants n’ont pas vécu ce confinement de la même façon. Il y en avait qui étaient tétanisés, d’autres très optimistes. On a donc pris le soin de leur demander des indicateurs objectifs pour nous assurer que le danger était bien évalué. L’État a tellement mis l’économie sous perfusion que du coup, cela a été comme un shoot de morphine.

Qu’est-ce que vous pensez que cette période peut changer sur l’activité économique ?

Vincent Roux : Le marché ne va pas accepter les mêmes produits qu’hier. Il va falloir être profondément utile à la vie économique. On ne sera pas reçu pour vendre des produits ou des services non essentiels. Personnellement, je me dis que la période va être un accélérateur. Cela précipitera la chute d’entreprises déjà fragilisées sur des marchés en fin de vie et cela va accélérer le développement de celles qui apportent de l’innovation et des choses essentielles. Il y a en outre un climat insurrectionnel important. La période a encore accru cette rupture entre les élites, les cols blancs et tous les métiers de terrain, ces métiers que peu de gens rêvent de faire, parce que souvent difficiles physiquement, parfois moralement, mal payés et surtout très mal considérés. Ce confinement a montré leur utilité absolue. Sans eux, il n’y a rien qui fonctionne. Je voudrais trouver un moyen pour remettre en avant ces gens-là. Ce manque de considération actuel n’est pas acceptable. Il va falloir que nos élites et nous aussi, dirigeants, fassions le maximum pour nous assurer que chacun jouisse de la dignité qu'il mérite

Loire-Atlantique # Réseaux d'accompagnement