Cadr'Avenir : "Le candidat idéal existe de moins en moins" 
Interview # Industrie # Ressources humaines

Dominique Josnin associé "Le candidat idéal existe de moins en moins"

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Cadr’Avenir est un cabinet de recrutement nantais, régulièrement classé parmi les meilleurs du grand ouest. Il vient de boucler une année record sur un marché du recrutement en pleine ébullition. Sa spécialité : les profils au potentiel caché et une connaissance parfaite de son territoire économique. Entretien croisé avec Gilles Foëx, président, et Dominique Josnin, associé de Cadr’Avenir.

Dominique Josnin, associé, et Gilles Foëx, président de Cadr’Avenir, recherchent le potentiel caché des candidats — Photo : David Pouilloux

La Région Pays de la Loire est en très bonne santé économique. Beaucoup de secteurs d’activités sont en tension sur le plan du recrutement. Le constatez-vous ?

Gilles Foëx : Actuellement, le marché du recrutement est en pleine ébullition, c’est indiscutable. Tous les secteurs sont en tension, en région Pays de la Loire. Les entreprises manquent de candidats. Elles ont besoin d’intermédiaires.

Dominique Josnin : En période de crise Covid, peu de candidats veulent bouger, quitter leur entreprise. Cela ne veut pas dire qu’ils n’en ont pas envie, mais le contexte les fige. En même temps, c’est une période de remise en question où les candidats s’interrogent. Quand ça repart, on leur propose des postes qui ne correspondent pas forcément à leur parcours initial. Et pour les convaincre de venir, on a besoin d’énormément de billes, d’informations précises, d’où l’intérêt de notre ancrage fort sur le territoire. Côté client, nous nous déplaçons, on visite la société, l’usine. Nous rencontrons toutes les personnes concernées par le recrutement. On s’imprègne de l’environnement dans lequel notre candidat va travailler. On veut être le porte-parole de l’entreprise. Et après un recrutement, nous allons voir sur place comment ça se passe, y compris plusieurs années après.

Cette façon de voir les choses, avec des changements d’univers professionnel en particulier, et cette proximité avec le client et le territoire, est-ce la marque de fabrique de Cadr’Avenir ?

G. F. : C’est en effet dans notre ADN. À la naissance du cabinet, il y a 18 ans, nous nous sommes spécialisés dans le secteur textile, mode, luxe. Localement, les industries de la chaussure et du textile prenaient de plein fouet les effets de la mondialisation. Elles avaient besoin d’évoluer pour ne pas disparaître. La délocalisation des usines était en cours, d’abord au Maghreb, puis en Asie. Le poste de directeur de production local, par exemple, n’avait plus de raison d’être. Il fallait apporter de nouveaux métiers, du marketing, de merchandising, des achats. Contrairement aux acteurs de la chaussure, qui ont disparu en grand nombre, les acteurs du textile français ont su prendre le pas, et ils ont eu besoin de recruter de nouveaux talents venus d’autres secteurs.

Où avez-vous trouvé ces nouveaux talents ?

G. F. : Nous sommes allés chercher des profils dans le domaine des cosmétiques, des gens qui connaissaient l’international, le marketing, qui pouvaient apporter cette culture-là à la mode. Les uns et les autres disaient "ils ne connaissent pas notre métier, ça ne marchera pas." En dépit des réticences, nus avons accompagné avec succès cette mutation industrielle sur notre territoire pour de gros acteurs locaux. Aujourd’hui encore, ça pèse 30 % de notre chiffre d’affaires. Nos premiers clients nous sont restés fidèles.

Quelle leçon en tirez-vous pour recruter aujourd’hui et demain ?

G. F. : Nous continuons de fonctionner de cette manière. Autrefois, une entreprise disait "je suis L’Oréal", "je suis Michelin", et elle attirait les talents à la sortie des écoles. C’était l’effet de la marque employeur. Aujourd’hui, ça ne marche plus. Le rapport de force s’est inversé. Il faut aller chercher les gens, les séduire, les convaincre d’intégrer une entreprise où ils pourront pleinement y trouver leur compte.

D. J. : Changer de poste, d’entreprises, c’est un changement de vie. Le candidat donne sa démission, déménage, et demande à son conjoint, ou sa conjointe, de le suivre, les enfants changent d'école. En moyenne, nos candidats doivent faire 110 km entre le poste qu’ils occupaient et celui que l’on propose. Changer de poste à une incidence très forte sur la vie de famille et peut générer de la frilosité, voire un abandon. Le recrutement n’est pas une science exacte. Il est important, pour le motiver, de montrer que le poste qu’on lui propose lui apportera en particulier quelque chose de nouveau.

Quelle est la spécialité de Cadr’Avenir ?

G. F. : Les profils avec un potentiel caché. Quand une entreprise dit "je veux tel type de candidat, avec tel profil, tel parcours", nous les invitons aussi à s’ouvrir à d’autres profils. On crée de l’intérêt vers d’autres types de candidats. On leur dit qu’il y a une part de risque, dans le sens où ce n’est pas le candidat auquel ils pensaient au départ, mais que celui qu’on leur propose sera vraiment très intéressé. Une entreprise peut difficilement lire le potentiel de certaines personnes qui n’ont pas le profil type, le diplôme qui va bien, l’expérience adéquate. Nous sommes là pour les aider à y voir clair.

D. J. : Dans cette période de tension sur le recrutement, les entreprises ont besoin plus que jamais de cette expertise que nous proposons : débusquer le potentiel de quelqu’un. C’est quelque chose qui n’est pas visible, c’est une capacité à faire. Il faut de la créativité dans le recrutement. De nombreuses personnes veulent changer de métier, de secteur d’activité et sont de très bons candidats pour des postes différents de ceux qu’ils occupaient avant, car ils ont les compétences nécessaires et surtout l’envie, un élément déterminant de la réussite d’un recrutement.

Élodie Guillard, consultante et Marie Guilbert, responsable du pôle recherche, de Cadr’Avenir — Photo : David Pouilloux

Beaucoup de cabinets ont une durée de vie courte. Qu’est-ce qui fait la force de votre cabinet pour durer aussi longtemps ?

G. F. : Nous sommes un petit cabinet. Nous sommes six et faisons cette année 900 000 euros de chiffre d’affaires, notre record. Ce qui fait notre particularité et notre force, c’est que nous venons tous d’horizons différents, où nous avons acquis une expertise. Personne avant d’intégrer Cadr’Avenir ne venait du recrutement. Notre collaboratrice Élodie Guillard a été dix ans journaliste avec une spécialisation dans le domaine agricole. Elle a une connaissance du marché de ce secteur, des acteurs économiques et politiques. Nos clients apprécient la connaissance que l’on a de leur métier, connaissance acquise dans le cadre d’une expérience précédente. Nous avons cette capacité à aller chasser des candidats qui viennent d’autres horizons, comme nous. On sort des sentiers battus. Beaucoup d’entreprises disent : " je veux un candidat comme ça, trouvez-le-moi. " Mais ce candidat idéal existe de moins en moins.

D. J. : On ne cherche pas à faire du volume, avec beaucoup de missions, beaucoup de candidats. Ce n’est pas notre truc. On n’est pas dans une relation client-fournisseur, mais davantage dans l’accompagnement. Nous, nous partons du poste, du métier de notre client que l’on apprend à connaître, et on cible la bonne personne. Pour un poste, nous étudions 100 à 150 profils (CV, approche directe, sourcing, base de données, réseaux sociaux, etc.) pour proposer une short-list ciblée. On recrute, on conseille, mais on ne décide pas. C’est notre client qui décide, et aussi le candidat.

Avec qui travaillez-vous ?

D. J. : Nos clients font appel à nous quand c’est compliqué ou confidentiel. Principalement pour des techniciens de haut niveau, des cadres ou des dirigeants, que ce soit pour des TPE, des PME ou des grands groupes. Nous avons la réputation d’être un cabinet discret et nous ne dévoilons pas le nom de nos clients ni celui de nos candidats.

G. F. : Nous sommes présents dans les secteurs du textile, de l’industrie, du bâtiment, en particulier. Nos clients sont principalement dans le grand ouest, mais nos candidats viennent du monde entier. Bien sûr, à l’avenir, nous souhaitons développer notre portefeuille de clients, recruter pour les nouveaux métiers et coller au marché. Mais on tient aussi à densifier notre expertise, rester fidèle à nos clients et maîtriser notre croissance.

Quelles sont les tendances qui se dégagent aujourd’hui dans le recrutement ?

D. J. : L’une des plus importantes est celle-ci : les carrières longues, qui durent 10, 20 ou 30 ans, au même poste ou dans la même entreprise disparaissent. Les entreprises savent aujourd’hui qu’ils vont recruter pour 4 ou 5 ans, et non pour davantage. Par ailleurs, le changement de métier n’est plus aussi mal vu. C’est désormais vécu et perçu comme une capacité à s’adapter, et non comme une instabilité. Celui qui change de travail, vers la cinquantaine, par exemple, sera soutenu par sa famille. On est beaucoup moins sur l’idée de faire carrière, mais plutôt de mener à bien des projets professionnels.

G. F. : En France, le problème numéro un, c’est la mobilité. Les gens ont du mal à quitter leur ville et leur entourage. Ce n’est pas le cas aux États-Unis, par exemple.

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