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Philippe Jolivet (UE35) : « Passer de la déclaration d'amour aux actes »
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Philippe Jolivet (UE35) : « Passer de la déclaration d'amour aux actes »

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Philippe Jolivet, président de l'UE 35, l'Union des entreprises d'Ille-et-Vilaine, livre son analyse sur la conjoncture. Les entreprises bretilliennes font le dos rond. Aucun secteur ne tire son épingle du jeu, hormis quelques réussites dans les TIC et l'agroalimentaire ; le BTP trinque.
— Photo : Le Journal des Entreprises

Q
uid du moral des entrepreneurs que vous représentez en Ille-et-Vilaine ? De façon générale, le moral des entrepreneurs reste identique à celui de l'an dernier, c'est-à-dire inquiet et perplexe. Inquiet parce que les signes de reprise ne se font pas sentir ; perplexe parce qu'il n'y a aucune visibilité quant aux réformes annoncées. Un exemple sur cette absence de visibilité : on nous a parlé de simplification, nécessaire pour nos entreprises et la vie de chacun d'entre nous (et l'UE 35 contribue à donner des exemples concrets recueillis auprès de nos adhérents). Or, nous avons pris connaissance ce mois-ci des décrets sur le sujet de la pénibilité, confirmant et mettant en place des règles inapplicables, surtout pour nos TPE et PME. D'un côté, on nous parle de simplification, et de l'autre, la technostructure met en place des dispositifs d'une complexité absolue et qui frisent l'absurde. Tout ceci est un surcoût qui ne profite à personne.




La crise est-elle derrière nous ou sommes-nous en convalescence ?
J'espère que nous sommes en phase de convalescence. Un grand nombre d'entreprises ont déjà fortement souffert et certaines ne pourront plus résister très longtemps. Les réformes demandées deviennent de plus en plus urgentes. Il est temps de passer de la déclaration d'amour aux actes. Combattre la crise et redresser notre pays relève du devoir de chacun. Nous devons laisser aux vestiaires nos postures, et n'avoir qu'un seul objectif : retrouver la croissance pour notre pays et nos entreprises, créatrices d'emplois.






Quels secteurs ont le mieux tiré globalement leur épingle du jeu en 2014 ?
Comme nous le disions, les entreprises sont dans l'ensemble très inquiètes pour leur avenir. Pour autant, celles qui ont cherché des pistes à l'export semblent mieux armées face à la crise. Si aucun secteur n'a véritablement « tiré son épingle du jeu », nous avons vu de belles réussites dans le domaine des TIC ou de l'agroalimentaire. Nous rencontrons régulièrement de jeunes chefs d'entreprise, hommes et femmes, qui se lancent et qui réussissent. Dans cette ambiance morose, c'est un véritable encouragement pour nous tous. Par ailleurs, une étude de l'Insee nous apprend que plus de la moitié des entreprises de plus de dix salariés (53 %) ont innové entre 2010 et 2012 dans l'Hexagone. Ce chiffre est stable par rapport à 2008 (54 %). Il peut s'agir de la création d'un nouveau produit ou de l'amélioration d'un procédé de production. Cette étude montre que 25 % des entreprises exportatrices ont introduit un nouveau produit sur le marché contre seulement 8 pour les autres. Nous avons cette force en Ille-et-Vilaine qu'il nous faut développer et accompagner.






Et ceux qui connaissent le plus de difficultés ?
Sans hésiter, je pense à la filière du bâtiment et des travaux publics. Ils dépendent fortement de la commande publique qui est en panne, et des mesures en faveur du logement. Il s'en suit une déflation des prix qui dégrade la marge de ces entreprises et les fragilise. L'initiative du conseil général de consacrer 30 millions d'euros pour aider cette filière apparaît heureuse ; nous en attendons désormais la mise en pratique.






Quelles perspectives voyez-vous à court et moyen terme, et quelles conditions à un véritable démarrage ?
Une perspective favorable dépend en grande partie du pays, à savoir se réformer en profondeur. Nous voulons tous une réforme, mais pour les autres. Ces réformes sont aujourd'hui incontournables et urgentes. Cela nécessite une constance dans les décisions et les messages envoyés. Nos entreprises ont besoin de connaître les règles fiscales à moyen terme, les règles sociales simples pour tous, tant pour le chef d'entreprise que pour ses salariés. Tout simplement il est nécessaire d'avoir une vraie lisibilité pour l'avenir et ne pas remettre systématiquement en cause la réforme de son prédécesseur. Nos entreprises comme nos concitoyens ont besoin de retrouver confiance en l'avenir et de connaître le cap choisi. Concernant la dépense publique, on doit se donner l'objectif collectif de rester à 1.200 milliards d'euros sur les trois ou quatre années à venir. Le budget 2015 est un reflet insuffisant de la volonté affirmée du gouvernement de réformer le pays.

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