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Priscilla Saunier (Maisonneuve) : « Ce n’est pas dans les bureaux qu’il faut prendre des décisions »
Interview Lille # BTP # Management

Priscilla Saunier dirigeante du groupe Maisonneuve Priscilla Saunier (Maisonneuve) : « Ce n’est pas dans les bureaux qu’il faut prendre des décisions »

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Après 16 années à La Poste, Priscilla Saunier a pris en 2016 la direction du groupe Maisonneuve (90 salariés), un constructeur de maisons individuelles basé à Villeneuve d’Ascq (Nord). Sa première action en tant que dirigeante a été de redéfinir la politique managériale du groupe, sur la base du lean management.

— Photo : Groupe Maisonneuve

Le Journal des Entreprises : Vous avez pris la direction du groupe Maisonneuve après une carrière à La Poste. Qu’est-ce qui vous a conduit à l’entrepreneuriat ?

Priscilla Saunier : J’ai travaillé durant 16 ans pour La Poste, en tant que manager opérationnel. J’ai dirigé des plateformes industrielles de 300 à 700 personnes, ainsi que la zone Seine-et-Marne, pour la partie courrier et colis. Durant ces années, j’ai développé des compétences liées à la direction d’une société. J’ai fini par me mettre dans un coin de la tête que ce serait bien d’avoir une entreprise. Je me suis d’ailleurs rapprochée du Réseau Entreprendre, pour accompagner des porteurs de projet. J’ai aussi rejoint le conseil d’administration de Maisonneuve, dont mon père est actionnaire, mais sans avoir en tête de diriger un jour ce groupe. En 2016, quand le précédent dirigeant est parti, mon père est venu me chercher.

Ne pas connaître ce secteur a-t-il été un frein ?

P. S. : Non, je suis très vite tombée amoureuse de cette entreprise. Vous savez, vendre des stylos, ça ne me passionnerait pas. Mais je trouve ça formidable de réaliser des maisons : c’est une étape très importante dans la vie de chacun. Et puis ma famille est originaire du Nord depuis plusieurs générations : après un passage en Seine-et-Marne, construire des maisons en brique rouge, c’est un peu ma madeleine de Proust… Et je connaissais déjà les valeurs humaines de l’entreprise pour avoir participé au conseil d’administration : je me suis dit que ça allait marcher.

Qu’avez-vous apporté au groupe durant ces deux premières années en tant que dirigeante ?

P. S : Je me suis appuyée sur mon expérience précédente pour faire évoluer Maisonneuve. A La Poste, nous avions des bureaux d’études avec des ingénieurs performants en organisation du travail, mais dès qu’il fallait faire appliquer leurs décisions sur le terrain, c’était compliqué, car ça n’était pas pensé avec l’équipe. Or, c’est celui qui porte la chaussure qui connaît l’endroit où ça fait mal… J’ai réalisé qu’en partant du terrain, on allait bien plus vite dans la transformation. C’est devenu depuis ma philosophie managériale : ce n’est pas dans les bureaux qu’il faut prendre des décisions, mais sur le terrain.

« C’est celui qui porte la chaussure qui connaît l’endroit où ça fait mal… Autrement dit, en partant du terrain, on va bien plus vite dans la transformation. »

Chez Maisonneuve, nous sommes passés d’une organisation centralisée à un éclatement des équipes, qui fonctionnent en centres autonomes de décision. L’idée est de leur donner une plus grande liberté et réactivité, pour répondre aux attentes des clients. Il s’agit de ne rien s’interdire et de lever les verrous psychologiques comme ceux liés au « on n’a jamais fait comme ça ». Chaque salarié a des envies et des idées pour faire avancer l’entreprise : il peut les proposer mais aussi les tester.

Comment cette vision se traduit-elle sur votre quotidien de dirigeante ?

P. S : En arrivant dans l’entreprise, j’ai passé deux mois à réaliser des entretiens avec les salariés, d’une à plusieurs heures. J’ai demandé à chacun sa vision de l’entreprise, de ses forces, faiblesses, opportunités et menaces. Ça m’a permis de dresser un bilan que j’ai restitué à l’équipe lors d’un barbecue. Il nous a permis de mettre en place une dynamique de transformation. Aujourd’hui, je passe 50 % de chaque mois en mode "Vis ma vie" sur le terrain, pour m’assurer des bonnes conditions de travail : sur les chantiers, dans les réunions d’agences, en facturation, etc.

Ces changements ont-ils été faciles à mettre en œuvre ?

P. S : Beaucoup de salariés ont pensé qu’on allait réussir. Quelques-uns étaient réfractaires : soit ils attendaient de voir, soit ça n’était pas dans leur nature de prendre des initiatives… Mais nous avons réussi à embarquer tout le monde.

« Un système de management qui comporte un droit à l’initiative doit aussi comporter un droit à l’erreur. »

Bien sûr, il y a eu des erreurs et c’est normal. Un système qui comporte un droit à l’initiative doit aussi comporter un droit à l’erreur. Elles permettent au salarié d’apprendre, de grandir et nous les partageons pour que l’entreprise grandisse elle aussi. Le tout est de fixer une ligne de flottaison : tous les salariés doivent savoir à quel moment leurs erreurs peuvent impacter la santé de l’entreprise. Pour cela, nous sommes très transparents en interne sur les chiffres.

Et côté réussites ?

P. S : A l’initiative des salariés, l’offre client a évolué. Certains ont eu l’idée de mettre en place une maison showroom, à Lens, avec l’ensemble des matériaux que nous proposons, pour permettre aux clients de les voir. Une autre équipe a pris l’initiative de créer une gamme de maisons premium, qui a été lancée en septembre 2017. Cette organisation a aussi eu un impact significatif sur la rentabilité et sur le chiffre d’affaires, qui a augmenté de 34 % en année 1 et de 22 % en année 2.

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