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"Nous sommes prêts à accueillir nos 250 salariés ukrainiens et leurs familles à Hazebrouck"
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Frédéric Lener dirigeant de Lener Cordier "Nous sommes prêts à accueillir nos 250 salariés ukrainiens et leurs familles à Hazebrouck"

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L’entreprise de confection textile Lener Cordier, basée à Hazebrouck (Nord), compte depuis 2004 un atelier dans l’ouest de l’Ukraine. Son dirigeant Frédéric Lener suit au jour le jour l’évolution de la situation, et cherche à venir en aide à ses 250 salariés et leurs familles.

Les ateliers français de Lener Cordier, à Hazebrouck (Nord), comptent 85 salariés. L'entreprise de confection emploie également 250 personnes au sein de sa filiale ukrainienne — Photo : Jeanne Magnien

Les liens de Lener Cordier (325 salariés, 19 M€ de chiffre d'affaires en 2019) avec l’Ukraine sont très forts. Comment vivez-vous la situation et comment suivez-vous les évènements sur place ?

Frédéric Lener : Personne, ici comme là-bas, ne s’attendait à une attaque d’une telle ampleur. Elle a pris tout le monde de court. Nous sommes évidemment très inquiets pour nos salariés sur place, la situation est très confuse. Nous avons un bureau à Kiev avec une quinzaine de personnes, dont la plupart ont fui vers l’ouest du pays, mais certains ont voulu rester sur place. Notre atelier de confection est quant à lui situé à Rivne, à l’ouest de l'Ukraine, dans une zone pour le moment préservée. On sent une volonté de maintenir un semblant de normalité. Tous nos salariés ont choisi de continuer à venir travailler depuis le début de l’offensive, le 24 février. Le week-end dernier, les équipes sont allées à l'atelier fabriquer des filets de camouflage pour les hommes qui se préparent au combat.

Depuis la France, que pouvez-vous faire ?

Frédéric Lener : Nous essayons de nous montrer solidaires et responsables. Nous suivons de près la situation. Dès le début du conflit, nous nous sommes rapprochés de la mairie d’Hazebrouck, pour commencer à organiser un éventuel accueil de nos salariés et leurs familles. Il est tout à fait possible de les accueillir ici, s’ils le souhaitent, et si les conditions de circulation le permettent. Elles sont pour le moment très difficiles. Une de mes salariées a quitté Kiev depuis plus de 24 heures pour essayer d’atteindre la Pologne, aux dernières nouvelles son train est arrêté au milieu de nulle part. Par ailleurs, nous avons actuellement des camions disponibles ici au siège, nous essayons de les remplir de produits de première nécessité pour les faire repartir vers l’Ukraine. Nos salariés nous ont adressé une liste des produits qui commencent à leur manquer, nous sommes en train de nous rapprocher de différents partenaires, à Hazebrouck et au-delà, pour en rassembler le plus possible. Nous pouvons assurer la logistique, mais nous ne pourrons pas tout fournir à nous seuls.

Et du point de vue de l’activité de l’entreprise, quels sont les effets du conflit et les perspectives s’il devait durer ?

Frédéric Lener : Nous avons surmonté la crise du Covid, nous surmonterons la crise en Ukraine. Mais cela nous replonge dans un climat d’incertitude très fort, et de manque de visibilité. Pour rester pragmatique, il ne semble pas y avoir de volonté de la part des Russes, pour le moment, de détruire l’outil industriel ukrainien. On peut penser que l’économie va continuer à tourner, dans les zones épargnées par le conflit à tout le moins.

Mais des problèmes se posent déjà : nous attendions des livraisons depuis l’Ukraine, les camions sont prêts à partir, mais nous n’avons plus de chauffeurs puisque les hommes ne sont pas autorisés à quitter le pays. Plus globalement, 80 % de nos collections sont confectionnées en Ukraine. Nous sommes actuellement dans une période de creux en termes de production, mais nos carnets de commandes sont pleins pour 2022 et la confection pour l’hiver prochain devait bientôt démarrer. Pour le moment, il est impossible d’acheminer des matières premières jusqu’à notre usine. Nous ne pourrons pas transférer toute la production en France, pour des questions de logistique et de coûts. Il va sans doute falloir trouver d’autres ateliers en Europe. Mais depuis le Covid, ils sont déjà très sollicités, et la guerre va rendre la situation encore plus tendue. Nous avons nos clients tous les jours au téléphone pour les tenir au courant de la situation, en toute transparence, en attendant d’en savoir plus sur la situation sur place.

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