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François Bouy (LMC) : "Des bureaux vides, il y en a partout !"
Interview Nord

"Des bureaux vides, il y en a partout !"

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Dirigeant de l’entreprise LMC (200 salariés, env. 60 M€ de CA), un grossiste en quincaillerie implanté à Bondues, François Bouy a mis des locaux vacants à la disposition de six familles à la rue, avec le soutien de l’association solidaire Souffle du Nord. Un hébergement provisoire qui leur permettra de passer l’hiver au chaud, et une expérience qui ne demande qu’à être dupliquée.

Les bureaux vacants mis à disposition par François Bouy, à Bondues, accueillent déjà six familles avec enfants — Photo : Jeanne Magnien

Comment l’idée d’ouvrir vos locaux à des familles vous est-elle venue ?

Je suis proche de l’association Souffle du Nord depuis l’origine, et je suis toujours leurs actions de près, même si je n’ai plus de fonction au sein de l’association. Ils sont très actifs sur la question du mal logement, avec le mouvement "Plus personne à la rue", qui a donné naissance aux Bureaux du Cœur, par exemple. Et c’est fou de se dire qu’en 2024, 4 000 personnes dont des enfants, dorment dehors rien que sur le territoire de la Mel. Je suis persuadé qu’on peut faire beaucoup, en tant que chef d’entreprise, pour aider les plus démunis. Au-delà du financier, on peut prêter du matériel, des véhicules, voire des locaux… Dans mon cas, j’avais 350 m² de bureaux, libérés par leur occupant en juillet dernier. Comme je ne savais pas ce que j’allais en faire, j’ai proposé au Souffle du Nord d’y installer un hébergement provisoire, pour six mois a priori. De son côté, la mairie de Lille a un certain nombre de familles à loger en urgence, mais sans avoir les infrastructures disponibles. Nous avons donc tous travaillé ensemble, et en à peine dix jours, les principales difficultés ont été surmontées. Les premières familles sont arrivées le 12 décembre. Début 2024 nous accueillons 27 personnes, dont 17 enfants. Ils seront bientôt 36. Pour moi qui pensais n’avoir que 4 ou 5 personnes ici, c’est vraiment incroyable de voir ce lieu, un open space à la base, prendre vie comme ça.

Vous évoquez des difficultés, de quel ordre ont-elles été ?

Surtout administratives ! Il a fallu changer la destination des locaux pour pouvoir loger ces gens. Ça a pu paraître compliqué, mais avec la force du nombre, nous y sommes arrivés. Les mairies de Bondues et de Lille ont été très aidantes sur le plan administratif, et nous avons inventé des solutions à tout. Il y a un assureur dans le collectif qui a accepté d’assurer les locaux et leurs nouveaux occupants. Il faut qu’il y ait en permanence quelqu’un sur place, donc les familles organisent un roulement pour qu’il y ait toujours une présence… Ça limite les frais de gardiennage, même s’il faut maintenir une surveillance incendie la nuit. Ensuite, il a fallu équiper les locaux, trouver des lits, des meubles, de l’électroménager, etc. Tout a été donné, en un temps record, par des entreprises partenaires du mouvement. Mes salariés se sont portés volontaires pour venir monter les éléments de cuisine un samedi, ça a été un moment extraordinaire avec tous les enfants qui voulaient aider. Et le monde arrivant, il a fallu installer de nouveaux sanitaires, en posant un préfabriqué dans l’entrepôt. Là encore, le matériel et la logistique ont été fournis par des partenaires, gratuitement.

Et comment la vie sur place s’organise-t-elle depuis ?

Il y a eu des ajustements à faire. Mais dans l’ensemble, tout se passe très bien. Les familles qui ont choisi d’être là sont soulagées d’avoir un toit, et prennent grand soin des lieux. Elles sont accompagnées au quotidien par les travailleurs sociaux, mais sont très autonomes. Elles ont écrit leur propre règlement intérieur, prennent au sérieux leurs différentes obligations… C’est tout l’objet du projet : établir un précédent pour montrer que c’est faisable, et duplicable. Des locaux vides, il y en a partout ! Ce qu’il faudrait, c’est un coup de pouce législatif pour simplifier les démarches, et permettre d’avoir un crédit d’impôt sur le loyer non-perçu, par exemple. Ça pourrait motiver des dirigeants à sauter le pas.

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