Hauts-de-France
Corbi : "Nous maintenons notre objectif de 100 % de gaz vert sur le réseau des Hauts-de-France en 2050"
Interview Hauts-de-France # Production et distribution d'énergie # Réseaux d'accompagnement

Didier Cousin directeur territorial de GRDF dans les Hauts-de-France et président Rev3 au sein de la CCI de région "Nous maintenons notre objectif de 100 % de gaz vert sur le réseau des Hauts-de-France en 2050"

S'abonner

Le Collectif Opérationnel Régional du Biométhane Injecté (Corbi) s’est doté d’une nouvelle feuille de route pour la période 2022-2025 pour atteindre les 3 térawattheures de biogaz injecté dans les réseaux de distribution gaz des Hauts-de-France en 2025. Une étape qui rapproche le collectif régional de son objectif de 100 % de biogaz injecté en 2050.

Didier Cousin est le directeur territorial GRDF pour les Hauts-de-France — Photo : GRDF

La nouvelle feuille de route du Corbi, qui rassemble les acteurs régionaux de la méthanisation, réaffirme l’objectif de 100 % de biométhane injecté dans les réseaux de distribution gaz des Hauts-de-France en 2050. Comment la production a-t-elle évolué ces dernières années ?

Didier Cousin : Nous avons tenu le calendrier défini lors de la création du Corbi en 2014. Les Hauts-de-France se sont alors montrés très volontaristes puisqu’en 2013 le territoire ne comptait aucune unité de méthanisation, à part le Centre de valorisation des déchets organiques de Sequedin (Nord). Depuis, le Corbi a accompagné les agriculteurs et, à la fin de l’année, nous compterons 70 unités de méthanisation en service.

D’ici 2025, notre objectif est de parvenir à un niveau d’injection de 3 térawattheures (TWh) par an de biométhane dans le réseau de gaz régional, ce qui équivaut à la consommation de 500 000 logements BBC (bâtiment basse consommation). Nous en injectons 1,3 TWh aujourd’hui. Cela va passer par des unités plus nombreuses et plus performantes, même si les besoins ne sont pas équivalents selon les territoires. L’Aisne, par exemple, compte une forte densité d’unités, et le secteur de Laon pourrait consommer 100 % de gaz vert dès 2025, puisqu’à cette date il comptera 10 unités en fonctionnement. Dans d’autres endroits, ce sera plus long.

Fin 2021, nous avons co-signé un nouveau manifeste, qui marque l’entrée dans une nouvelle phase, un "acte II". Nous voulons aller dans le sens d’une industrialisation, avec l’entrée de plus gros acteurs, de grandes entreprises, dans le programme. Certains grands groupes de la région commencent à s’intéresser au processus, dont une quinzaine d’entreprises qui adhèrent à Méthania, le cluster régional de la méthanisation. Une filière est en train d’émerger, il nous faut aller plus loin, même si le contexte se complique.

Qu’est ce qui se complique dans cette deuxième phase ? On pourrait penser que les questions d’indépendance énergétique et de maîtrise du coût de l’énergie sont plus que jamais centrales.

Didier Cousin : Les agriculteurs volontaires ont déjà sauté le pas de la méthanisation lors de la première phase. Il faut maintenant aller convaincre les autres, plus réticents, alors que contexte réglementaire a évolué. Les coûts de rachat du biométhane ont été revus à la baisse, comme les subventions. Cela rallonge forcément la durée d’amortissement pour les agriculteurs, qui doivent investir entre 6 et 7 millions d’euros pour se doter d’une unité de méthanisation.

Pour autant, le retour sur investissement tourne autour de 8 à 10 ans, ce qui reste raisonnable. La méthanisation demeure un complément de revenu très intéressant pour les agriculteurs, qui leur permet de créer ou de maintenir de l’emploi, et souvent, de reprendre l’exploitation familiale. Et ce, d’autant plus que les boues issues de la méthanisation constituent un excellent engrais naturel, au moment où les prix des produits phytosanitaires explosent. Certains agriculteurs économisent 70 000 euros par an sur leur facture d’engrais, c’est loin d’être négligeable.

Mais cela revient à se lancer dans une grosse aventure industrielle, et c’est une prise de risque pour des exploitants dont ce n’est pas forcément la culture. À nous, les membres du Corbi, de continuer à convaincre, en innovant sur les modalités de financement. Certains bailleurs par exemple, pourraient participer au financement d’unités, dont la production serait alors fléchée vers leurs immeubles. Même chose pour des industriels, qui peuvent avoir besoin de biométhane, de plus en plus compétitif, du fait de la flambée des cours du gaz naturel. Ils peuvent aussi s’associer à des agriculteurs en leur fournissant leurs coproduits pour alimenter les méthaniseurs, comme c’est déjà le cas avec Bonduelle ou Roquette.

Où en est le déploiement du bioGNV, à destination des véhicules ?

Didier Cousin : Dans la région, de nombreuses collectivités font déjà rouler leurs bus et bennes à ordures au bioGNV. Elles se sont pour la plupart dotées de leurs propres stations d’avitaillement, comme certaines entreprises privées, à l’instar du transporteur Houtch, à Saint-Quentin (Aisne). Au niveau du Corbi, nous ambitionnons de faire construire 14 stations d’avitaillement dans les deux ans à venir, en plus des 18 stations publiques déjà existantes dans la région, pour faciliter l’utilisation du bioGNV, et inciter des opérateurs de bus privés choisir ce carburant vert. Des appels à projets sont notamment en cours pour le transport scolaire interurbain.

Hauts-de-France # Production et distribution d'énergie # Services # Réseaux d'accompagnement # Transition énergétique