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Report des PGE : "L'État interviendra pour que les banques jouent le jeu", assure Alain Griset
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Alain Griset ministre délégué aux PME "L'État interviendra pour que les banques jouent le jeu"

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En exclusivité pour Le Journal des Entreprises, le ministre délégué aux Petites et moyennes entreprises expose les modalités de report de remboursement des prêts garantis par l'État (PGE). Il devra être sans frais supplémentaires et au même taux d'intérêt. Mais il n'est pas impossible qu'une banque refuse la demande de l'entreprise. Dans ce cas, l'État veillera aux grains, promet Alain Griset.

Pour Alain Griset, ministre délégué aux PME, l'engagement des banques "est très clair" en ce qui concerne les reports de remboursement des PME. Pourtant, il n'est pas exclut qu'elles refusent des demandes de report — Photo : Teemo86 CC BY-SA 4.0

Les entreprises ont désormais la possibilité d'obtenir un différé d'un an supplémentaire pour le remboursement du prêt garanti par l'État (PGE). Certaines banques font toutefois preuve de frilosité, constate la CPME. Une banque peut-elle refuser d'allonger le délai ?

Après discussion entre les dirigeants des banques, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire et moi-même, un accord a été trouvé pour permettre aux entreprises de bénéficier d'une deuxième année de différé. Celles qui ont démarré leur emprunt en avril 2020 commenceront ainsi à rembourser en avril 2022.

L'engagement des banques est donc très clair : ce sera oui. Toutefois, il est possible que telle agence ou tel réseau estime que cela ne les concerne pas… Dans ce cas, l'entrepreneur peut contacter le Médiateur du crédit, qui doit pouvoir régler le problème. Si vraiment cela bloque encore, il faut faire remonter le dossier à Bercy. Nous interviendrons alors pour que les banques jouent le jeu.

Peut-on rappeler les conditions de ce différé d'un an supplémentaire ? On sera sur le même taux d'intérêt ?

L'accord conclu entre l'État et les banques prévoit un taux d'intérêt allant de 1 % à 2,5 %, en fonction de la durée du prêt. Si vous remboursez dans un an, ce sera 1 %, si vous remboursez dans cinq ou six ans, ce sera 2,5 %. Le différé ne change pas cela.

Il n'y aura pas de frais bancaires supplémentaires ?

Il n'y a pas de raison.

Vous voulez allonger la durée maximale de remboursement du PGE de six à huit ans, pour offrir plus d'oxygène aux entreprises. Pourquoi ?

Tout de suite après l'annonce de l'allongement du différé, des entrepreneurs ont réagi en disant : " Oui, mais il ne nous restera plus que quatre ans pour rembourser ", puisque le PGE a une durée totale de six ans. En effet, il restera à rembourser 25 % du chiffre d'affaires en quatre ans. Et ce sera difficile.

J'ai donc indiqué que je considérais qu'il fallait réétaler les paiements. C'était une hypothèse. Une initiative personnelle. Même si c'est le genre de déclaration qui peut éventuellement amener un ministre à se faire engueuler… Et encore, je me suis retenu en m'arrêtant à huit ans, parce qu'avant d'être ministre j'avais proposé d'aller jusqu'à dix ans.

"La France ne peut pas décider d'elle-même d'étendre la durée du prêt de six à huit ans"

Toutefois, cela présuppose un accord de la Commission européenne. Et donc une négociation. Il existe des règles communautaires, la France ne peut pas décider d'elle-même d'étendre la durée du prêt de six à huit ans. Nous verrons si cette demande peut aboutir, en essayant d'obtenir une réponse dans les trois à quatre mois qui viennent, pour rassurer les entrepreneurs.

Pour rappel, environ 650 000 entreprises ont bénéficié d'un PGE à l'heure actuelle, pour un montant global de près de 135 milliards d'euros. Bonne nouvelle, la Banque de France observe que 65 % des entreprises n'ont pas utilisé leur prêt garanti par l'État. C'est bien. Elles ont ainsi fait des prêts pour prévenir d'éventuelles difficultés. Alors que même les médecins ne pensaient pas qu'on aurait une pandémie aussi longue…

Parmi les nouveaux dispositifs d'aide aux entreprises, certains visent aussi à renforcer les fonds propres…

Oui. Notamment grâce à ce qu'on appelle les prêts participatifs, qui devraient être lancés vers la fin du premier trimestre 2021, avec une enveloppe globale de 20 milliards d'euros, ou encore les avances remboursables, déjà disponibles - 500 millions d'euros - pour essayer de réduire les difficultés de trésorerie… Il s'agit là d'accompagner les entreprises qui ont des projets d'investissement dans la transformation ou le développement de leur activité. D'aider l'entrepreneur à se projeter vers l'avenir. En outre, le prêt participatif a l'intérêt de ne pas être considéré comme une dette dans le bilan de l'entreprise.

Quid de la "vague" de dépôts de bilans attendue par certains experts ? Elle se rapproche selon vous ?

Vous savez, j'ai été nommé ministre en juillet. Les journalistes et les économistes m'ont alors dit : " En août, ce sera la catastrophe, en septembre le cataclysme, en octobre le tsunami. Et au mois de décembre, on ne sait pas s'il y aura encore des entreprises… "

"On va, à nouveau, essayer de tout faire pour qu'il y ait le moins de défaillances possibles prochainement"

En ce qui me concerne, je fais le constat qu'en décembre dernier, on recensait 30 % de défaillances en moins sur 2020. Pourquoi ? Parce que l'État a accompagné les entreprises. Et on va, à nouveau, essayer de tout faire pour qu'il y ait le moins de défaillances possibles prochainement.

Je ne peux pas prédire le futur. Cependant, je rappelle que dans une vie économique normale, sans, virus, 50 000 entreprises ferment tous les ans, en moyenne. Pas forcément toujours à cause d'une défaillance d'ailleurs, parfois la société arrête faute de repreneur après le départ en retraite du dirigeant, par exemple.

Or, on dénombre 35 000 défaillances en 2020. Donc même si l'on dénombre encore 65 000 défaillances en 2021, on restera dans la moyenne habituelle sur les deux années cumulées.

Pour moi, le point d'interrogation concerne la reprise. Lorsque la question sanitaire et les mesures de restrictions seront derrière nous : est-ce que les entreprises qu'on aura accompagnées – certains disent de façon un peu artificielle - continueront leur activité ou s'arrêteront ?

Selon vous, le tsunami annoncé n'aura pas lieu ?

Non. Bien sûr, il y aura des faillites, mais pas 500 000 non plus. Je ne pense pas qu'on traversa forcément une vague de défaillances tant que l'État apporte son soutien aux entreprises. Ce n'est pas arrivé depuis un an, il n'y a pas de raisons que cela se produise maintenant. Après, nous allons observer la situation au fur et à mesure.

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