France
Rembourser ou reporter son prêt garanti par l'État ?
France # Banque # Capital

Rembourser ou reporter son prêt garanti par l'État ?

S'abonner

Les premières échéances de remboursement des prêts garantis par l’État, destinés à aider les entreprises à passer la crise économique, débutent au printemps. Mais le gouvernement a finalement décidé d’offrir un sursis d’un an aux entreprises concernées. Dans ce contexte, quel plan de remboursement adopter pour son PGE ?

Businessman regardant des ratios financiers — Photo : Blue Planet Studio

En mars 2020, le gouvernement lançait ses premières mesures pour atténuer le choc économique engendré par la crise sanitaire. Mesure phare de ce dispositif, la mise en œuvre de garanties exceptionnelles pour soutenir le financement bancaire des entreprises à hauteur de 300 milliards d’euros. Quelles que soient leur taille et leur forme juridique, les entreprises avaient – et ont encore jusqu’au 30 juin 2021- la possibilité de souscrire un prêt garanti par l’État (PGE) à hauteur de 90 %. Le montant de ce prêt, remboursable sur six ans, peut atteindre jusqu’à trois mois de chiffre d’affaires 2019 ou deux années de masse salariale pour les entreprises innovantes ou créées depuis le 1er janvier 2019. Près de 650 000 entreprises ont souscrit un PGE pour un montant total de 135 milliards d’euros. Aucun remboursement n’étant exigé la première année, les premières échéances commenceront à arriver au printemps 2021. 200 000 entreprises françaises sont concernées en avril 2021, 140 000 en mai, 170 000 en juin, 50 000 en juillet et 100 000 entre août et décembre.

Un an de différé supplémentaire

Mais le ministre de l’Économie Bruno Le Maire l’a annoncé mi-janvier, " toutes les entreprises qui le souhaitent pourront désormais demander à leur banque de différer d’un an les premiers remboursements de leurs prêts. " Ces entreprises pourront donc commencer à rembourser le prêt en 2022 si elles l’ont conclu en 2020, en 2023 pour celles qui contracteront un prêt au premier semestre 2021. Au cours de cette nouvelle période d’un an, seuls les intérêts et le coût de la garantie d’État seront payés. En revanche, la durée totale d’amortissement du prêt reste fixée à six ans.

" Nous interviendrons pour que les banques jouent le jeu. "

S’agissant des taux, les banques se sont engagées à proposer une tarification maximale en fonction de la durée d’amortissement : de 1 à 1,5 % pour les prêts remboursés d’ici 2022 ou 2023 ; de 2 à 2,5 % pour des prêts remboursés d’ici 2024 à 2026 (coût de la garantie de l’État inclus). Par la voie de leur fédération, les banques se sont également engagées à " accepter systématiquement toute demande de décalage d’un an supplémentaire de l’amortissement du capital du PGE, formulée par une entreprise ou un professionnel qui en ressent le besoin, quel que soit son secteur. " Si tel n’était pas le cas, Alain Griset, ministre délégué aux PME, déclarait récemment au Journal des Entreprises : " Nous interviendrons alors pour que les banques jouent le jeu. "

Contacter le banquier avant la date anniversaire du PGE

Les chefs d’entreprise sont donc invités à se rapprocher de leurs banquiers deux à quatre mois avant la date anniversaire de leur PGE pour étudier les modalités de remboursement. Les banques ont d’ailleurs, pour la plupart pris des initiatives en ce sens. Si les dirigeants ne se manifestent pas, " au bout d’un mois, la garantie de l’État sera perdue. L’entreprise sera automatiquement débitée du montant de son PGE et il sera alors impossible de faire marche arrière ou de refaire un PGE ", avertit Franck Delafosse, directeur commercial des marchés spécialisés de la Banque Populaire Méditerranée.

Mieux vaut donc rencontrer son banquier en ayant réfléchi au préalable aux options possibles. Cette réflexion doit intégrer des aspects commerciaux (évolution du chiffre d’affaires, du marché, actions pour s’adapter au nouveau contexte…) et financiers (état de la trésorerie, endettement…). Ces éléments permettent de structurer et de justifier la demande. " C’est l’occasion de communiquer avec son banquier et de définir une vraie stratégie bancaire en réfléchissant à l’après-Covid. Par exemple, il faut prendre en compte l’effet de la reprise sur le besoin en fonds de roulement, qui va augmenter. Dans cette perspective, conserver une partie du PGE peut avoir du sens. Dans d’autres cas, il vaut mieux rembourser partiellement ou totalement le PGE et souscrire d’autres prêts plus avantageux pour financer l’investissement. Pour les entreprises sous LBO, la priorité est de payer cette dette, quitte à opter pour un an de carence supplémentaire et un amortissement sur une plus longue durée ", suggèrent Damien Jussiaume et Olivier Sauvaget, associés, experts-comptables chez In Extenso.

Rembourser le PGE tout en préservant ses capacités financières

Il y a donc autant de cas que d’entreprises. Ce que confirme Franck Deschodt, directeur du marché Entreprises chez CIC Ouest : " Nous avons répondu de façon industrielle à la phase 1 de la crise en débloquant massivement et rapidement les PGE au printemps dernier. Aujourd’hui, nous avons une approche individuelle. Anticipant la demande de Bruno Le Maire, nous avons décidé, au CIC, d’accorder systématiquement une année de franchise supplémentaire à nos clients qui en exprimeront le besoin. Cependant, notre posture est d’étudier avec les chefs d’entreprise les différents scenarii possibles. La question qui se pose, c’est de rembourser le PGE, mais aussi de préserver la capacité d’investissement de l’entreprise dans l’environnement post-Covid pour maintenir sa performance économique. "

" Il y a une réflexion globale à mener sur le bilan de l'entreprise en envisageant tous les leviers : recapitalisation, réévaluation d'actifs… "

La reprise des cotations par la Banque de France, mais aussi la Coface ou les organismes d’assurance-crédit, constitue également un point d’inquiétude pour les chefs d’entreprise, puisque le PGE est comptabilisé comme de la dette à court terme. Dans cette optique, il peut être utile de se rapprocher de la Banque de France pour expliquer son bilan et ses perspectives de rebond. " Il y a une réflexion globale à mener sur le bilan de l’entreprise en envisageant tous les leviers : recapitalisation, réévaluation d’actifs… L’optimisation des stocks ou des encours clients permet également d’améliorer la photo de l’entreprise à la date de clôture ", conseille Stéphane Gaschet, animateur national Ligne de marché TPE chez In Extenso.

Mur de dettes ?

Nombre d’entreprises craignent malgré tout de ne pouvoir faire face à leurs échéances, alors que la situation sanitaire est loin d’être revenue à la normale. Dans un communiqué de presse publié avant l’annonce du gouvernement, la CPME s’inquiétait en ces termes : " Le contexte sanitaire ne permet malheureusement pas un fonctionnement normal de l’économie française et beaucoup d’entreprises restent à la peine. Imaginer qu’elles dégagent à très court terme une rentabilité supérieure est illusoire. Bien au contraire, pour un grand nombre d’entre elles, les difficultés s’accumulent et la trésorerie comme les fonds propres sont au plus bas. "

Pour Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, le PGE n’est pas décaissé par 65 % des dirigeants qui l’ont souscrit et " la sinistralité anticipée serait comprise entre 4 et 7 % ", déclarait-il devant la commission des finances de l’Assemblée nationale. D’autres se montrent plus alarmistes, à l’instar de Guillaume Pépy. Le président du réseau Initiative France redoute que 70 % des PGE accordés aux TPE ne fassent défaut. Or, 9 prêts sur 10 ont été contractés par ces petites entreprises. C’est pourquoi, la CPME a émis le souhait que " dès à présent, les entreprises puissent regrouper toutes les dettes et créances cumulées, via un " prêt de consolidation " garanti par l’État et amortissable sur une durée de dix ans, ainsi que cela se pratique en Allemagne. "

Prêts directs, avances remboursables et prêts participatifs

Si l’allongement de la durée d’amortissement n’est pas d’actualité pour l’heure, le ministre de l’Économie a déclaré vouloir compléter le dispositif de différé supplémentaire par deux autres mesures. Les entreprises qui n’auraient pas trouvé d’autre solution de financement pourront ainsi obtenir des prêts directs pour un montant maximum, compris entre 10 000 et 50 000 euros en fonction du nombre de salariés, ainsi que des avances remboursables jusqu’à trois mois de chiffre d’affaires. Enfin, pour aider les entreprises à renforcer, non plus leur trésorerie mais leurs fonds propres, Bercy devrait annoncer prochainement la mise en place de prêts participatifs.

France # Banque # Capital # Conjoncture # Gestion