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Les TPE-PME se préparent à vivre une année 2023 très compliquée
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Les TPE-PME se préparent à vivre une année 2023 très compliquée

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Activité, trésorerie, rentabilité… : tous les voyants se mettent à clignoter au rouge dans ces entreprises, montre une étude de Bpifrance. Et pourtant, en dépit de cette montée du pessimisme, sur fond de crise de l’énergie, il existe encore des raisons d’y croire, assure la banque publique.

Parmi les difficultés rencontrées par les TPE-PME, la hausse des taux d’intérêt commence à faire sentir ses effets : le "coût du crédit" apparaît désormais comme le troisième frein à l’investissement le plus cité par les entreprises, à 34 % (+24 points en un an) — Photo : Memyjo

Les TPE-PME ne se font guère d’illusion sur leurs perspectives 2023 - l’année s’annonce plus éprouvante que la précédente. Mais elles ne se font pas non plus trop de mouron - l’heure reste à la résistance, plutôt qu’à la défaillance, assure Bpifrance, à la lumière des résultats de sa dernière enquête semestrielle, réalisée du 2 au 28 novembre.

Les TPE-PME submergées par le pessimisme en 2023

Bien sûr, la banque publique ne s’en cache pas : le ralentissement annoncé de l’économie est bel et bien d’actualité en 2023. Le pessimisme général, affiché par les TPE-PME dans son étude, laisse en effet augurer "une croissance autour de zéro, peut-être légèrement positive", avance Philippe Mutricy, le directeur des études. C’est que l’ensemble des indicateurs, sur lesquels ont été interrogés quelque 4 590 dirigeants, sont tous orientés à la baisse.

Toutes leurs anticipations pour 2023 sont marquées par un effondrement de la confiance, qu’il s’agisse aussi bien de leur activité (-25 points en un an), leurs carnets de commandes (-21 points) ou leur trésorerie (-12 points). Une montée des inquiétudes qui n’épargnent plus les dépenses d’investissement (-7 points, au plus bas depuis 2014) et les projets d’embauche (-12 points).

Résultat de ces turbulences, les entreprises sont 24 % à prévoir une dégradation de leur rentabilité sur les douze prochains moins - deux fois plus qu’il y a un an. Les transports, la construction et le commerce s’attendent tout particulièrement à subir une baisse de leur activité et de leur performance. Et pour ne rien arranger, la remontée des taux d’intérêt vient compliquer un peu plus la donne : jusqu’ici peu mentionné, le "coût du crédit" apparaît désormais comme le troisième frein à l’investissement le plus important, cité par 34 % des répondants (+24 points).

Les factures d’énergie risquent de faire encore plus mal

À l’origine de cette déprime généralisée, Bpifrance cite, sans surprise, "la forte incertitude entourant l’environnement économique, les difficultés d’approvisionnement, encore prégnantes, et la facture énergétique". Les TPE-PME n’en ont d’ailleurs pas fini avec la flambée du gaz et de l’électricité : 46 % craignent de subir une hausse de plus de 10 % de leurs dépenses cette année, par rapport à 2021 (une part qui monte à 63 % dans l’industrie). Et 1 sur 5 ne se prononce pas, faute d’y voir clair.

Or, "si l’impact de l’évolution du coût de l’énergie sur le résultat des TPE-PME aurait été limité en 2022, il pourrait ne pas en être de même en 2023", prévient l’étude. Ce qui "pourrait encore un peu plus freiner leur activité, voire remettre en cause des projets". L’an dernier, 55 % des dirigeants estiment avoir déjà subi "un impact négatif significatif sur le résultat de leur entreprise", du fait du boom de leurs factures d’énergie. Au point de basculer dans le rouge, dans 5 % des cas en moyenne. Mais cette proportion est deux fois plus importante dans l’industrie et le tourisme, signale Bpifrance.

Dans ces conditions, l’inflation devrait rester "substantielle". Et pour cause : cette année encore, 55 % des entreprises comptent augmenter leur prix de vente, et 42 % revaloriser les salaires. Elles ont déjà été 72 % à faire l’un ou l’autre en 2022.

Et pourtant, les patrons montrent des signes d’espoir

En dépit de tous ces vents contraires, Bpifrance se refuse pourtant à verser dans le catastrophisme ou à sonner l’hallali. Et la banque publique a de bonnes raisons à faire valoir. D’abord, "la situation économique actuelle est meilleure que celle qu’a connue la France à l’aube des crises précédentes, contextualise Philippe Mutricy : l’économie nationale était beaucoup plus fragile avant la récession de 2008-2009 ou la période d’austérité de 2011-2012." Et de donner, en exemple, la trésorerie des TPE-PME, aujourd’hui "à un niveau confortable", grâce au soutien passé du "quoi qu’il en coûte", puis à la forte reprise de 2021. Or, "plus le point de départ est élevé, plus le ralentissement de l’activité sera perçu comme quelque chose qui peut être absorbé".

« Nous n’observons pas de surréaction des TPE-PME face à cette dégradation de l’environnement économique. »

Surtout, l’étude ne manque pas de signaux faibles rassurants, veut positiver Baptiste Thornary, chef économiste à Bpifrance : "Nous n’observons pas de surréaction des TPE-PME face à cette dégradation de l’environnement économique. Il n’y a pas de crise de confiance." Il en veut pour preuve "un accès au financement toujours ouvert du côté des banques, même s’il coûte plus cher" (les difficultés d’accès aux crédits ne concernent que 11 à 12 % des répondants, +2 à +3 points en un an). Autre indicateur qui brille par sa stabilité : 5 % des bénéficiaires d’un prêt garanti par l’État pensent ne pas pouvoir honorer leurs échéances. Pour Philippe Mutriciy, "ce chiffre montre qu’il n’existe pas, chez les chefs d’entreprise, d’inquiétude excessive sur leur activité future. Sinon, ils auraient beaucoup plus de crainte de ne pas rembourser."

L’emploi et l’investissement résistent envers et contre tout

Au-delà de ces aspects financiers, l’espoir se niche aussi dans la bonne résistance de l’investissement : certes, les budgets qui y sont consacrés devraient se réduire, mais la part des entreprises prêtes à, quand même, engager des projets en 2023, se maintient, elle, à 51 % (-2 points seulement en un an).

Enfin, "les perspectives d’emploi sont étonnamment résistantes", se félicite Baptiste Thornary. Les patrons disposés à augmenter la taille de leur personnel restent ainsi majoritaires, avec un écart de 17 points sur ceux qui envisagent, au contraire, de la diminuer (5 points au-dessus de sa moyenne de longue période). Un dynamisme de l’emploi qui pourrait, paradoxalement, s’expliquer par des difficultés de recrutement toujours aussi vives. "Aujourd’hui, les dirigeants y réfléchissent sans doute à deux fois, avant d’ajuster leurs effectifs, sachant combien il est difficile de réembaucher, quand l’activité redémarre", avance Baptiste Thornary. Preuve supplémentaire que les TPE-PME veulent encore y croire et n’ont pas abandonné tout espoir de sauver les meubles en 2023.

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