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La baisse des impôts de production dope les investissements des entreprises
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La baisse des impôts de production dope les investissements des entreprises

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Alors que le gouvernement a reporté à 2027 la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), une étude du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire et de Rexecode rappelle le lien entre les impôts de production et la compétitivité des entreprises françaises. Et l’écart important qui subsiste en matière de fiscalité entre la France et ses voisins européens.

Pour le Meti et Rexecode, la baisse des impôts de production est bénéfique pour les entreprises — Photo : Philippe Bohlinger

La baisse des impôts de production est "une politique qui marche et qui produit des effets très positifs", assure Frédéric Coirier, lors de la présentation d’une étude Rexecode "état des lieux de la fiscalité locale de production sur les entreprises", le 19 septembre. Le coprésident du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Meti) et président du groupe Poujoulat souligne le changement de comportement des entreprises en termes d’investissements. S’ils concernaient jusqu’alors "plutôt du renouvellement, depuis la bascule des impôts de production on voit beaucoup plus d’ouverture. On n’est plus dans un remplacement ou l’amélioration de la productivité mais plutôt dans une extension des capacités, ce qui veut dire que l’on se projette différemment. Il y a un changement comportemental", explique-t-il.

Un changement particulièrement bienvenu au moment où les entreprises doivent investir de façon massive, étant "face à un mur d’investissements considérable", que ce soit en termes de digitalisation, de cybersécurité ou de l’énorme chantier sur la transformation environnementale, constate Philippe d’Ornano, qui copréside le Meti et dirige le groupe familial Sisley.

Redressement compétitif

Pour eux, il faut donc réagir au plus vite, en baissant de nouveau la fiscalité de production. "L’urgence du redressement compétitif est grande", ajoute-t-il, au risque sinon de perdre des savoir-faire, de faire disparaître des pans de l’industrie ou de diminuer le nombre de sites industriels dans les territoires. "Ce n’est pas dans dix ans, c’est maintenant qu’il faut le faire, insiste Frédéric Coirier. Si le dernier quart de baisse de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, NDLR) est fait en un an au lieu de quatre, cela sera plus favorable et libérera l’activité. C’est un message fort adressé à ceux qui veulent investir", complète-t-il, soulignant "l’effet psychologique" de ces annonces sur les dirigeants d’entreprise.

Si une démonstration du retour sur investissement de la mesure de la baisse des impôts de production semble toutefois compliquée, l’institut Rexecode confirme que la mesure a sans nul doute participé à la bonne tenue des indicateurs, en termes d’ouvertures, d’investissements et de projets industriels avec "une dynamique qui a été meilleure que ce que l’on aurait pu attendre en 2021 et 2022. On voit une dynamique d’investissement qui est tout à fait inédite", indique Frédéric Coirier. Une étude post-covid du Meti basée sur un échantillon d’ETI mesure ainsi une hausse de 42 % du volume d’investissements en 2021 vs 2019. Et de citer en exemple les investissements massifs dans des outils de production de l’entreprise Poujoulat ou encore la création d’une usine de production de l’entreprise Sisley dans le Loir-et-Cher. Pour Philippe d’Ornano, "on voit que l’inversion des impôts de production donne de bons résultats. C’est le bon raisonnement économique pour avoir les recettes fiscales dont l’État a besoin".

Fiscalité de production : 40 milliards d’euros d’écart avec le reste de l’Europe

Pour l’heure, la France est "encore très loin d’avoir corrigé les écarts par rapport à l’Europe". S’appuyant sur les résultats de l’étude, le Meti a salué la première baisse à hauteur de 10,6 milliards d’euros des impôts de production enclenchée en 2021 – via la division par deux de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (7,3 milliards), une baisse de la cotisation foncière des entreprises (1,5 milliard d’euros), et une baisse de la taxe foncière sur les propriétés bâties (1,8 milliard). Alors que les impôts de production qui pèsent sur les entreprises françaises ont reculé entre 2019 et 2022 de 0,4 point par rapport à la valeur ajoutée – passant de 6,3 % à 5,9 %, il reste toujours un écart de 40 milliards d’euros avec la moyenne européenne et de 100 milliards avec l’Allemagne. Après la baisse des impôts de production du plan de relance et la suppression complète de la CVAE annoncée d’ici 2027, le poids de ces impôts de production retomberait à 4,9 % de la valeur ajoutée des entreprises, contre 0,8 % en Allemagne. "C’est une baisse conséquente mais on reste tout en haut de l’échelle", signale Denis Ferrand, directeur général de Rexecode. " L’écart très important qui subsiste pénalise toutes les entreprises qui produisent en France", poursuit Philippe d’Ornano. "On aura fait un tiers du chemin lorsque la CVAE aura été intégralement supprimée", ajoute encore Frédéric Coirier. Évoquant le revirement de Bercy sur le calendrier initial, il rappelle que les chefs d’entreprise ont besoin d’une "trajectoire. Quand le gouvernement annonce des baisses d’impôt, certains l’intègrent dans leur business plan. Changer les règles n’est pas favorable et peut décourager des initiatives et des projets". Le Meti appelle ainsi de ses vœux à "un réalignement des impôts sur la moyenne européenne". L’objectif n’étant pas de supprimer ces taxes de production qui sont communes à l’ensemble des entreprises européennes mais d'"être raisonnablement alignés dans l’environnement". Les coprésidents du Meti appellent pour cela à réaliser des mesures d’impact sur deux ou trois ans pour juger du rendement des mesures prises.

250 taxes différentes

Pour Philippe d’Ornano, ces impôts de production sont perçus comme "une sorte de droit de douane à l’envers que l’on a construit et qui nous pénalise". Le mécanisme de la fiscalité de production, qui n’est pas assise sur les résultats des entreprises mais intervient en amont de la formation de résultats à l’occasion de la production, l’importation ou la vente de marchandises ou de services, est "un sujet complexe avec plus de 250 taxes différentes", qui sont à la fois générales et sectorielles, explique Frédéric Coirier. Celui-ci salue le fait que les baisses des impôts de production devraient davantage bénéficier à l’industrie et aux ETI. Elles devraient en effet bénéficier de 39 % des baisses d’impôt de production, soit 4,3 milliards d’euros sur les 10,6 milliards, alors que jusqu’alors "55 % des taxes de production qui étaient payées par 1 800 ETI industrielles". Rexecode souligne de son côté le fort impact de ces baisses d’impôt sur leur taux de marge, de l’ordre de 2,7 points contre 1,4 dans les autres entreprises. Pointant néanmoins l’impact économique de cet écart de compétitivité qui a pénalisé les entreprises françaises, le Meti relève que le paysage français compte deux fois et demie moins d’ETI que l’Allemagne et que celles-ci sont deux fois plus petites. Philippe d’Ornano va encore plus loin : "Les grandes entreprises françaises ont pris en compte ce défaut de compétitivité et développé leurs sites ailleurs". Résultat, elles ont "deux fois moins de sites en France que les entreprises allemandes en Allemagne ou les entreprises italiennes en Italie". Et Denis Ferrand de rappeler l’attrition de la base industrielle française avec un nombre d’entreprises qui a été divisé par deux entre 2000 et 2016 alors qu’il est resté stable en Allemagne. Une hémorragie qui s’est ensuite arrêtée, souligne le directeur général de Rexecode, avec un solde net entre les destructions et les créations d’entreprise positif.

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