Absentéisme au travail : comment réduire la facture ?
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Absentéisme au travail : comment réduire la facture ?

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L’absentéisme au travail progresse en France. Ces absences coûtent cher à l’entreprise et pénalisent les salariés qui doivent absorber le travail supplémentaire. Pour autant, l’absentéisme n’est pas une fatalité. De bonnes pratiques contribuent à le prévenir.

Selon le baromètre annuel de l'absentéisme réalisé par le cabinet Ayming, le nombre de jours d'absence dans les entreprises privées a atteint 17,2 jours par an et par salarié en 2017, le plus haut niveau depuis 10 ans. — Photo : herreneck@stock.adobe.com

« L’absentéisme a littéralement planté notre exercice 2018, alors même que l’activité était en croissance. Les absences, notamment de longue durée, représentent 6 équivalents temps plein sur l’année pour un effectif de 30 salariés », déplore le dirigeant d’une PME industrielle de l’Ouest de la France.

Le cas n’est pas isolé. Toutes les études le montrent : l’absentéisme salarié affiche une hausse régulière depuis plusieurs années en France. Selon le baromètre annuel de l’absentéisme réalisé par le cabinet Ayming, le nombre de jours d’absence dans les entreprises privées a atteint 17,2 jours par an et par salarié en 2017, le plus haut niveau depuis dix ans. C’est toutefois moins que dans le secteur public où l’absentéisme explose (+28 %).

« L’absentéisme résulte d’un désengagement provenant lui-même d’une perte de sens du travail. »

« 76 % des Français disent aimer leur travail, mais certains aspects, comme le manque de reconnaissance, posent question. L’absentéisme résulte d’un désengagement provenant lui-même d’une perte de sens du travail », analyse Céline Rolland, consultante en stratégie managériale chez TGS France.

"Management infantilisant"

« L’absentéisme est le plus élevé dans les administrations publiques, là où il y a le plus de violence sociale. Le management promeut des rapports infantilisants, au détriment de la confiance qui libère la créativité. Il est en complet décalage avec la société qui a fondamentalement changé, passant d’une société industrielle à une société de la connaissance. Il y a urgence à agir car ce management inadapté coûte des milliards, dont on aurait bien besoin ailleurs, et est source de souffrance au travail. Pour lutter contre l’absentéisme, il y a pourtant des solutions », avance François Badénès, fondateur de la Fabrique du Changement.

Arrêt maladie ou surcharge de travail ?

L’absentéisme recouvre des réalités différentes. Les arrêts maladie, liés aux accidents de santé classiques, n’ont rien à voir avec le travail. En revanche, ceux qui sont induits par la vie professionnelle doivent alerter. La société Alva, fabriquant des graisses d’origine animale et végétale, a fait appel au cabinet Resecum pour réaliser un audit sur le bien-être au travail de ses salariés, avec notamment comme enjeu de comprendre et réduire l’absentéisme. « Cette enquête a livré une cartographie des difficultés physiques et psychologiques des salariés de nos trois sites. Elle a révélé le stress éprouvé par les opérateurs de certains ateliers, en raison d’une surcharge de travail. L’intervention d’un tiers extérieur dépassionne le débat, donne de la crédibilité à ce que l’on ressent intuitivement. Cela a aussi remis en cause certains aspects de notre façon de manager », rapporte Frédéric Decaix, directeur du site de Rezé (Loire-Atlantique).

L’association d’aide à domicile ADT 44 (500 salariés, 12 M€ de CA) a fait la même démarche en interne. « La question de l’absentéisme est au cœur de nos enjeux dans un secteur où la pénibilité des tâches, la pression psychologique, la faible reconnaissance, le niveau des rémunérations… favorisent les absences. Ce qui nous a interpelés, ce sont les petits arrêts récurrents qui prennent beaucoup d’énergie pour remplacer les personnes », indique Geoffroy Verdier, le directeur.

Donner du sens

Pas facile de susciter l’engagement des salariés, si ceux-ci ne connaissent pas les objectifs poursuivis par l’entreprise et l’utilité de leur travail. Céline Rolland préconise ainsi de revenir aux fondamentaux : « Il faut savoir où on va et comment on s’organise pour atteindre ce but. Cela signifie : avoir une vision de l’entreprise et la partager dans un projet, définir clairement le rôle et les missions de chacun. Ensuite, on laisse travailler chacun en toute autonomie dans le périmètre qui a été défini, selon le principe de subsidiarité. »

« Nous essayons d’impliquer les collaborateurs dans les choix de l’entreprise pour créer de l’engagement et du sens. »

Attention cependant, responsabiliser suppose d’accorder moyens et droit à l’erreur, sous peine de générer encore plus de stress. « Nous essayons d’impliquer les collaborateurs dans les choix de l’entreprise pour créer de l’engagement et du sens », confirme Julie Bouete, en charge des RH de la société informatique Syd (175 salariés, 14 M€ de CA).

Faire évoluer le management

« Il faut oser un management participatif, bienveillant, de proximité pour libérer les énergies. Le seul risque, c’est que cela marche ! », exhorte François Badénès. « Nous avons instauré des temps collectifs qui permettent aux salariés d’échanger et de se sentir soutenus. En 2018, avec le projet Libérons nos énergies, nous avons changé de braquet. Nous avons notamment redonné aux salariés la main sur leur planning, via leur smartphone, en faisant le pari que s’ils étaient satisfaits de leur emploi du temps, ils seraient plus motivés et donc moins absents. En cas d’absence, nous laissons également le salarié prévenir son premier usager et l’encourageons à organiser son remplacement. Cela fonctionne plutôt bien », témoigne Geoffroy Verdier.

« Je veille à libérer un mercredi ou un samedi par mois pour l’accompagnement des enfants à des activités. »

Organiser le travail au quotidien en prenant en compte les notions de bien-être au travail et d’équilibre vie professionnelle / vie personnelle, par des initiatives comme le télétravail, la souplesse dans les horaires… Et cela n’est pas réservé aux grandes entreprises, ainsi que l’explique Angéline Alexandre, à la tête de deux instituts de beauté (7 salariés) dans la Sarthe : « J’ai aménagé dans l’un de mes instituts un espace, où les salariées peuvent accueillir ponctuellement leurs enfants malades, quand l’école les appelle au débotté. Je veille également à libérer un mercredi ou un samedi par mois pour l’accompagnement des enfants à des activités. Résultat, je n’ai pratiquement pas d’absentéisme et, encore moins dans l’institut disposant d’un espace d’accueil pour les enfants. Avec ces mesures, je ne perds pas de chiffre d’affaires. Au contraire, j’en gagne. »

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