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« Les legal tech obligent les avocats à évoluer »
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« Les legal tech obligent les avocats à évoluer »

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Jérôme Dirou et Pierre Gramage viennent d'être nommés respectivement bâtonnier et vice-bâtonnier du Barreau de Bordeaux. Ils entendent accompagner les mutations de la profession et mettent en place un incubateur pour accompagner la transformation numérique des cabinets d'avocats.

— Photo : Barreau de Bordeaux

Vous avez pris vos fonctions en début d'année, votre programme était axé notamment autour de la défense de la profession d'avocat dans une période de mutation. Pourquoi ?

Jérôme Dirou : Nous observons une réelle évolution des mentalités, surtout chez nos jeunes confrères. Ils sont demandeurs de conseils, d'aide, d'accompagnement. Ils comptent aussi sur une plus grande disponibilité du bâtonnier. Et c'est normal parce que nous sommes dans un contexte compliqué, le métier d'avocat devient de plus en plus difficile. L'avocat doit désormais avoir les même compétences qu'un chef d'entreprise, tout en maîtrisant son cœur de métier. Nous pouvons aussi les accompagner dans le cadre d'une reconversion professionnelle, ce qui arrive de plus en plus fréquemment. Le rôle du Barreau est de proposer à nos 1600 confrères bordelais des services support.

C'est la raison pour laquelle vous lancez un incubateur ?

J.D.: Oui, l'incubateur a vocation à devenir une institution de l'Ordre, au même titre que ses fonctions régaliennes. C'est un chantier très important pour nous pour accompagner la transformation numérique des cabinets d'avocat. On a trop tendance à croire que parce qu'on sait envoyer un mail ou faire une recherche sur Google, on sait utiliser les outils numériques à des fins professionnelles.

Pierre Gramage : C'est à Paris qu'a été créé le premier incubateur de Barreau, il y a 5 ans. Bordeaux rejoint ainsi un réseau national après Marseille, Lyon, Toulouse... Il s'agit d'offrir un soutien aux cabinets d'avocats pour développer des solutions innovantes. Elles pourront être tournées vers la profession, pour faciliter leur exercice quotidien, la relation avec les clients... Ou elles pourront être purement technologiques, autour de l'intelligence artificielle par exemple. L'incubateur proposera des solutions clés en main, notamment une offre de prestataires avec des prix négociés. Ce package sera adapté aux besoins des cabinets d'avocats bordelais.

« L'incubateur servira à faire de la veille, observer l'écosystème d'innovation juridique ­»

Les cabinets d'avocat sont-ils en retard dans le processus de transformation numérique ?

P.G.: Je crois que plus généralement, dans ce domaine, les professions libérales accusent un léger retard par rapport au monde de l'entreprise. L'incubateur servira aussi à ça : faire de la veille, observer l'écosystème d'innovation juridique... pour ne pas se retrouver dépassés. Par exemple, nous allons sélectionner des "legal tech" (start-up développant une technologie juridique, ndlr), celles qui ont un sens pour notre profession. Nous pourrons nouer des partenariats afin de tester leurs solutions. Il s'agit d'anticiper sur les besoins de demain et petit à petit de mettre en place une dynamique de "co-construction" : s'enrichir de nos visions différentes, mixer nos compétences... Il ne faut pas considérer les "legal tech" comme une menace. Quand une prestation se vulgarise, elle perd de sa valeur. Cela ne sert à rien de défendre son pré-carré sur des prestations qui ont perdu de la valeur ajoutée, mieux vaut aller chercher d’autres prestations. Ces start-up nous obligent à évoluer, et nous poussent à être meilleurs.

Propos recueillis par Astrid Gouzik

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