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Coronavirus - WorldCast Systems : « La crise occasionne des changements de pratique »
Interview Bordeaux # Industrie

Julien Chomat directeur général de WorldCast Systems Coronavirus - WorldCast Systems : « La crise occasionne des changements de pratique »

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Comment le leader européen de son secteur vit-il la crise liée au Covid-19 ? WorldCast Systems (100 salariés et 12 M€ de CA en 2019) basé à Mérignac, fabrique des émetteurs et transmetteurs radio. La PME a ouvert un bureau en Malaisie en janvier. Julien Chomat son directeur général revient sur l'organisation qu'il a mise en place en France et à l'étranger.

— Photo : Yoan Denéchau

Le Journal des Entreprises : Qu’est-ce que vous avez mis en place dans l’entreprise pour faire face à la crise ?

Julien Chomat : Nous avons fait le choix de mettre autant de salariés que possible en télétravail. Nous avons des outils informatiques performants pour être utilisés à domicile. Nous avons anticipé, pour être prêt le jour J. 85 % de l’effectif s’est retrouvé en télétravail dès le début du confinement. Le personnel de production (les 15 % restants) a poursuivi le travail sur site. À 15 dans 2 000 mètres carrés, il y a de la place. Nous avons pu maintenir l’activité, livrer les commandes en cours dans les jours qui ont suivi.

Nous avons étendu les mesures de sécurité aux sites d’Irlande du Nord et des USA pour que tout le monde soit logé à la même enseigne, et même si les pays concernés n’avaient pas encore pris de mesures. Nous nous sommes dit que si c’était mis en place en France, c’était une bonne solution.

Nous avons beaucoup échangé avec nos réseaux comme le club des ETI. Certains nous incitaient à continuer coûte que coûte, d’autres à fermer. Nous avons choisi de continuer. Si nous avions tout arrêté, on ne s’en serait pas relevé. Mais nous nous sommes heurtés à la fermeture de nos fournisseurs, ce qui nous a ralentis. Aujourd’hui, ils ont presque tous rouvert, nous sommes à 80-90 % de notre production.

Avez-vous tout de même des craintes ?

Julien Chomat : Notre plus grande crainte, ce sont les commandes. 85 % de notre commercialisation se fait à l’international. Les clients en Europe sont habitués au télétravail. L’activité ici était équivalente à celle que nous avions avant le confinement, quand, dans d’autres pays, des problématiques autres sont apparues à cause notamment de la dévaluation de leur monnaie. Aujourd’hui nous sommes bien installés à l’export, partout dans le monde. Tout le monde ne se relèvera pas au même rythme, mais nous aurons de nouvelles opportunités avec certains pays le temps que d’autres se remettent de la crise sanitaire. Nos craintes, c’est que nos clients décalent des commandes ou des projets. Nous sommes dans un corps de métier où les clients dépendent de la publicité. Ils vont avoir des capacités d’investissement réduites.

Comment allez-vous vous adapter ?

Julien Chomat : Pendant une crise, il y a forcément des changements de pratique. Notre volonté est de nous concentrer sur ce que nous faisons déjà. Par exemple, nous avons proposé à nos clients d’essayer notre algorithme SmartFM gratuitement pendant un an (connecté à un émetteur radio, le logiciel permet de réaliser des économies d’énergie, NDLR). Nous avons fait de même pour l’outil de supervision des infrastructures à distance : nous avons mis la solution en sas (hébergée sur un serveur, NLDR). Il est à la disposition de nos clients gratuitement pour 3 mois. Nous essayons d’alléger leurs charges.

Notre grosse interrogation reste l’après crise. Quel va être l’état du marché ? Nous étions plutôt sereins au début, au vu de la réponse mondiale pour rassurer tout le monde. L’impact sera beaucoup plus lourd que prévu.

En interne, comment cela se passe-t-il avec vos salariés ?

Julien Chomat : Nous avons des outils de visioconférence très performants. Le contact est toujours là avec l’ensemble des salariés. Nous organisons régulièrement des réunions avec les représentants du personnel – 4 depuis le début du confinement – pour rassurer les salariés, faire remonter les questions. Nous avons un dialogue social très performant, dans une bonne ambiance, très sereine. Il y a toujours un dirigeant sur site, le personnel de production est en visio avec son responsable tous les jours. Le lien existe. Les délégués du personnel vont essayer d’organiser une séance d’activité physique tous les jours entre midi et deux, cela nous rapprochera.

Vous avez ouvert votre bureau asiatique à Kuala Lumpur (Malaisie) en janvier, comment cela s’est passé sur place avec l’épidémie ?

Julien Chomat : Au début, la Malaisie n’a pas trop été touchée. Nos deux salariés ont eu le temps de s’installer tranquillement. Nous avons eu un petit creux sur le mois de février à cause du coronavirus. Depuis mars, l’activité est en plein boum. Aujourd’hui, nous recevons beaucoup de commandes de la Chine, le marché que nous ciblons. L’activité n’est pas catastrophique. La situation actuelle nous conforte sur l’ouverture de notre bureau en Asie. Notre principal concurrent là-bas est un Italien, qui fait face aux mêmes problèmes que nous. La crise n’a pas eu d’impact sur notre marché en Chine, parce que nous avions préparé le terrain auparavant. Dans d’autres pays que nous visions, nous avons eu des soucis comme les Philippines et la Nouvelle-Zélande, à cause de la dévaluation de leur devise par rapport au dollar. Notre bureau est une petite structure, nous n’avons pas de vrai surcoût. Il serait contrebalancé par les frais de déplacement, quasi inexistants là-bas.

Face à la situation, avez-vous sollicité des aides de l’État ou de BpiFrance ?

Julien Chomat : Nous avons mis en œuvre tous les dispositifs de l’État et BPI. Pour le moment, tout est bloqué, nous attendons les réponses. Les informations sur le sujet changent tous les jours : Un jour nous avons droit au Prêt Garanti par l’État en plus des aides de BpiFrance, et le lendemain c’est l’un ou l’autre. Nous sentons que les critères sont plus compliqués que ce qui a été annoncé. Nous sommes dans une vraie incertitude : doit-on avancer comme si de rien était ou faire des économies dès maintenant ? On navigue un peu à vue.

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