Quand les sportifs de haut niveau cherchent un tremplin vers l'entreprise
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Quand les sportifs de haut niveau cherchent un tremplin vers l'entreprise

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Quelle reconversion pour les sportifs de haut niveau ? En région Auvergne Rhône-Alpes, sur 826 athlètes, seulement 26 suivent une formation. Leurs qualités humaines et professionnelles unanimement reconnues (travail en équipe, capacité à trouver des solutions hors cadre, résistance à l’échec...) se perdraient-elles dans les limbes de l’après-compétition ? Pas toujours...

La France recense 6225 sportifs de haut niveau dont seulement 156 en reconversion. — Photo : Flickr

Sur l’écran, une image : celle d’Anthony Chalençon, médaille d’or paralympique 2018 en relais de ski de fond aux Jeux olympiques de Pyeongchang, tenu fermement par un Emmanuel Macron radieux. Quelques mois plus tôt, le président de la République félicitait Romain Bardet, 28 ans, coureur cycliste auvergnat triomphant sur les Champs Elysées (3e en 2017). Leur point commun ? Un diplômé décroché à l’Institut de management du Sport de Grenoble École de Management. Et la promesse d'une reconversion réussie. « La nouvelle génération est mieux lotie ! », se félicite leur aînée de vingt ans, la skieuse Florence Masnada, double médaillée (Nagano 1998, puis championnats du monde 1999). Elle a été contrainte de préparer son diplôme à l’ESC Chambéry « en cachette de [ses] entraîneurs ».

Une loi qui va changer la donne

La trajectoire de l'ancienne championne n'est pas une surprise pour Mickaël Romezy, directeur Sport à l'école de management EM Lyon, qui accueille 30 à 40 sportifs de haut niveau par an et lance deux nouveaux cursus ad hoc. Selon lui, la question de la formation et de la reconversion des sportifs de haut niveau est « très nouvelle ». La prise de conscience date de 2015.

Cette année-là, le Centre du droit et de l’économie de sport de Limoges révèle la précarité dans laquelle vivent la majorité des athlètes, pendant et après leur carrière de haut niveau. Thierry Braillard, alors secrétaire d’État aux Sports, fait voter une loi qui contraint les fédérations à se préoccuper de la reconversion de leurs "écuries". Cette même loi acte la naissance du « pacte de performance », pour permettre aux entreprises d’aider des sportifs de haut niveau (coût annuel de 23 000 euros, 9 200 euros après 60 % de déductions fiscales).

Une disposition qui ne concerne pas les athlètes les plus médiatiques. Qui, à l'image du gymnaste croix-roussien Yann Cucherat (adjoint à la mairie de Lyon), ou des anciens internationaux de rugby Sébastien Chabal (associé du groupe lyonnais de consultants Piman) et Frédéric Michalak (conseiller auprès du président du club de rugby lyonnais Lou) n’ont parfois pas le temps de raccrocher leurs baskets. Mais, pour la grande majorité d'entre eux, la loi de juin 2015 pourrait inverser la proportion de sportifs en reconversion, encore très faible à l’échelle régionale : Auvergne-Rhône-Alpes compte 826 sportifs de haut niveau, dont seulement 26 en formation.

Des sportifs entrepreneurs

Alternative à la formation, le monde du sport façonne aussi de vrais entrepreneurs. Comme le danseur sur glace Gwendal Peizerat, qui a créé à Vaulx-en-Velin l'entreprise Soléus (CA 2017 : 1,7 M€, 15 salariés), spécialisée dans le contrôle d’équipements sportifs. Ou le cycliste de haut niveau Félix Hebert, qui dirige la start-up Cyclik, implantée à Villeurbanne. Il en va de même pour la basketteuse Marie-Sophie Obama et le champion du monde d’escalade François Petit.

L'un des meilleurs ultra-trailers au monde, François D’Haene mène, lui, une double vie. Il est à la tête, avec son épouse, d’un domaine de 4,5 hectares à Saint-Julien en Beaujolais et produit 17 000 bouteilles par an. Il s’entraîne encore, nous confie-t-il, jusqu’à 40 heures par semaine.

Le privé prend le relais

Dans ce marché de niche encore peu structuré s'engouffrent de nouveaux acteurs. À Gerland, le futur centre de formation "Adequat Tony Parker Academy" proposera en septembre un cursus (de la seconde au post-bac, à 25 000 ou 39 000 euros l'année tout de même), où les stagiaires seront « immédiatement sensibilisés à la question de leur employabilité », indique une porte-parole.

À l’autre bout de la chaîne, Jean-Michel Rallet, accompagnateur au sein du Réseau Entreprendre, lance "Champions Capital". Un fonds (qui vise 50 M€) « ouvert à une vingtaine d'anciens sportifs souhaitant miser une partie de leur capital » dans les PME réalisant 3 à 15 M€ de CA.

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