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Dans l'Ain, sept entrepreneurs organisent le recyclage de masques
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Dans l'Ain, sept entrepreneurs organisent le recyclage de masques

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Organiser la collecte et le recyclage des masques jetables pour les transformer en t-shirt : c’est le défi que se sont lancé sept entreprises de l’Ain. Le projet, qui va nécessite plusieurs milliers d’euros d’investissement, devrait aboutir à une commercialisation en mars.

Mené par Hervé Guerry, président de la start-up Cycl-add, le projet de création d'une filière locale de recyclage de masques chirurgicaux pour en faire des t-shirts regroupe sept sociétés du bassin d'Oyonnax, dans l'Ain — Photo : Cycl-add

Les ventes mondiales de masques jetables ont atteint 166 milliards de dollars en 2020, selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced). Un nombre multiplié par plus de 200 par rapport à 2019. Le problème, c’est que 75 % de ces masques pourraient se retrouver enfouis en décharge ou flottant en mer, redoute l'organisation. Pour une petite communauté d’entrepreneurs de l’Ain, ce problème pourrait se transformer en opportunité. Sept sociétés implantées dans le bassin d’Oyonnax se sont mis en tête de mettre sur pied une filière locale de recyclage de masques chirurgicaux et d’en faire… des t-shirts.

Une filière pérenne à bâtir

À l’initiative de ce projet, Hervé Guerry. Le fondateur et président de la start-up Cycl-add (4 salariés, CA 2020 : 250 000 €) à Maillat, est aussi, depuis plus de vingt ans, à la tête de Créastuce, un bureau d’études en plasturgie spécialisé notamment dans l’analyse du cycle de vie. L’homme s’intéressait depuis quelques années déjà aux déchets des hôpitaux. Sans succès. "Dans les établissements de santé, les masques, les blouses, les charlottes, qui sont tous réalisés à partir de matière plastique, ne sont pas réellement des déchets visibles. Il était complexe de mettre en place un système de collecte", raconte-t-il.

Le Covid et la généralisation du port du masque ont fait la lumière sur ce discret rebut. "Techniquement, nous savons recycler", explique le dirigeant de l’entreprise spécialisée dans "le recyclage des produits dont personne ne veut, qui n’ont pas de solution de fin de vie" comme les résidus de poudre époxy (peinture à base de plastique) ou les plastiques multi-couches. "Nous avons donc voulu initier la création d’une vraie filière, qui soit pérenne sur le long terme."

Masques, blouses, surchaussures, charlottes, manches ne sont pas utilisés que dans les hôpitaux. Mais aussi chez les vétérinaires, les médecins généralistes, dans les industries pharmaceutique et agroalimentaire, dans les salles blanches des entreprises du secteur de l’électronique… Un gisement qu’il évalue à 20 000 tonnes par an en France. "Notre but est d’arriver à traiter 4 000 tonnes par an d’ici cinq ans."

Les sept maillons de la chaîne

Pour ce faire, Hervé Guerry s’est notamment entouré de Thierry Emin, président d’Aura Evolution (qui conçoit des vêtements de sport) et gérant du fabricant de tissu Billon à Blyes, ainsi que de Becher Al Awa, président d’Ain Fibres à Oyonnax, spécialisé dans le filage de fibres textiles à partir de granules de plastique. Le premier, impliqué depuis de nombreuses années dans la communauté d’entreprises locales, comme il le rappelle lui-même, est aussi président du club de rugby d’Oyonnax. Le second, arrivé dans la capitale de la "Plastics Vallée" il y a cinq ans, est originaire de Syrie, où il gérait déjà une entreprise de filature de polypropylène (un type de plastique) employant plus de 100 personnes. Ce sont les derniers maillons de la chaîne.

Recyclage de masque
— Photo : DR

Avant cela, les masques sont d’abord collectés par l’entreprise TEHP et ses partenaires. Ils sont ensuite envoyés à l’entreprise Solid’Aire, où ils sont démantelés, lavés et coupés en deux. Ces deux flux de matière partent alors pour Trivéo, où ils sont traités, séchés, préparés, pour que Cycl-add les transforme en granulés de polypropylène. Ces granulés sont acheminés jusque dans les locaux d’Ain Fibres. "Nous extrudons une fibre synthétique, à base de polypropylène, par voie chaude, à partir de ces granulés", explique Becher Al Awa. C’est alors l’entreprise Billon qui tricote le fil pour en faire du tissu, qui est livré à Aura Evolution (et ses sous-traitants) pour l’étape de la confection. "Le polypropylène est bien adapté à la fabrication de t-shirts techniques, car il est anti-transpirant et anti-odeur", indique Thierry Emin.

Une commercialisation prévue pour mars

Côté distribution, le groupement d’entrepreneurs vise les produits d’entreprise et l’événementiel. "Chacun des membres de la filière, liés par des simples accords commerciaux, proposera le t-shirt à ses partenaires, précise Hervé Guerry. Son prix devrait être inférieur à 30 euros. Le projet, qui va demander "plusieurs milliers d’euros" d’investissement, dont environ 700 000 euros de la part de Cycl-add pour l’achat d’une nouvelle machine, devrait être bientôt soutenu par la Région Auvergne Rhône-Alpes "par le biais d’un appel à projets spécifique". L’objectif est d’être prêt pour une commercialisation en mars.

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