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Tribunal de commerce : « On assiste à une explosion des demandes de conciliation »
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Guy Lézier président du Tribunal de commerce de Nantes Tribunal de commerce : « On assiste à une explosion des demandes de conciliation »

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Guy Lézier, président du tribunal de commerce de Nantes, observe une nette baisse du nombre de procédures collectives depuis le début de l’année. Il constate parallèlement une montée en puissance du recours à la conciliation et au mandat ad hoc due au fait que les PME PMI commencent à s’approprier les dispositifs de prévention que le Code de commerce met à leur disposition.

Guy Lézier est président du Tribunal de commerce de Nantes. — Photo : JDE

Le Journal des entreprises : Le nombre de procédures collectives avait baissé fin 2017. Qu’en est-il en 2018 ?

Guy Lézier : Il est possible que l’on arrive à un minimum cette année. À la fin du 1er trimestre, nous comptons 138 ouvertures de procédures, contre presque 200 à la même date l’an dernier, où nous enregistrions déjà une baisse de près de 40 %. Parallèlement, on assiste à une explosion du nombre de demandes de conciliations : +220 % en un an et +157 % de demandes de mandat ad hoc.

Quand un chef d’entreprise fait cette démarche c’est qu’il connaît et reconnaît ses difficultés. Nous le rencontrons en portant sur son entreprise un regard bienveillant, car au tribunal nous savons ce que veut dire "le risque d’entreprendre". Nous analysons ensemble la situation et je vérifie si le plan de bataille construit par le conciliateur, avec le chef d’entreprise, tient la route. Sur 130 conciliations en 2017, nous avons enregistré un taux de réussite de 70 %.

Quelles sont les entreprises qui viennent vous voir pour cette démarche de conciliation ?

G. L. : Plusieurs typologies d’entreprises et de circonstances répondent à la question. J’en retiendrai deux qui me paraissent significatives. La crise a laissé quelques mauvaises habitudes. Certains entrepreneurs n’ont pas reconstitué leurs marges et acceptent des prises de commande à des prix trop proches de leurs prix de revient. Je vois des chefs d’entreprise qui ont des commandes mais qui n’ont plus de trésorerie, plus de fonds de roulement. Ils ont serré tous les boulons auparavant pendant la crise, ils sont au bout du rouleau. Ils ont de la richesse à créer mais plus l’oxygène suffisant pour redémarrer. C’est ce que j’appelle des maladies liées à la croissance. On peut en mourir, mais cela se soigne !

« Je vois des chefs d'entreprise qui ont de la richesse à créer mais plus l’oxygène suffisant pour redémarrer. C’est ce que j’appelle des maladies liées à la croissance. »

J’accueille aussi en conciliation des entreprises qui sont en rupture de modèle économique, parce qu’elles sont concurrencées par les différents dumping étrangers, ceux des pays d’Extrême-Orient pour les produits, ceux de certains pays de l’Est pour la prestation de services. Ils sont encore confrontés à la concurrence brutale des start-up arrivant sur leur marché. Elles ne peuvent pas se retourner en 5 minutes, alors elles nous demandent du temps. On voit que c’est une tendance de fond. Dans ce contexte, je m’inquiète de la décision du gouvernement de relever le seuil de l’obligation certification des comptes. Très souvent, ce sont les commissaires aux comptes qui m’alertent sur la situation des PMI. Avec cette réforme, je crains que beaucoup de ces petites et moyennes entreprises ne disparaissent des radars.

Beaucoup de chefs d’entreprise se plaignent de l’obligation de déposer leurs comptes…

G. L. : Je comprends qu’ils puissent le prendre comme une inquisition, mais c’est la loi. Plus de 80 % des entreprises le font. Il faut rappeler aux plus réticents qu’ils ont la possibilité de demander la confidentialité. Nous savons qu’il y a des secteurs où ces données sont stratégiques comme pour les fournisseurs de la grande distribution par exemple. Peut-être faudrait-il que les syndicats professionnels se mobilisent pour que la loi soit modifiée et qu’une petite partie des comptes seulement soit accessible.

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