Télétravail : les règles pour organiser le travail à distance après la crise sanitaire
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Télétravail : les règles pour organiser le travail à distance après la crise sanitaire

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À quoi va ressembler le télétravail après la crise sanitaire ? Si les règles ne vont pas radicalement évoluer avec la signature d'un accord national interprofessionnel, le travail à distance doit reposer sur le dialogue et le respect de la vie privée. Le point sur les modalités de mise en place, le droit et les obligations des différentes parties.

Le récent accord interprofessionnel s’apparente à un guide de bonnes pratiques et recommande aux entreprises de privilégier le cadre de la négociation — Photo : Oleksii Leonov

Un télétravail qui découle d’un dialogue et d’un accord spontané entre les personnes intéressées, à savoir l’employeur et le salarié. Ou un travail à distance massif imposé par l’employeur en période de crise sanitaire. Ces règles pourraient ne pas changer demain. L’accord national interprofessionnel (ANI) du 26 novembre 2020 vient compléter l’accord du 19 juillet 2005 qui a introduit la notion de télétravail et qui s’impose aux entreprises de tous les secteurs marchands. Il a été transposé en 2012 dans le code du Travail et a été étoffé en 2017 par les ordonnances Macron.

Privilégier le cadre de la négociation

« Les dirigeants vont demain se baser sur les mêmes règles. L’accord interprofessionnel pour une mise en œuvre réussie du télétravail présenté fin novembre par les syndicats patronaux n’a pas de caractère normatif. Il s’apparente à un guide de bonnes pratiques et recommande aux entreprises de privilégier le cadre de la négociation lorsqu’elles sont pourvues de comité social et économique, ce qui était déjà un peu le cas. Il rappelle par ailleurs que le télétravail nécessite l’obtention d’un accord écrit du salarié, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, de pandémie, de grèves généralisées, d’épisode caniculaire, situations dans lesquelles le télétravail peut être imposé par l’employeur pour protéger la santé et la sécurité du collaborateur », estime Marine Dubois, directrice offres juridiques droit social LegalPlace & Kanoon société d’avocats.

Accord collectif ou avec le salarié

Le principe de droit commun (hors cas de force majeure) qui va donc s’appliquer demain repose sur une négociation qui va aboutir à un accord collectif, ou à défaut à une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social économique (CSE), s’il existe. « Si la négociation échoue, le télétravail peut être mis en place unilatéralement par l’employeur par le biais d’une charte quelle que soit la taille de l’entreprise. En l’absence d’accord collectif ou de charte, la mise en place du télétravail est possible par accord de gré à gré entre le salarié et le dirigeant, rappelle Albin Taste, avocat spécialiste en droit du travail au sein du Cabinet Lexia. Cet accord ou cette charte unilatérale crée des contraintes des deux côtés. Par exemple, pour un poste défini comme éligible au télétravail, l’employeur doit motiver son refus de mettre en place le télétravail. Si le salarié demande de son côté trois jours de télétravail au lieu des deux jours fixés dans l’accord ou dans la charte, le dirigeant pourra refuser sans avoir à se justifier. »

Ce que doit contenir l’accord

L’accord d’entreprise doit prévoir des règles et un certain nombre d’informations : les cas retenus, comme un épisode grave de pollution, les conditions posées pour faire cesser le télétravail et retourner à une exécution normale du contrat de travail, ou encore les conditions d’acceptation et de mise en œuvre du télétravail (matériel, période d’adaptation, délai pour prévenir le salarié de la fin du télétravail).

L’accord doit par ailleurs fixer les modalités d’accès des collaborateurs handicapés à une organisation en télétravail, les règles en matière de santé et de sécurité, les conditions de contrôle du temps de travail et de la charge de travail, la détermination des plages horaires pendant lesquelles le salarié peut être contacté - qui peuvent être les mêmes horaires fixés habituellement - ainsi que le respect du droit à la déconnexion et de la vie privée. Un point très important que la pandémie a mis en évidence selon Albin Taste. « Dans un avis du 12 novembre 2020, la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés, NDLR) estime qu’il faut préserver la vie privée des salariés et considère qu’on ne peut pas, par principe, obliger un collaborateur à activer une caméra pendant une visioconférence. Pour la Cnil, il convient donc de se contenter du son et de limiter les visioconférences au maximum. Pour éviter que la Cnil signale au procureur de la République certains abus, il est recommandé de prévoir deux réunions par jour en visioconférence maximum et de l’inscrire dans la charte », estime l’avocat.

En situation épidémique, le protocole sanitaire établi par le ministère du Travail oblige les entreprises à placer les gens en télétravail à 100 %. Le salarié ne peut pas refuser, et inversement. Un dirigeant qui n’a pas recours au télétravail alors que c’est possible risque une amende de la part de l’Inspection du travail. « Il n’y a pas de force obligatoire de ce protocole sanitaire mais si un salarié contracte le Covid, l’employeur pourrait se voir reprocher un manquement à son obligation de sécurité et encourir des poursuites pénales si la personne est fortement touchée, le versement de dommages et intérêts si le salarié en fait la demande, et le risque de reconnaissance d’un accident du travail. L’employeur a donc tout intérêt à mettre en œuvre le travail à distance dans des conditions qu’il a lui-même déterminées », ajoute Albin Taste.

Prise en charge des frais

Concernant les frais engagés par le salarié dans un but professionnel, que l’on soit en période de confinement ou en principe de droit commun, le dirigeant ne peut pas refuser la prise en charge des coûts liés à l’exercice du télétravail. « Depuis 2017, la loi ne prévoit plus d’obligation expresse d’indemnisation, mais la jurisprudence est très claire. Si des frais sont engagés par le salarié pour remplacer un ordinateur pas performant, ou acquérir une imprimante, ou une connexion internet plus puissante, c’est à l’entreprise de les assumer. Cela ne va pas changer », explique Albin Taste. Deux possibilités s’offrent à l’entreprise. Elle peut opter pour un forfait de 10 euros par mois pour une journée de télétravail par semaine (20 euros pour deux journées…), comme l’explique l’Urssaf, soit pour un remboursement des frais réels. Dans ce cas, le collaborateur doit fournir des justificatifs prouvant les dépenses auxquelles il a dû faire face.

La prise en charge des frais concerne tous les surcoûts liés au télétravail mais uniquement ces surcoûts. Donc, même si le collaborateur n’a pas besoin d’équipement spécifique, « le fait d’utiliser une partie des locaux, d‘utiliser son wifi pourrait justifier une prise en charge mais, en pratique, on va rarement jusque-là. Certaines entreprises défraient leurs équipes au-delà des seuls surcoûts car le télétravail est régulier et demandé par l’employeur. Elles décident de le compenser pour inciter au travail à distance », renchérit l’avocat en droit du travail. L’employeur doit par ailleurs s’assurer que les installations électriques sont conformes. « En raison du principe du respect de la vie privée, et pour des raisons pratiques, il convient de demander au salarié de faire une attestation de conformité pour s’assurer que les installations sont aux normes », renchérit Albin Taste.

Dernier point : un salarié en télétravail acquiert les mêmes droits et avantages sociaux que les autres collaborateurs exécutant leur travail dans les locaux de l’entreprise. À ce titre, les télétravailleurs ont droit aux titres-restaurant, aux chèques-vacances, s’ils sont prévus dans l’entreprise. Un employeur ne peut donc pas décider de retirer les télétravailleurs du bénéfice de ces dispositifs.

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