Le modèle économique des cabinets de management de transition est difficile à tenir. L’une des plus grosses difficultés rencontrées consiste à garder ses managers, souvent débauchés par les entreprises où ils effectuent une mission. Pour juguler ce pillage, Steven Poinot, directeur général de Cahra, a fait un pari audacieux : embaucher ses managers en CDI, soit à contrecourant des pratiques habituelles qui privilégient les contrats courts. Il les rémunère, y compris entre deux missions, qu’ils effectuent en moyenne durant huit mois dans des entreprises en chamboulement (en hypercroissance, en changement de modèle, en gestion de crise, etc.).
Qualités d’écoute et d’ouverture
Implanté à Nantes, le cabinet compte aujourd’hui une cinquantaine de managers en France, dont une trentaine actuellement en mission chez les clients. "Les deux tiers sont en CDI", souligne Steven Poinot. Trouver des prétendants à ce nouveau métier n’est pas la difficulté, selon lui. "Environ 50 % des managers pourraient exercer comme manager de transition, grâce à un parcours de vie fait de haut et de bas, ce qui leur offre un socle robuste pour faire face à la nouveauté", précise Steven Poinot. Mais pour franchir le pas, il faut également des qualités d’écoute, et être ouvert à des changements de vie personnelle, car le métier nécessite de nombreux déplacements. "Au final, 7 à 8 % des managers auraient toutes les qualités pour ce métier". Mais si les attirer ne semble pas si complexe, grâce à la nouveauté et l’originalité des missions, les conserver au sein de l’entreprise est une autre paire de manches.
Un nouveau type de contrat
En plus de proposer des CDI, le groupe Cahra a étoffé sa stratégie pour éviter de perdre ses talents. "Nous impliquons nos collaborateurs dans notre politique de rémunération. Tous nos managers ont le même salaire. C’est à la fois un atout et un frein à l’embauche, car certains ont des prétentions salariales plus élevées", analyse Steven Poinot. Au-delà de cette implication, une vingtaine de salariés sont également actionnaires de l’entreprise. "Ils possèdent 29 % du capital", ajoute le directeur général. Dernière innovation en date, Cahra vient de lancer un CDI d’un nouveau genre, le "CDI agile". Ce contrat vise à répondre aux envies de voyage de certains salariés peu adeptes des contraintes du CDI classique. Certains avaient émis le souhait de partir durant quelques mois. Or, Cahra ne pouvait pas les faire enchaîner les CDD légalement. Avec ce nouveau contrat, le salarié, qui choisit de partir trois mois, touchera neuf mois de salaire mais qui seront répartis sur tous les mois de l’année. "Nous n’avons jusqu’alors pas observé de fuite des talents, mais c’est justement en prévention de celle-ci que nous avons mis en place ce contrat", justifie le directeur.
Doubler le chiffre d’affaires
La stratégie globale déployée semble payante. Sur les trois dernières années, seuls deux managers sont partis de Cahra, cédant à des propositions faites par les sociétés où ils étaient en mission, et qui apportaient donc plus de stabilité géographique. En 2023, l’entreprise a réalisé une soixantaine de missions, pour 8 millions d’euros de chiffre d’affaires. "Nous visons les 10 millions d’euros en 2024, et 16 millions d’euros d’ici 2026, car le marché est en croissance. Pour cela, nous recruterons 20 à 25 nouveaux managers au cours des trois prochaines années".