La société Sophim, installée à Peyruis dans les Alpes-de-Haute-Provence et positionnée sur le marché des ingrédients naturels pour la cosmétique, a récemment levé 20 millions d’euros. Notamment auprès du fond régional Smalt Capital, partenaire de l’entreprise depuis 2014. Seul investisseur financier en capital, Smalt Capital a apporté 4,5 millions d’euros, le reste de la somme provenant d’un accompagnement bancaire et d’un financement en "obligations relance". Cette nouvelle levée de fonds (la troisième réalisée par Sophim) fait suite à celle de 3,5 millions d’euros réalisée en 2019, qui avait déjà permis à la société de 75 salariés d’accroître sa production au sein de sa filiale espagnole. "Depuis 2019, nous avons doublé de taille, malgré toutes les turbulences que nous avons traversées : pandémie du Covid-19, guerre en Ukraine, inflation, hausse des prix de l’énergie… ", commente en préambule Alexis Margnat, qui dirige Sophim avec son père, Jacques, qui l’avait rachetée à Grasse dans les années 1992, avant de l’installer à Peyruis en 1995. Avec cette nouvelle levée de fonds, l’entreprise envisage de doubler à nouveau sa production sur ses deux sites de fabrication, à Peyruis et à Alméria, en Espagne. L’objectif étant de faire passer la société du statut de PME à celui d’ETI.
Des ingrédients naturels comme le squalane pour la cosmétique
La société Sophim est aujourd’hui l’un des leaders de la production de squalane. Cette molécule peu connue est l’un des ingrédients naturels largement utilisés dans le monde de la cosmétique, notamment pour ses propriétés hydratantes. "Le squalane représente près de 70 % de nos ventes", précise Alexis Margnat, rappelant que ce produit est issu du squalène. " En d’autres termes, le squalane est le produit hydrogéné du squalène, ce qui le rend plus stable et moins susceptible de s’oxyder. Il est ainsi un choix plus attrayant pour les applications cosmétiques. D’origine végétale, fabriqué à partir d’huile d’olive, le squalane est ensuite vendu sous forme d’huile inodore et incolore à plus de 300 entreprises du monde de la cosmétique, de toutes tailles, de LVMH à Pierre Fabre ou encore l’Occitane jusqu’aux plus petites structures", explique le dirigeant. Son entreprise produit 600 tonnes de squalane par an sur un marché mondial d’environ 1 000 tonnes annuelles. Le squalane est ainsi incorporé dans les crèmes, les produits de maquillage…
Développement à l’international, en Amérique
Sophim réalise 75 % de ses 33 millions d’euros de chiffre d’affaires à l’international. " Nous avons toujours été positionnés à l’export, depuis le tout début. Nous travaillons dans les différents pays via des distributeurs exclusifs. La plupart sont des partenaires que nous connaissons depuis plus de vingt ans ", indique Alexis Margnat. Sophim vend toutefois en direct dans deux pays : la France et l’Espagne, depuis le rachat de son distributeur local. Les pays européens (Italie, Allemagne, Espagne, Grande-Bretagne, Pologne, Suisse, Scandinavie) représentent 60 % des ventes de l’entreprise, qui s’est ensuite implantée également en Asie et qui recommence à se positionner en Amérique. " En janvier 2024, nous recommençons en effet à attaquer ce marché avec un nouveau distributeur, spécialisé dans la cosmétique. Cela peut paraître peu, mais nous préférons rester concentrés avec un seul partenaire qui a la capacité de couvrir l’ensemble du territoire plutôt que de confier nos ventes à plusieurs structures. En Chine, où nous n’avons qu’un distributeur, nous avons enregistré une croissance de 40 % en 2023 ", poursuit le dirigeant.
L’Amérique représente actuellement 3 % du chiffre d’affaires de Sophim. " Nous devrions pouvoir atteindre les 20 % d’ici à quatre ans. Notre nouveau partenaire est une entreprise de taille moyenne, qui compte près de 200 salariés, et nous partageons les mêmes valeurs. Il faut que nous représentions quelque chose d’important pour nos distributeurs pour que la croissance soit au rendez-vous pour les deux parties ", confie encore Alexis Margnat.
Producteur de bio carburant en Espagne
Depuis 2019, Sophim a investi près de 12 millions d'euros dans son site de production espagnol, à Alméria, acquis en 2014. "Le squalène est issu de l’huile d’olive, dont nous achetons l’essentiel en Espagne. Or, l’huile d’olive ne contient que 5 % de squalène. Nous nous sommes rendu compte que nous faisions surtout voyager 95 % de coproduits. Depuis cette date, avec tous les investissements réalisés à Alméria, nous avons multiplié par dix le teneur en squalène des produits que nous recevons à Peyruis. Ce qui est notamment très important, non seulement pour notre bilan carbone, mais également pour nos coûts logistiques", précise le patron. Sophim est allé encore plus loin.
L’entreprise est en effet devenue opérateur pétrolier, depuis 2015 en Espagne, et produit du diesel à partir des résidus de l’extraction du squalène. En devenant producteur de bio diesel, elle a ainsi augmenté ses marges. Le site d’Alméria a une capacité de traitement de 8 000 tonnes de matières premières. La nouvelle levée de fonds va permettre d’amener ce site à pouvoir absorber jusqu’à 30 000 tonnes de matières premières à terme. "Indirectement, nous doublerons notre capacité de production de squalane à Peyruis par deux", précise-t-on du côté de la direction.
Transformation du site de Peyruis
Cinq millions d’euros d’investissement sont ainsi prévus dans les Alpes-de-Haute-Provence, où l’entreprise va ainsi s’agrandir (laboratoire, salle de conditionnement, entrepôt logistique…) sur un terrain mitoyen à celui qu’elle occupe actuellement. "Cet investissement va également nous permettre de poursuivre notre démarche RSE (Responsabilité sociétale des entreprises) et d’offrir un cadre de travail encore plus agréable à nos équipes, avec salle de sport, cafétéria… Notre sensibilité RSE nous distingue de concurrents moins respectueux de l’environnement et de l’humain, comme certains en Chine. Ils sont moins chers, mais nous avons une démarche qui parle à nos clients. L’industrie cosmétique est sensible à cet élément", déclare encore le dirigeant de Sophim.
L’entrée en production des nouveaux équipements est prévue pour le second semestre 2024 pour atteindre une vitesse de croisière à la fin 2024. "Nous sommes sur des process que nous connaissons déjà bien. L’investissement est important, mais aujourd’hui nous avons une équipe efficace sur place", déclare le dirigeant. L’entreprise travaille également sur la possibilité de transformer ses coproduits en sels qui entrent dans la composition d’engrais. "Pour rester compétitif, il est essentiel de tout valoriser", conclut Alexis Margnat.
