La question du sens au travail revient de manière récurrente dans les discours de tous ceux qui s’intéressent au travail, à son organisation, et de manière plus générale à l’activité économique et aux entreprises. La perte de sens du travail est désignée comme une des causes des pathologies et dysfonctionnements qui touchent les salariés et les organisations : burn-out, bore out (ennui), bullshit job (emploi inutile), management toxique, etc. Il est sans doute vrai, particulièrement dans les grandes entreprises, qu’il est parfois difficile pour les salariés de bien percevoir à quoi servent toutes ces heures passées à travailler et qui représentent une part plus qu’importante de leur temps de vie.
Une nouvelle logique
Pour comprendre l’impact de cette perte de sens sur le fonctionnement des entreprises, il faut analyser la manière dont elles ont fait évoluer, au cours des dernières décennies, le rapport qu’elles entretiennent avec ce qui constitue leur projet.
L’entreprise de la seconde partie du XXe siècle s’est structurée autour d’un projet qui se confondait avec son métier, l’identifiait en tant qu’entreprise et lui donnait sa personnalité. Ainsi, Citroën ou Renault sont-ils des constructeurs automobiles, Leclerc ou Carrefour des distributeurs, etc. Or, les entreprises qui se diversifient à un rythme de plus en plus rapide, ne sont plus aussi facilement identifiables par un métier ou un produit.
Parallèlement, sous l’effet de la financiarisation de l’économie, les objectifs de l’entreprise sont souvent définis en termes de performance financière et de valorisation de l’investissement des actionnaires.
Du coup, le projet porté par l’entreprise devient plus difficilement identifiable et le salarié a de plus en plus de mal à comprendre quelle est sa place avec, pour corollaire, le risque d’une perte du sens de sa contribution au fonctionnement de l’entreprise et à sa performance.
En l’espace de quelques années, les collaborateurs des entreprises sont ainsi passés d’une situation dans laquelle ils contribuaient à un projet précis (fabriquer de bonnes voitures, fournir un service aux personnes, etc.) à une ambition entrepreneuriale qui vise à produire du rendement financier à travers leur participation à des actions qu’ils maîtrisent de moins en moins. Il y a donc urgence pour les entreprises à redonner du sens à leur projet pour remobiliser leurs collaborateurs et gagner ainsi en performance.
