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Pourquoi l'ancien patron de Proservia a repris la PME bretonne Safar
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Pourquoi l'ancien patron de Proservia a repris la PME bretonne Safar

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Après avoir créé plusieurs entreprises à Nantes, dont Proservia, revendue en 2011, et Wemoov, Thierry Congard a décidé de sortir de sa zone de confort en reprenant, en avril 2018, le fabricant de housses et tapis pour automobile Safar, en Ille-et-Vilaine.

L'ancien PDG de Proservia Thierry Congard a repris en avril 2018 le fabricant bretillien de tapis et de housse pour automobile Safar — Photo : Pierre Gicquel

Thierry Congard est ce que l’on peut appeler un entrepreneur accompli. Créateur de l’entreprise d'informatique Proservia (2 600 salariés, 151 M€ de CA en 2016) à Nantes en 1994, il la revend en 2011 au groupe Manpower pour 30 millions d'euros, alors qu’elle comptait déjà plus de 900 salariés. « Nous sommes passés en 18 ans de 0 à 54 M€ de chiffre d’affaires, nous avons vécu une entrée en bourse en 2006, sept croissances externes et sept créations d‘entreprises en parallèle », résume celui qui n'a plus rien à prouver dans les affaires.

Pourtant, après un break aux Etats-Unis en famille de 2011 à 2016 avec l'idée d'exporter le concept d'une de ses entreprises, Whatsup, depuis close, il retrouve le Grand Ouest français et crée la start-up WeMoov (20 salariés, 345 000 € de CA en 2017). C'est dans cette même dynamique qu'il a décidé de se lancer un nouveau challenge : sortir de l'informatique pour découvrir la fabrication industrielle.

« Safar est une belle endormie »

« J’ai un parcours atypique, celui d’un fils de cantonnier de la région de Lannion, autodidacte, qui a tenté deux fois son bac informatique sans l’obtenir, mais à qui on a donné sa chance. J’avais cette fois envie de voir autre chose tout en essayant d’appliquer la recette qui avait fait le succès de Proservia ».

Après deux tentatives infructueuses de reprise d'entreprise, « où nous étions finalistes, comme des Poulidor », leur offre de reprise de la PME familiale Safar (50 salariés, 5,2 M€ de CA en 2017), fondée en 1965 à Argentré-du-Plessis, près de Vitré (Ille-et-Vilaine), l’emporte.

« En expliquant que nous ne sommes pas un fonds d'investissement et qu'on aurait pu rester chez nous sans rien faire, tout le monde est solidaire du projet. »

Spécialisée dans la conception, la fabrication et la distribution de housses de siège auto et tapis de sol, elle était dirigée jusqu'ici par la petite-fille de son fondateur. « Je pense qu’elle vivait la solitude du chef d’entreprise. Une solitude que j’ai connue avec Proservia et qui m’avait amené à revendre. Safar est une belle endormie. Du bon travail a été fait, mais l’avenir est prometteur.»

Cela sonne presque comme un conte de fées mais Thierry Congard est du genre réaliste. Pour éviter de reproduire les erreurs du passé, il est venu cette fois accompagné d’un ami de longue date, Yann-Hervé Mével, rencontré sur les bancs de Steria il y a plus de vingt ans et parti ensuite mener carrière chez PSA puis Volkswagen, dans le financement de véhicules pour les entreprises.

Une méthode qui peut surprendre

« La housse, ça ne fait pas rêver en France. Mais nous sommes très attachés au savoir-faire français. Quand nous avons vu la dextérité des piqueuses, le sourire et le professionnalisme des salariés, on s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire », affirme Yann-Hervé Mével. « La qualité humaine n’est pas inscrite dans les livres de compte, mais c’est primordial », poursuit Thierry Congard.

Le binôme est arrivé avec des méthodes qui surprennent, en déjeunant par exemple avec les salariés, mais aussi avec un modèle à vocation sociale : « Nous favorisons l’envie par rapport aux compétences ou aux diplômes. Et cela n’empêche pas de se développer. J’ai recruté 300 personnes de cette manière chez Proservia et ces éléments ont prouvé leur compétence. »

Comme la plupart des PME du secteur, Safar peine à recruter. Le binôme espère donc attirer de nouveaux salariés grâce à ce volet, en y ajoutant un plan de carrière consistant en une revalorisation salariale annuelle par l’obtention de nouvelles certifications par le salarié.

Détail de la confection d'une housse de siège auto — Photo : Pierre Gicquel

Réorientation vers le haut de gamme

Racheter une entreprise ne suffit pas pour qu’elle renoue avec la croissance. « Safar a une réputation sérieuse, un bon rapport qualité-prix et 7 000 références, énumère Yann-Hervé Mével, mais des marges inexistantes sur certains produits ». S’ils ne sont encore qu’à l’étude des tableaux de bord, ils annoncent déjà l’arrêt de certaines gammes de produits et une réorientation vers le haut de gamme. « Nous allons aussi viser de nouveaux marchés évidents, comme la housse pour moto, vélo ou scooter. Et peut-être aussi les bateaux et camping-car. En couplant notre savoir-faire en informatique, nous pourrions développer une housse connectée », envisage Thierry Congard.

Côté investissement, après la conception en interne d’un robot de manutention, « un projet attendu depuis deux ans par les salariés et réalisé en quelques mois », c’est l'infrastructure informatique qui sera revue de fond en comble, le site e-commerce compris.

Lors de son dernier exercice, Safar présentait un chiffre d'affaires de 5,2 M€, mais l'ambition du duo d'entrepreneurs est de doubler ce chiffre dans les deux ans. « Nous sommes déjà à +20 % de commandes. Pour tenir les délais, nous avons repensé l’organisation avec les instances du personnel. Les horaires décalés ont été acceptés, ce qui en a surpris plus d'un, mais quand on explique son projet aux salariés, en précisant que nous ne sommes pas un fonds d'investissement et qu'on aurait pu rester chez nous sans rien faire, tout le monde est solidaire du projet », conclut le nouveau PDG.

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