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Pluie de cash sur les jeunes pousses françaises
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Pluie de cash sur les jeunes pousses françaises

Les start-up sont de plus en plus nombreuses à réaliser des levées de fonds en France, près de 5 milliards d’euros au premier trimestre 2022, contre 10 milliards sur toute l’année 2021. Une croissance qui s’explique notamment par la présence de grands fonds d’investissement étrangers.

Stéphane Villard, associé Corporate Finance Advisory chez Deloitte — Photo : DR

250 millions d’euros en janvier pour Ankorstore, une marketplace qui met en relation les commerçants indépendants et les marques. 450 millions d’euros le même mois pour BackMarket, start-up spécialisée dans le reconditionnement d’appareils électriques et électroniques. 53 millions d’euros en février pour la plateforme de prévention des risques au travail Padoa. À l’évidence, si l’on en juge par les levées de fonds réalisées par une poignée de start-up françaises début 2022, il est désormais facile pour les jeunes pousses de trouver de l’argent pour financer leurs projets.

Un phénomène inédit

Plus de 10 milliards d’euros ont ainsi été levés par les start-up hexagonales en 2021, selon KPMG, et déjà la moitié de cette somme sur le seul premier trimestre 2022. Le mouvement s’accélère et s’amplifie. "C’est assez inédit. Il y a actuellement beaucoup d’argent disponible sur les marchés", reconnaît Jean-Pierre Valensi, associé, responsable Capital Markets Advisory chez KPMG. Ces montants colossaux s’expliquent par la réalisation de grosses levées de fonds – quatorze opérations supérieures à 100 millions d’euros ont été recensées depuis le début d’année contre seulement trois sur la même période de l’an passé –, avec notamment trois méga levées de fonds significatives. "Plus d’un milliard d’euros a été levé par trois entreprises, à savoir Payfit (256 M€, logiciels de paie), Qonto (486 M€, néobanque) et Exotec (335 M€, robots)", relève Stéphane Villard, associé Corporate Finance Advisory chez Deloitte.

Si ces méga levées de fonds se multiplient, c’est notamment dû à la présence de grands fonds d’investissement étrangers – américains, anglo-saxons ou japonais – et à l’arrivée de nouveaux acteurs comme les hedge funds (l’américain Tiger Global est entré au capital de Qonto et de Spendesk). "Les jeunes pousses ne sont plus cantonnées aux investisseurs français. La France est perçue comme un marché international pour les investisseurs asiatiques et américains, ce qui change la dynamique de financement", constate Stéphane Villard. Mais attention, si les start-up françaises ont réussi à retrouver la confiance des investisseurs après une année 2020 difficile, Covid oblige, cette pluie de milliards pourrait ne pas durer. "Cette situation est en partie due à des évolutions sous-jacentes comme la baisse des valeurs technologiques aux États-Unis et la hausse des taux d’intérêt", met en garde Jean-Pierre Valensi.

Dans l’air du temps

Parmi les secteurs qui ont mené la danse des levées de fonds en 2021, on retrouve l’e-commerce, les logiciels, les Fintech et les nouvelles technologies, l’automatisation, l’intelligence artificielle, la santé et l’e-santé, qui ont connu une croissance spectaculaire suite à la pandémie, et enfin tout le secteur de la deeptech (création de start-up à partir de transferts de technologies des laboratoires de recherche publics et privés), qui commence à trouver son marché. "Nous constatons un mouvement de fond sur la notion de durabilité qui entre désormais en ligne de compte pour les investisseurs. Ce phénomène est assez nouveau", constate Jean-Pierre Valensi.

Au-delà d’appartenir à un secteur jugé stratégique par les investisseurs, les start-up qui veulent séduire les fonds doivent cocher un certain nombre de cases. "Cet afflux d’argent ne veut pas dire que toutes les start-up parviennent à lever des fonds. Il y a de plus en plus de projets présentés. Les dossiers sont analysés avec attention", explique Jean-Pierre Valensi. Règles d’or à respecter : avoir un produit ou un service qui commence à démontrer une bonne adéquation avec le marché ; disposer de premiers clients dans différents univers (BtoB/BtoC) et différentes zones géographiques ; se positionner sur un marché suffisamment défini et large pour permettre une conversion potentielle importante ; avoir une réelle aspiration business sans pour autant être déjà rentable. "Si la valeur de l’équipe a toujours été un élément clé d’un projet, il est primordial aujourd’hui pour convaincre d’avoir d’une équipe déjà constituée, qui fonctionne bien avec au moins trois piliers (CEO, marketing, technique), pour rassurer les investisseurs", rapporte Stéphane Villard.

C’est pourquoi il vaut mieux attendre d’avoir cette maturité corporate pour lever des fonds plutôt que de se précipiter avec pour tout bagage son seul projet au risque de faire chou blanc.

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