Marketing territorial : Mulhouse veut sa part de lumière
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Marketing territorial : Mulhouse veut sa part de lumière

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Alors que Strasbourg donne un nouvel élan à sa stratégie de marketing territorial, Mulhouse a dévoilé en début d’année ses chantiers prioritaires pour rendre l’agglomération plus attractive. A l'échelle du petit territoire alsacien, ces deux stratégies peuvent-elles cohabiter sans se télescoper ?

Mulhouse veut capter plus d’investissements et attirer davantage d’entreprises. Pour cela, la cité haut-rhinoise va miser sur le marketing territorial et un réseau d’ambassadeurs. — Photo : CC0

À côté de la marque Alsace, née en 2012, et de la vision construite par l’Eurométropole autour de l’identité européenne de la ville, Strasbourg The Europtimist depuis 2011, le territoire comptera peut-être demain une nouvelle marque portée par Mulhouse. En s’inspirant des actions mises en place par Strasbourg ces dernières années, l’agglomération travaille en tout cas activement depuis un an à la définition d’une stratégie de marketing territorial visant à faire la lumière sur ses atouts. En espérant capter demain une plus grande partie des investissements et implantations d’entreprises réalisés en Alsace.

« Bien sûr, on ne joue pas dans la même cour que l’Eurométropole, concède Laurent Riche, vice-président de Mulhouse Alsace Agglomération (M2A) en charge de l’attractivité économique. Mais Mulhouse, après des années de développement endogène, et un petit complexe d’infériorité, entend aujourd’hui mieux valoriser ses atouts pour capter des richesses de l’extérieur », poursuit-il. Parmi les points forts de la ville, sa proximité avec l’Allemagne et la Suisse, mais aussi avec la Franche-Comté, et la présence d’un aéroport international. « Nous voulons nous réorienter vers des secteurs d’excellence comme le fait Strasbourg », indique-t-il : les technologies médicales pour la cité bas-rhinoise, l’internet des objets pour Mulhouse, mais aussi le textile technique ou l’automobile, en capitalisant sur l’histoire industrielle locale.

Premiers jalons pour Mulhouse

Si Mulhouse pose aujourd’hui les jalons d’une stratégie marketing, la pratique a déjà fait école ailleurs. « Le marketing territorial, cela existe depuis dix ans dans les territoires et les métropoles. Cependant, il n’existe pas de méthode unique. L’Eurométropole de Strasbourg (EMS) fonde son marketing territorial sur son projet de développement économique et sa stratégie d’attractivité Strasbourg Eco 2030 », souligne Damien Roy, chef de projet marketing territorial au sein de l’Eurométropole de Strasbourg.

Et cette démarche initiée en 2011 semble avoir déjà porté ses fruits. En effet, sur l’ensemble de l’année 2017, l’Insee recensait 4 907 entreprises créées dans l’EMS. Cette croissance de 10,8 % en un an a représenté un record depuis 30 ans.Strasbourg espère poursuivre dans sa lancée. En capitalisant notamment sur l’émergence de nouveaux quartiers d’affaires - Archipel, près du Parlement européen et Deux Rives vers la frontière avec l’Allemagne - la métropole vise la création de 27 000 emplois à l’horizon 2030.

L’Eurométropole, moteur de la création d’entreprises

Cependant, Mulhouse estime disposer d’atouts différenciants qui pourraient, mieux valorisés, lui permettre de flécher vers son territoire certains projets d’entreprises ou d’investisseurs. « Mulhouse bénéficie d’une situation privilégiée sur le Rhin supérieur, nœud autoroutier et ferroviaire qui sera encore renforcé par la mise en œuvre de projets structurants, telles que la réalisation de la liaison ferroviaire Bâle-Mulhouse ou encore le développement ferroviaire Marseille-Mulhouse », valorise ainsi Marc Buchert, vice-président de M2A en charge de l’aménagement de l’espace communautaire et des grandes infrastructures de transport.

L’agglomération regarde particulièrement du côté de la Suisse. La ville frontalière de Bâle, poumon économique, fait aujourd’hui face à des problématiques de fonciers incitant les acteurs économiques à s’intéresser aux opportunités offertes de l’autre côté de la frontière. Une réalité qui bénéficie déjà à Saint-Louis, mais qui pourrait se propager demain à Mulhouse.

« Nous apportons aux entreprises du foncier : disponibilités pour l’industrie et la logistique au nord de Mulhouse, le tertiaire au parc des Collines, l’industrie du futur et le numérique dans le quartier en reconversion de la Fonderie, le tertiaire supérieur à la gare… Sans compter les ports, qui disposent de 120 hectares aménageables dont 60 immédiatement », détaille Marc Buchert.

Strasbourg The Europtimist  : les entreprises à la gouvernance

En janvier dernier, lors de la cérémonie des vœux au monde économique – une première sur le modèle de ce que l’Eurométropole de Strasbourg organise depuis plusieurs années déjà –, Mulhouse a révélé 10 chantiers prioritaires sélectionnés à l’issue d’une démarche de réflexion collective pluridisciplinaire portée par M2A et la CCI Sud Alsace Mulhouse et initiée un an plus tôt avec l’ensemble des acteurs économiques du territoire. « Jusqu’à présent, plein d’acteurs locaux se mobilisaient, comme la CCI, la Société Industrielle de Mulhouse ou encore le think tank “Mulhouse, j’y crois”, mais ils ne parlaient pas d’une même voix », pointe Laurent Riche.

Parmi ces chantiers, désormais à mettre en œuvre, figurent par exemple la création d‘un guichet unique, un portail pour aiguiller entrepreneurs, investisseurs et étudiants vers les acteurs ressources en fonction de leurs besoins, un parcours d’enseignement international ou encore un grand événement structurant pour Mulhouse à l’image de la fête des lumières de Lyon…

L’ambition est aussi de constituer un réseau d’ambassadeurs - dont le profil et l’identité restent à définir. L’EMS, qui elle aussi a profité de ses vœux au monde économique pour renouveler sa démarche Strasbourg The Europtimist, a également opté pour cette stratégie en la poussant plus loin. « La nouveauté dans la méthode, c’est un marketing partenarial. La collectivité est à l’amorçage puis les entreprises participent à la gouvernance. Depuis 18 mois, 25 entreprises participent au travail aux côtés de cinq collectivités : l’EMS, la CCI, l’Université de Strasbourg, la Région Grand Est et le Département du Bas-Rhin. Ces entreprises ont été retenues pour des enjeux d’attractivité et pour leur représentativité du tissu économique local. Il s’agit d’une démarche partenariale qui crédibilise l’action », précise Damien Roy.

Reste pour Mulhouse la question du budget. Celui que consacre l’EMS à cette démarche marketing est de 360 000 € pour 18 mois dont notamment une campagne d’affichage dans les gares et métros parisiens chiffrée à 175 000 €. Et les entreprises ont l’air d’apprécier la démarche. Le constructeur de véhicules Lohr Industrie à Hangenbieten (2 000 personnes, CA 2018 : 624 M€), est l’une des entreprises de cette gouvernance commune. Lors des comités de pilotage et comités techniques, Lohr Industrie, comme les 25 autres entreprises, évalue depuis près de deux ans les actions de l’EMS en termes d’attractivité. Pour Jean-François Argence, directeur des nouvelles mobilités chez Lohr Industrie, « cette démarche collective est intéressante pour apporter de la notoriété et parler de notre industrie locale. L’Alsace est une terre industrielle parfois méconnue. Avec ce canal institutionnel et ce jeu collectif, ça va plus vite et notre territoire est davantage identifié ».

L’offensive de Mulhouse fera-t-elle de l’ombre à Strasbourg ? Si le risque que l’attractivité de l’une puisse nuire au dynamisme de l’autre existe, Laurent Riche penche plutôt pour un « rééquilibrage entre Strasbourg et Mulhouse. Nous vivons l’Alsace différemment, nous avons chacun des atouts à valoriser », estime l’élu. D’autant que les deux villes ne font pas cavaliers seuls : elles travaillent plutôt de concert, au sein du Pôle Métropolitain que les deux agglomérations ont créé en 2012, élargi à Colmar en 2015 et depuis mars à Saint-Louis et Haguenau, dans l’optique de parler d’une voix en valorisant le potentiel économique et touristique du sillon rhénan.

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