Lepage, la petite bijouterie devenue une référence du luxe
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Lepage, la petite bijouterie devenue une référence du luxe

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Fondée en 1922 au Havre, la joaillerie Lepage s’est imposée comme une référence à Lille depuis les années 1970. La PME familiale, qui distribue plusieurs grandes marques de bijoux comme de montres, a également relancé sa propre gamme de produits. Elle redéploie cette année son réseau de boutiques, avec plusieurs ouvertures. Et performe sur internet.

Lepage a lancé en 2019 sa marque propre. Elle vend quelque 4 000 pièces par an sous son nom — Photo : Lepage - Maison Lepage

Chez Lepage (106 salariés, 30 M€ de CA), le bijou est une affaire de famille depuis plus d’un siècle. Depuis 1922 exactement, quand les frères Lepage, Gaston et Raoul, fondent une bijouterie à leur nom au Havre. Ils perpétuent en fait déjà la tradition familiale, puisque leurs parents tenaient un négoce de montres et chapeaux, dans un village normand. Le succès venant, Gaston s’en va ouvrir une deuxième boutique à Rouen, rue Jeanne d’Arc, qui devient rapidement la plus grande bijouterie de France. Pierre, l’un de ses trois enfants, choisit de partir s’installer à Lille en 1970, pour ouvrir un magasin encore plus vaste. L’un de ses fils, Jean-Pierre, et son épouse Françoise reprennent ensuite le flambeau de la boutique nordiste.

La suite est racontée par sa fille, Julie Lepage. Avec ses deux frères, Sébastien et Édouard, elle représente aujourd’hui la cinquième génération de dirigeants familiaux, entrée progressivement dans l’entreprise depuis 2012. "Chaque génération a laissé son empreinte, fait des choix radicaux, retrace Julie Lepage. Il y a eu l’ouverture à Rouen, puis l’installation à Lille pour mon arrière-grand-père et mon grand-père. Et puis, la décision de mes parents de déménager la boutique lilloise place du Théâtre. C’était dans les années 1990, avant que ne soit entamée la rénovation du Vieux-Lille. C’était un choix très audacieux pour l’époque, d’ailleurs mon grand-père était absolument opposé à cette idée, qui avec le temps s’est pourtant révélée visionnaire…"

Un métier en constante évolution

Réinventée tout au long du siècle, la maison Lepage s’est ainsi adaptée aux évolutions de la profession. "Pendant longtemps, le métier a vraiment été très différent de ce que l’on connaît aujourd’hui. Les magasins étaient immenses, on y vendait des montres et des bijoux mais aussi, des chapeaux, des arts de la table, on faisait les listes de mariage… J’ai grandi avec mes frères dans la boutique de la rue Nationale, on nous interdisait de courir parce qu’il y avait cette immense table Lalique en cristal qui y était exposée… Ce sont des produits qu’on ne propose plus du tout aujourd’hui" se remémore Julie Lepage.

Au sein de boutiques plus petites et plus feutrées, pensées comme des cocons, Lepage se recentre donc sur la distribution de bijoux et montres de luxe. L’enseigne est partenaire et parfois seul distributeur au nord de Paris de marques prestigieuses, comme Boucheron, Dior, ou Rolex. La fabrication de bijoux, qui fait partie de l’ADN de Lepage, occupe également une place prépondérante.

Créateur de bijoux depuis 1939

"Depuis 1939, nous proposons nos propres lignes de bijoux, surtout des alliances et des bagues de fiançailles. L’un de mes grands-oncles, Jacques, dessinait et a même eu son propre atelier à Paris. Il fabriquait pour Lepage et d’autres maisons", pose fièrement Julie Lepage.

Précieusement documentée, cette histoire familiale nourrit encore la créativité de Lepage, qui a lancé en 2019 sa marque propre (jusqu’ici les produits créés n’affichaient pas de marque).

L’identité de la maison Lepage a aussi été entièrement repensée pour souligner l’excellence des matériaux et de son savoir-faire. Les ventes en marque propre représentent environ 15 % du chiffre d’affaires de Lepage, qui réalise également 15 % de son activité via la vente en ligne.

"Si chaque génération a laissé son empreinte, je pense que pour la nôtre, ce sera le lancement de notre marque et la mise en place du site internet. C’est mon frère Sébastien qui a porté le projet de site e-commerce quand il est entré dans l’entreprise, en 2012. À l’époque c’était très précurseur, beaucoup de grandes maisons n’étaient absolument pas présentes en ligne. Lepage.fr s’est rapidement imposé comme le premier site de vente de joaillerie multimarque en France, souligne Julie Lepage. Pour ma part, j’ai rejoint l’entreprise en 2016 pour travailler sur la refonte de la marque Lepage avec ma mère."

Cinq nouvelles boutiques

Cette nouvelle génération de dirigeants aura aussi orchestré le redéploiement des boutiques Lepage. À Lille, deux nouvelles boutiques ont ouvert en décembre dernier, à deux pas de celles de la Place du Théâtre. Une échoppe en franchise, dédiée à la marque horlogère Tag Heuer, et une autre, aux couleurs de Time Collector, l’enseigne de montres en seconde main créée par Lepage. Une autre adresse a également ouvert au Touquet. Dédiée pour le moment aux montres Tudor, elle devrait prochainement, devenir une bijouterie Lepage à part entière.

En Normandie, Lepage a racheté, à l’été 2023, le bijoutier Milliaud, qui comptait une boutique au Havre et une autre à Rouen. "C’est notre concurrent historique, une PME familiale comme la nôtre. Selon la légende, les anciennes générations en seraient venues aux mains jadis, sur la place du Marché du Havre, pour une histoire de prix. Ils n’avaient pas de candidats familiaux à la reprise, nous avons saisi l’occasion," ponctue Julie Lepage. La joaillerie Lepage du Havre a été transférée au sein de l’ancienne boutique Milliaud, mieux agencée. Rouen de son côté compte désormais deux bijouteries Lepage.

Une période de consolidation

La PME aborde donc 2024 plus forte que jamais, avec neuf points de ventes, en comptant le site internet. Et en ayant franchi la barre symbolique des 100 salariés. "Pour 2024, nous avons prévu de consolider le réseau de nouvelles boutiques, et d’accélérer sur la structuration de l’entreprise", annonce la dirigeante. Celle-ci n’exclut pas pour autant de nouvelles opérations de croissance externe. " ll y aura peut-être des occasions de rachat qu’on ne voudra pas laisser passer. Nous ne nous interdisons rien", confie Julie Lepage.

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