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Le bonus écologique revu et corrigé pour favoriser la production européenne de véhicules électriques
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Le bonus écologique revu et corrigé pour favoriser la production européenne de véhicules électriques

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Le bonus écologique se convertit à la souveraineté industrielle. Les nouvelles règles de la prime à l’achat se complexifient pour mieux privilégier la production française et européenne de voitures électriques. Un moyen de barrer la route à la concurrence chinoise, sous couvert de protection de l’environnement.

L’État va réserver le bonus écologique aux véhicules électriques les plus respectueux de l’environnement tout au long de leur cycle de fabrication. Ce qui devrait disqualifier de fait les modèles en provenance de Chine — Photo : www.lipik.com.ua

Un bonus écologique 2024 à l’arrière-goût de protectionnisme industriel. Le gouvernement a décidé de revoir de fond en comble le fonctionnement de sa prime à l’achat de véhicules électriques ou hydrogène dès la fin de cette année. Avec, à la clé, un changement de philosophie radical.

L’idée n’est en effet plus de distribuer cette aide à toutes les voitures jugées propres, en fonction, principalement, de leurs émissions de CO2 à la sortie du pot d’échappement. Non, il s’agira dorénavant de la réserver à quelques modèles, en considérant leur empreinte carbone globale, c’est-à-dire leur impact environnemental à toutes les étapes qui ont précédé la vente (fabrication, assemblage et acheminement vers la France). Le tout avec un but assumé - privilégier les voitures les plus vertueuses tout au long de leur cycle de vie… et un autre plus inavouable - faire barrage à la concurrence chinoise et ses produits à bas prix.

Casse-tête administratif en vue pour les constructeurs automobiles

Mais avant d’en arriver là, cette révolution environnementale va surtout se traduire par un big bang administratif pour les constructeurs. Pour décrocher l’éligibilité de leurs véhicules au bonus écologique, ils vont devoir montrer patte verte à l’Ademe. Autrement dit, obtenir un "score environnemental" d’au moins 60 sur 100. Cette note sera calculée à partir d’une méthodologie que l’État garantit "objective et scientifique". Elle a été officialisée dans un arrêté, publié au Journal officiel le 20 septembre.

Concrètement, l’Ademe va passer à la moulinette les caractéristiques techniques du véhicule (poids, autonomie, volume…), les principaux matériaux qui le composent (métaux ferreux, aluminium, mais aussi verre, plastiques, etc.), les propriétés et composants des batteries électriques embarquées, mais aussi l’énergie consommée pour les "transformations intermédiaires" et l’assemblage, sans oublier la logistique et les transports déployés pour acheminer le produit fini "jusqu’à son site de distribution en France".

"Les constructeurs devront prouver que leur véhicule respecte ces seuils maximums d’empreinte carbone"

Les émissions de gaz à effet de serre de chacune de ces étapes seront évaluées et comparées à des limites réglementaires. "Pour bénéficier du bonus écologique, les constructeurs devront prouver que leur véhicule respecte ces seuils maximums d’empreinte carbone", explique le gouvernement. Pour améliorer leurs chances, les constructeurs pourront aussi intégrer des paramètres liés à la durabilité du véhicule (incorporation de matières plastiques recyclées et/ou de matériaux biosourcés, réparabilité de la batterie). Le poids de ces critères sera toutefois limité à 30 % de la note finale.

Dans tous les cas, charge aux groupes automobiles d’apporter à l’Ademe toutes les données et pièces justificatives nécessaires à l’établissement du score environnemental de leurs voitures - et ce, au cas par cas, puisque la procédure doit être répétée pour chacun des modèles électriques de leur catalogue. La plate-forme de dépôt des dossiers ouvre le 10 octobre, avec un premier verdict attendu le 15 décembre. Une première liste des heureux élus sera alors publiée. L’enjeu est de taille, puisque la prime représente actuellement un rabais de 5 000 à 7 000 euros sur le prix d’achat. De quoi soigner leur compétitivité face à des concurrents asiatiques bon marché.

Un bonus écologique aux allures de bouclier protectionniste

Officiellement toutefois, le gouvernement se garde bien de présenter son bonus écologique nouvelle formule comme une barrière à l’entrée anti-chinoise. L’argumentaire développé est purement environnemental. Le mode de calcul retenu devrait permettre de réduire les émissions de la France "à hauteur de 800 000 tonnes d’équivalent CO2 par an", se vante ainsi Bercy, dans un communiqué de presse. Auparavant, son cabinet avait également expliqué que, sur le milliard d’euros dépensés au titre de cette prime à l’achat, "on estime à quasiment un tiers la part qui revient à subventionner des véhicules dont l’empreinte carbone de production est mauvaise". Bref, "c’est une réforme résolument environnementale […], ce qui permet sa compatibilité au droit de l’OMC", tente de désamorcer l’exécutif.

Mais personne n’est dupe. Les critères du nouveau score environnemental pénalisent, de fait, la production en Asie, du fait du mix énergétique des usines locales et du coût climatique des transports jusqu’à nos frontières. Entre le retour en grâce de la souveraineté et la montée au créneau des constructeurs européens, le timing de cette annonce gouvernementale n’est pas non plus anodin. Le 13 septembre, la Commission européenne a d’ailleurs promis l’ouverture d’une enquête sur les véhicules électriques chinois, au motif que "[leur] prix est maintenu artificiellement bas par des subventions publiques massives".

"On fait une défense environnementale de nos industries, ça, on l’assume parfaitement"

Le bras de fer avec Pékin semble donc bel et bien engagé et le bonus écologique français ressemble, à s’y méprendre, à une banderille de plus. Le ministre des Transports a d’ailleurs justifié la démarche par ce demi-aveu : "On fait une défense environnementale de nos industries, ça, on l’assume parfaitement", a lancé Clément Beaune, le 20 septembre, sur France Info. Et d’émettre le souhait, dans la foulée, que "l’on ne fasse pas, avec la transition écologique, ce que l’on a fait avec beaucoup de secteurs industriels. Comme la sidérurgie, que l’on a détruite en étant ouvert, sans prendre en compte ce que font les autres [pays], qui subventionnent et ne font pas très attention à l’environnement". L’ombre du géant chinois sur l’industrie automobile aura finalement eu plus d’effet sur la politique climatique de l’État que n’importe quel rapport du Giec sur le réchauffement de la planète.

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