La panne de recrutement freine les routiers
# Transport # Ressources humaines

La panne de recrutement freine les routiers

S'abonner

Malgré une conjoncture favorable, le transport routier peine à recruter. Si l’on n’a en effet jamais compté autant de salariés dans le secteur, les besoins en recrutement restent élevés, notamment pour compenser les départs en retraite.

Si à Cholet le Groupe Ageneau recrute sans difficulté, le transporteur constate toutefois un turn-over chez ses plus jeunes conducteurs — Photo : Groupe Ageneau

Avec 686 100 salariés dans la profession en 2016, et plus de 19 000 créations d’emplois cette même année, le secteur du transport et de la logistique connaît une belle dynamique. Une tendance qui devrait se poursuivre dans les années à venir, selon l’enquête annuelle de l’Observatoire prospectif des métiers et des qualifications dans les transports et la logistique (OPTL). Ainsi, l’organisme pronostique pour 2018 une hausse de 2,9 % de l’emploi salarié dans l’activité transport de marchandises, qui totalisera alors 562 000 personnes dont 349 000 conducteurs, pour 28 000 d’entre eux encore à former. Reste que derrière ces belles perspectives, la profession est confrontée à une raréfaction de candidats prêts à s’asseoir derrière les volants de ses camions.

En Pays de la Loire, c’est même un millier de conducteurs qui ont fait défaut en 2017 aux entreprises locales de transport. « Nous avons besoin de former 700 conducteurs par an, soit au total 8 000 personnes à l’horizon 2030, souligne le Sarthois Pascal Trubert, président régional de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR). Et quand je dis 8 000, c’est sans compter le développement ! C’est notre besoin pour compenser les départs en retraite. »

« Nous avons besoin de 8 000 conducteurs d’ici 2030, simplement pour compenser les départs en retraite. »

Forte de 1 000 entreprises, la filière transport routier emploie 25 400 personnes en Pays de la Loire et 40 % de ses effectifs sont âgés de plus de 50 ans. Confronté au vieillissement de leurs salariés, les transporteurs ligériens pâtissent également d’un manque d’attractivité, à l’instar de l’industrie. « Nous traînons toujours cette image du routier isolé dans son camion, partant plusieurs semaines au long cours. C’est fini tout ça. Comme nous ne sommes plus compétitifs socialement sur le transport international, nous faisons principalement du départ à la journée », poursuit Pascal Trubert.

Turn-over des chauffeurs

Du côté des sociétés de transport, l’anticipation est de mise. « On se projette sur 2022. 12 conducteurs nous quittent dans les trois ans à venir et nous n’avons pas les candidats », indique James Bizery, responsable formation du groupe Salesky à Sablé-sur-Sarthe. Forte de 350 conducteurs, l’entreprise se situe sur un bassin connaissant des tensions en termes d’emplois. « Nous avons plus de difficultés à recruter ici que dans nos autres agences. D’ailleurs, nous faisons appel à certains de nos chauffeurs du Nord pour venir donner des coups de main ponctuels à Sablé. »

Néanmoins cette situation apparait plus contrastée selon les territoires. A Cholet, le groupe Ageneau reconnaît ainsi se donner le choix. « Nous recrutons toute l’année, sans réelles difficultés. Nous arrivons encore à choisir les conducteurs, avec la capacité de dire oui ou non aux demandes que nous recevons et que nous étudions toutes », explique Charlène Ageneau, en charge des ressources humaines du groupe qui emploie 320 chauffeurs pour 33,7 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Néanmoins, dans un contexte de pénurie, les conducteurs se font de moins en moins fidèles à leur employeur. « Nous signons beaucoup de contrats pros. Ces jeunes chauffeurs restent pour certains dans l’entreprise mais d’autres choisissent aussi de partir après quelques temps, car nous sommes leur première expérience professionnelle et il est légitime qu’ils aient envie d’aller voir autre chose chez un autre transporteur », appuie Charlène Ageneau.

Un constat partagé par Thierry Suzanne, co-gérant des Transports Suzanne à Gennes-Val-de-Loire. « En discutant avec les confrères, on commence à sentir des difficultés de recrutement dans la profession. Depuis quelques années, il semblerait que certains jeunes formés se réorientent vers d’autres filières, ce qui n’était pas le cas avant. » Selon lui, sur une vingtaine de chauffeurs qui ont appris le métier, il y en aurait seulement un quart qui roulent encore, dans une classe d’âge de 30 à 35 ans.

Le groupe Salesky emploie 350 personnes à Sable-sur-Sarthe — Photo : Salesky

2019, année de tous les dangers

Afin d’enrayer ces tensions sur le recrutement, la profession multiplie les initiatives individuelles et collectives pour revaloriser le métier de conducteur. A Sablé, Salesky lance à la rentrée une formation rémunérée pour 6 candidats, entièrement financée par l’entreprise et le Geiq Transport (Groupement d’employeurs pour l’insertion et la qualification). « L’objectif est de les garder en CDI. On travaille aussi beaucoup sur le bien-être des salariés, ce qui nous permet de limiter le turn-over », ajoute James Bizery. 2018 sera toutefois l’année la plus basse en matière de recrutements, malgré un contexte économique favorable à la profession.

Reste que 2019 pourrait constituer un tournant. Après un passage de 7 à 6% en 2018, les transporteurs attendent la transformation du CICE en allègement de charges l’an prochain. Une inquiétude pour le président des transporteurs. « Nous fonctionnons sous perfusion et sommes continuellement taxés. Si le prix du gasoil reste haut, 2019 sera un virage difficile à négocier. »

Maine-et-Loire Sarthe # Transport # Ressources humaines # Conjoncture