Interdiction du plastique jetable : quelles perspectives pour les industriels locaux ? 
Enquête # Plasturgie # Juridique

Interdiction du plastique jetable : quelles perspectives pour les industriels locaux ? 

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À partir du 1er janvier 2020, la vaisselle, les contenants alimentaires et tout autre accessoire jetable en plastique seront interdits en France. Pour répondre à la réglementation, les plasturgistes cherchent des solutions innovantes, plus vertueuses pour l’environnement, malgré un calendrier très serré.

Seul fabricant français, le sarthois APS pourrait voir ses touillettes interdites en France au 1er janvier 2020 — Photo : Cédric Menuet - Le Journal des entreprises

En investissant cet été dans une septième ligne de production pour sa société APS, Pierre Le Gendre ne pensait pas que le vote, le 14 septembre dernier, d’un amendement au projet de loi Alimentation remettrait en cause son projet de développement. Car en ajoutant à la liste des produits en plastique jetable bannis au 1er janvier 2020 les couverts, pailles et autres mélangeurs de boisson, l’Assemblée nationale a introduit un sacré grain de sable dans les rouages de cette PME sarthoise de 18 salariés.

Basée à Parigné-l’Evêque, APS est en effet spécialisée dans la fabrication de gobelets et bols pré-dosés, ainsi que d’agitateurs en plastique jetable : les fameuses touillettes bientôt proscrites à la vente. « C’est choquant, on nous met au pied du mur. La vaisselle de pique-nique a été citée dès 2016 dans le projet de loi, laissant quatre ans aux fabricants pour se retourner. Dans 18 mois, nos produits seront interdits, sans aucun délai, ni même nous consulter », déplore Pierre Le Gendre.

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Une filière dans le flou

Réalisant 5 millions d’euros de chiffre d’affaires, APS est le seul fabricant français de ces mélangeurs de boisson. Des produits qu’elle décline en deux catégories : les touillettes, qui sont vendues en vrac, et les spatules de mélange, pour les distributeurs automatiques de boissons chaudes. Plus technique par sa forme et ses dimensions, afin de ne pas se coincer dans la machine, ce produit n’est pas concerné par l’interdiction. « La distribution automatique n’est pas touchée pour l’instant, mais on se pose des questions pour demain. D’autant que la Commission européenne veut elle aussi interdire un certain nombre de produits en plastique à usage unique, dont les touillettes. Là encore, on ne sait pas si les consommables de distributeurs sont concernés. »

Un manque de clarté que relève également Valérie Delesalle, cofondatrice de la PME angevine Versoo. « Il y a un flou sur les produits de distributeurs automatiques, c’est donc difficile d’avoir une vision à court terme. Pourtant, le plastique peut avoir toute sa place en entreprise s’il est recyclé », défend la cheffe d’entreprise. Versoo développe en effet, depuis son site de Saint-Sylvain d’Anjou, une filière de recyclage de gobelets en plastique usagés, issus de fontaines à eau et distributeurs automatiques. Transformés sur place en bille, ils sont réutilisés par les plasturgistes locaux, en tant que matière première.

Contraintes techniques

Car si les objets en plastique à usage unique sont proscrits, leur remplacement par des matières plus vertueuses est encouragé, tant que ces produits restent dégradables dans un composteur de jardin. « Nous n’avons pas attendu les lois pour rechercher des solutions alternatives, martèle Pierre Le Gendre. Nous avons exploré des pistes vers le maïs et les algues, sans résultat probant. Actuellement, il n’y a pas de matière biosourcée et compostable qui résiste à la très haute température d’une boisson chaude. »

Même constat à Laval, chez le fabricant d’emballages alimentaires Europlastiques. « Aujourd’hui nous injectons du polypropylène, un plastique entièrement recyclable qui tient bien la chaleur et permet la pasteurisation. Nous lui recherchons des alternatives, en diminuant son usage ou en introduisant de nouvelles matières dans le process », explique Eloïse Loriot, responsable de la communication du plasturgiste mayennais.

A la recherche de la matière miracle

Europlastiques allège en effet ses produits en développant des contenants à parois plus fines, pour économiser du plastique. Des matières végétales sont aussi incorporées dans ses polymères. Le mayennais a également lancé, en 2013, avec sa filiale Decostyl, une gamme de gobelets réutilisables en plastique recyclable. Mais surtout, l'industriel phosphore depuis des années pour mettre au point un bioplastique entièrement biodégradable. Baptisé BluecoPHA, ce projet arrive aujourd’hui en phase de pré-industrialisation.

« Nos clients partagent notre vision du marché. Ils ont un intérêt pour les matières biosourcées, quand elles répondent à leur cahier des charges et ne perturbent pas la production », décrit Eloïse Loriot. Pour cela, Europlastiques a créé, cette année, un laboratoire en interne dédié à l’innovation « responsable ». Une démarche associant salariés et clients de l’entreprise dans la recherche d’innovations touchant les produits, les process industriels et, bien entendu, la recherche de nouvelles matières biodégradables.

En Sarthe, APS songe également à l’avenir de ses touillettes. En attendant de trouver la matière végétale miracle, Pierre Le Gendre propose à ses clients des produits en bois. « Nous ne les fabriquons pas, c’est de l’importation asiatique. C’est-à-dire que l’on déforeste là-bas, pour faire parcourir 15 000 kilomètres en bateau à une touillette, jusqu’à votre café ! C’est ça, l’écologie ? » Du côté de Versoo, on ne s’inquiète pas de la condamnation du plastique. « Si on ne travaille plus avec les gobelets, nous travaillerons avec autre chose. Il y a d’autres projets à mettre en place dans le secteur de l’écologie du recyclage », souligne Valérie Delesalle. Reste un désamour du plastique, de la part du consommateur, pressant l’ensemble de la filière à accélérer le rythme de l’écoconception de ses produits.

Sarthe Mayenne Angers # Plasturgie # Juridique # Politique économique