Il twitte, on trinque
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Il twitte, on trinque

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Voilà qu’en pleine célébration des vaillants héros débarqués en 1944 sur les plages normandes, le président-golfeur de la première puissance mondiale, l’amateur de soda sans sucre, s’en prend aux vins français, selon lui non suffisamment taxés. De quoi faire bondir les 6000 viticulteurs et 300 négociants de vins de Bordeaux...

— Photo : Le Journal des Entreprises

De vous à moi, s’il est un chef d’entreprise à qui je ne pensais pas consacrer un édito, c’est bien lui. Magnat de l’immobilier, président-golfeur de la première puissance mondiale, "twittos" devant l’Éternel, l’évocation de son seul patronyme suffit à me départir de l’indispensable probité déontologique qu’exige ma profession. Voilà près d’un an, un autre patron, Daniel Harari, avait conforté ma coupable posture : selon le PDG de Lectra, (lire Le Journal des Entreprises édition Bordeaux n°375) le discours populiste de l’hôte de la Maison Blanche participait d’une politique économique martiale dirigée non seulement vers la Chine, mais vers tous les États qui contrarieraient son projet America First. Et Daniel Harari de déplorer le silence assourdissant des responsables et médias européens face à l’imprévisibilité étasunienne et la guerre commerciale sciemment menée.

Le temps a passé, et voilà qu’en pleine célébration des vaillants héros débarqués en 1944 sur les plages normandes, l’amateur de soda sans sucre s’en prenait aux vins français, selon lui non suffisamment taxés. De quoi faire bondir les 6 000 viticulteurs et 300 négociants de vins de Bordeaux ? L’émoi fut en fait des plus discrets. On sait ici que le pays de l’oncle Sam, premier consommateur mondial de vin, importe chaque année 26 millions de cols bordelais, générant 279 millions d’euros de chiffre d’affaires. Les grands crus classés, à l’instar du château Kirwan en Margaux, se félicitent même d’une progression en Amérique du Nord.

Alors on évite de souffler sur les braises, on garde un œil vigilant sur le réseau social à l’oiseau bleu tout en croisant les doigts pour que l’attention du président milliardaire se détourne de nos vignobles. En attendant, on accueille les bonnes nouvelles venues d’autres comptes, d’acteurs locaux qui bataillent pour l’entrepreneuriat néoaquitain. À l’aune de la croissance exponentielle de sa communauté Twitter, on peut alors féliciter la French Tech Bordeaux, suivie par quelque 20 300 abonnés qui en font la plus dynamique des capitales French Tech sur la plateforme… Levons notre verre !

Ce billet a été publié dans Le Journal des Entreprises édition Bordeaux n°384, Juillet-août 2019.

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