Face à Trump, les Lorrains veulent une Europe forte
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Face à Trump, les Lorrains veulent une Europe forte

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Le 45e président des États-Unis, Donald Trump, revendique une politique économique protectionniste et tournée vers un objectif : « America first ». Pour les patrons lorrains qui exportent sur le marché américain, il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Pour l'instant...

— Photo : Le Journal des Entreprises

Le 17 janvier dernier, en ouverture du Forum économique mondial de Davos, le président chinois Xi Jinping prononçait un vibrant plaidoyer en faveur du libre échange. « L'économie mondiale est un vaste océan dont il est impossible de s'échapper », lançait Xi Jinping. « Toute tentative de stopper les échanges de capitaux, les technologies et les produits entre pays est impossible et à rebours de l'histoire ». Quelques jours plus tard, le 23 janvier, le nouveau président des Etats-Unis, Donald Trump signait un décret pour retirer son pays de l'Accord de partenariat transpacifique, le TPP.

Les premiers symptômes d'un monde qui se crispe, des frontières qui se ferment ? « Evidemment non », affirme Thierry Prêcheur, le président lorrain des Conseillers du commerce extérieur de la France. « Je n'apprécie pas le personnage, mais je comprends sa logique. Son action vise à retrouver une forte croissance sur le marché américain, ce qui ne peut que très bénéfique pour le reste du monde, tout en défendant le marché américain grâce à des accords bilatéraux sur la question des échanges. »

Un marché porteur

À Toul, le patron du domaine Lelièvre, David Lelièvre, voit toujours les Etats-Unis comme un vecteur de développement : « Mes flux vers ce pays augmentent sans cesse ». Entré il y a trois ans sur le territoire américain, David Lelièvre vend son gris de Toul dans douze Etats : « C'est le marché qui est venu me trouver et depuis ça fonctionne très bien. Les déclarations de Donald Trump ne m'inquiètent pas plus que cela : notre produit est issu du terroir, il ne nuit pas à l'emploi américain. »

Depuis Montigny, près de Lunéville, Plaisance Equipement envoie régulièrement des machines aux Etats-Unis : pour le fabricant de machine agricole leader sur le matériel de broyage, l'export pèse entre 20 et 30 % de chiffre d'affaires. « En ce moment, les Etats-Unis, c'est porteur pour nous. Concrètement, ce que nous ne faisons plus en Russie, un pays qui est devenu très protectionniste, nous le compensons là-bas », détaille Jean-Marie Plaisance. « Tous mes importateurs ont voté pour Trump et pour le moment, rien n'est remis en cause. Leur approche est assez pragmatique : nos machines répondent à un besoin, il faut qu'elles soient dans leur catalogue. »

À Woippy, les usines Claas envoient environ 300 presses par an vers les Etats-Unis, pour un total de 10 % du chiffre d'affaires. Le fabricant de machines agricoles est clair : « C'est un marché que nous voulons développer », affirme Hervé Bauduin, le président des Usines Claas France. Qui prend un peu de hauteur pour essayer de comprendre l'attitude de Donald Trump : « Les chefs d'entreprises ont appris à juger les hommes politiques non pas sur leurs paroles mais sur leurs actes. Ses déclarations sont effectivement tournées vers le protectionnisme mais que fera-t-il réellement ? Le protectionnisme qu'il souhaite mettre en place est plus qu'une dangereuse idée, ce n'est pas réaliste et ça ne va pas dans le sens de l'histoire de l'humanité. L'autarcie n'est qu'une utopie pure. »

Les chefs d'entreprise lorrains écoutent avec attention les propos du nouveau président des Etats-Unis et notent qu'un secteur était particulièrement visé : l'automobile. « Les constructeurs automobiles allemands, que nous fournissons notamment, ne vont sans doute pas se laisser faire », estime Gabriel Buchheit, co-dirigeant de CMS Automatisme en Moselle, exporte environ 3 à 4 % de sa production aux États-Unis via ses clients. « Dans ce secteur, des composants viennent d'Europe, d'autres d'Asie, des États-Unis, etc. Donald Trump risque peut-être de taxer plus lourdement les importations, c'est pour cela que c'est important d'avoir une Europe forte aujourd'hui. » Constat partagé par Thierry Prêcheur, qui observe aussi les mouvements internationaux depuis son poste de directeur du commerce international chez Saint-Gobain PAM : « À l'échelle du monde, l'Europe est une passoire. Les Etats-Unis se sont toujours protégés et semblent décidés à le faire encore plus. En face, la Chine fait du dumping social et l'Europe se voit en championne du libre échange. Mais le libre échange, ça marche quand c'est réciproque ».

Réussir avec un dollar ?

Une Europe forte, qui prenne enfin conscience des réalités du monde et défende ses marchés et ses emplois, tous les patrons le souhaitent : « Réussir en Europe avec un euro en poche, c'est possible », avance Laurent Probst, le patron de Cookal. « Par contre réussir aux Etats-Unis avec un dollar en poche, ça ne marche que dans les films. » Son entreprise, qui pèse environ 1,5 million d'euros de chiffre d'affaires, vend pour 60 000 euros de produits aux Etats-Unis. « On a commencé par la Floride, parce que les Américains prennent leur retraite là-bas. Ils ont du temps et des sous, c'est porteur, mais ce n'est pas facile. Nous sommes rentrés grâce à des contacts très solides. Le plus dur, c'est le côté juridique, les formalités administratives : pour y arriver, il a fallu prendre un avocat spécialisé. Leur protectionnisme, il est là. »

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