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Diariata N'Diaye : ​​​​​​​« Je suis une entrepreneuse de la cause féministe »
Interview Nantes # Informatique # Innovation

Diariata N'Diaye : ​​​​​​​« Je suis une entrepreneuse de la cause féministe »

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Elle a reçu un prix au CES de Las Vegas, elle est aussi lauréate du fonds pour le civisme en ligne lancé par Facebook. Diariata N’Diaye est la créatrice d’App-Elles, une application gratuite qui aide les femmes victimes de violence. Slameuse et artiste, la Nantaise est devenue aussi entrepreneuse en créant un bracelet d’alerte pour les femmes victimes de violence.

— Photo : Résonantes

Vous avez longuement hésité à créer une entreprise…

Diariata N’Diaye : Oui et après avoir longuement hésité, j’ai finalement décidé de ne pas le faire. Car on peut très bien entreprendre en restant une association. Mon but est de lutter contre les violences faites aux femmes et c’est une cause qui ne peut pas être un marché. On ne veut pas donner comme message qu’on le fait pour l’argent. En revanche, c’est une cause qui nécessite de l’argent. Comment faire pour trouver cet argent alors que les subventions publiques sont inexistantes ? Je rappelle que la cause reçoit seulement 0,006 % du budget de l’État en 2018. Nous cherchons donc un autre moyen de le faire via l’association. Le but reste bien de faire des bénéfices pour financer des actions.

Vous avez été nommé Chevalier national de l’Ordre du Mérite. Vous avez aussi reçu un prix au CES de Las Vegas, et Facebook vous a donné un Grand Prix récemment. Qu’est-ce que cela vous apporte ?

D.N : Cela donne de la notoriété et de la crédibilité. Depuis #Metoo, ce qui change, c’est que l’on doit moins justifier ce que l’on fait. Je sens que je suis différente parfois dans le monde de l’entreprise où j’ai l’impression que l’on dérange quand on dit que l’on est une association. Au CES de Las Vegas, nous étions un Ovni ! Mais on est des entrepreneurs et on le revendique ! J’ai mis du temps à l’assumer. Je me rappelle la première fois que j’ai fait un pitch. J’étais hyper complexée. J’essayais de faire comme les gens que j’avais vu faire, de tout dire en moins de 3 minutes, mais je suis slameuse, je ne sais pas tout dire en quelques minutes.

Comment faites-vous pour vous affranchir de cet exercice ?

D.N : Je me débrouille pour obtenir un rendez-vous en face-à-face (rires). Je n’ai pas de mal à demander de l’aide. J’en demande aussi autour de moi à d’autres entrepreneurs. Mon mentor c’est Julien Hervouët, le PDG de la société nantaise iAdvize. Il a été le premier à m’avoir fait confiance. Dès que j’ai un problème, je l’appelle pour lui demander conseil.

Quel est votre plan pour trouver de l’argent ?

D.N : Nous vendons des bracelets munis d’un bouton qui permet aux femmes victimes de violence d’alerter trois personnes en cas d’agression en envoyant sa position GPS. Le bracelet enregistre aussi l’environnement sonore qui peut servir de preuve devant la justice. Nous en avons vendu 8 000 pour le moment et nous sommes en rupture de stock. Entre 1 100 et 1 300 l’ont utilisé le mois dernier. Ces bracelets sont achetés par des collectivités, qui peuvent ensuite les redistribuer aux femmes victimes d’agression via des foyers de mineurs, des associations de protections de femmes. Le bracelet est gratuit pour les femmes concernées. Pour que ce soit gratuit pour elles, nous voudrions aussi le vendre, 30 euros, à des particuliers, dans les pharmacies ou les magasins de sport. Les joggeuses sont très demandeuses, les entreprises aussi. Nous avons ainsi des contacts avec la compagnie aérienne United Airlines qui voudrait équiper ses hôtesses de l’air ainsi qu’avec une marque de cosmétiques. Ces entreprises cherchent des solutions pour protéger leurs salariées.

Est-ce que vous faites des bénéfices ?

D.N : Nous sommes encore au début. Nous avons réalisé 400 000 euros de chiffre d’affaires en 2018, en comptant les prestations que nous faisons comme des spectacles dans les écoles, mais aussi des conférences sur ce thème. Mais nous ne faisons pas encore de bénéfices. Le développement de l’application nous demande énormément d’investissements. L’aide de Facebook de 200 000 euros devrait nous permettre de référencer l’application App-Elles sur l’Apple Store, ce qui n’était pas le cas jusqu’ici. Tout est plus long et difficile quand il n’y a pas les moyens financiers. Nous avons pu la développer jusqu’ici grâce au soutien d’entreprises locales telles que Capgemini, iAdvize ou Beekast, qui ont participé via du mécénat de compétences.

Comment voyez-vous la suite ?

D.N : Nous allons embaucher deux salariés en septembre prochain. Nous sommes aussi en train d’ouvrir une antenne à Vaux-en-Velin qui pourra assurer les prestations à Marseille car nous intervenons dans toute la France. Nous allons aussi lancer une campagne de communication en septembre. Tout devrait décoller en octobre.

À l’origine vous êtes slameuse, comment êtes-vous devenu entrepreneuse ?

D.N : Je suis toujours slameuse. Il y a dix ans maintenant, j’avais écrit un spectacle joué dans les collèges « Mots pour maux » qui aborde les violences faites aux femmes. C’est en faisant ce spectacle et en débattant ensuite avec le public ou lors d’ateliers d’écriture que j’ai récolté plein de témoignages. Je ne m’attendais pas à en recevoir autant. C’est cela qui m’a poussé à m’investir pour cette cause. J’étais féministe mais je ne le savais pas.

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